Dans son ouvrage sur les pastels de Maurice Quentin de La Tour, Henri Lapauze écrit :
Ce n’est pas au Louvre, devant sa fameuse Madame de Pompadour, si composée de visage et d’accessoires, merveille d’art, qui représente la Favorite non telle qu’elle fut, mais telle qu’elle voulait être ; ce n’est pas devant son Maréchal de Saxe adouci, ni parmi les figures trop masquées de hauteur du Roi, de la Reine, des princes, qu’on peut concevoir le fureteur de consciences, le guetteur de caractères que fut La Tour. Sa virtuosité merveilleuse, sa facture chaude, légère, animée, son souci du détail, le miracle de ses chairs où transparaissent le rose éclair du sang, la palpitation vivante des tissus, tout cela éclate dans ces pastels célèbres. C’est devant les ébauches, les préparations de ses portraits officiels, comme aussi devant les types d’inconnus qui séduisirent son crayon, et qu’il jeta tout vivants sur le papier dans un caprice d’investigation psychologique, que vous découvrirez combien il sut comprendre et interpréter l’âme de son temps (1)
Maurice Quentin de La Tour fut connu pour son œuvre au pastel et pour l’exécution réaliste (voire même hyperréaliste) de portraits. Sa technicité dans le rendu des matières, que cela soit les étoffes, les chairs ou les cheveux, ou sa parfaite maîtrise de l’expression et de la ressemblance, en firent l’un des artistes les plus doués de sa génération dans la catégorie du portrait « naturel ». Cette virtuosité dans les moindres détails lui permit d’avoir des commandes des personnalités les plus importantes du royaume et ainsi de réaliser des portraits officiels (Louis XV, Madame de Pompadour, le Maréchal de Saxe etc.). Néanmoins Quentin de La Tour ne se limita pas aux portraits d’apparat qui pouvaient gêner sa quête de l’âme et du caractère du modèle, dans la mesure où il fallait se conformer à la volonté du commanditaire. Il privilégia en effet l’imitation parfaite au détriment du « défaut atténué » et chercha des modèles. Il put ainsi représenter librement certains de ceux-ci qui, pour la plupart lui servirent d’étude, notamment des personnalités du monde du spectacle. On compte ainsi parmi les portraits exécutés au cours de sa carrière, ceux de Marie Fel ou de Mlle Sallé.
Le Musée l’Ecuyer, à Saint-Quentin (France) possède la majeure partie des pastels de Maurice Quentin de la Tour. Parmi ceux-ci on trouve « La série des Inconnus » constituée d’une vingtaine de portraits qui n’ont pas, pour la plupart, été identifiés. On a pu reconnaître néanmoins parmi ceux-ci Anne Botot dite Mlle Dangeville, actrice à la Comédie-Française de 1730 à 1763, spécialisée dans les emplois comiques (les soubrettes), ou bien Marie Justine Benoîte Duronceray, dite Mlle de Chantilly, épouse de Charles Simon-Favart, qui joua la comédie, chanta et dansa à l’opéra-comique puis à la Comédie-Italienne. Cette présence d’acteurs, de même que l’intérêt de Maurice Quentin de la Tour pour les milieux culturels (peintres, comédiens, chanteurs, littérateurs) nous a amenée à examiner en détails les portraits de manière à évaluer si d’autres portraits pouvaient être identifiés. Dans la mesure où Maurice Quentin de la Tour fut au contact de la vie théâtrale et artistique du XVIIIe siècle (notamment par le biais de son épouse Marie Fel) représentant des acteurs des divers théâtres parisiens (2), il nous parait vraisemblable que certains de ces portraits puissent représenter des comédiens.
Nous souhaiterions ici présenter nos hypothèses concernant l’identification de comédiens célèbres de la Comédie-Française présents, semble-t-il, dans cette série des Inconnus. Nous faisons appel au savoir des historiens et des historiens de l'art, ou à tous ceux qui auraient des informations sur La Tour afin d'infirmer ou confirmer ces hypothèses.
Notes introduction:
(1) Henri Lapauze, Les Pastels de Maurice Quentin de la Tour, du Musée Lécuyer à Saint-Quentin, Paris, éditions de la Renaissance, 1919.
(2) Portraits de Jean Monnet entrepreneur de spectacles, de Carlin acteur à la Comédie-Italienne, mais aussi d’artistes et d’écrivains (Jean-Jacques Rousseau, Jean le Rond D’Alembert, Prosper Jolyot de Crébillon), d’artistes (Jean Restout, René Frémin, Lemoyne etc.).
Mme de Pompadour:
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=90&SubE=2C6NU0HW4P5X
Marie Fel:
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=29&SubE=2C6NU0SOG4Z1
Ce n’est pas au Louvre, devant sa fameuse Madame de Pompadour, si composée de visage et d’accessoires, merveille d’art, qui représente la Favorite non telle qu’elle fut, mais telle qu’elle voulait être ; ce n’est pas devant son Maréchal de Saxe adouci, ni parmi les figures trop masquées de hauteur du Roi, de la Reine, des princes, qu’on peut concevoir le fureteur de consciences, le guetteur de caractères que fut La Tour. Sa virtuosité merveilleuse, sa facture chaude, légère, animée, son souci du détail, le miracle de ses chairs où transparaissent le rose éclair du sang, la palpitation vivante des tissus, tout cela éclate dans ces pastels célèbres. C’est devant les ébauches, les préparations de ses portraits officiels, comme aussi devant les types d’inconnus qui séduisirent son crayon, et qu’il jeta tout vivants sur le papier dans un caprice d’investigation psychologique, que vous découvrirez combien il sut comprendre et interpréter l’âme de son temps (1)
Maurice Quentin de La Tour fut connu pour son œuvre au pastel et pour l’exécution réaliste (voire même hyperréaliste) de portraits. Sa technicité dans le rendu des matières, que cela soit les étoffes, les chairs ou les cheveux, ou sa parfaite maîtrise de l’expression et de la ressemblance, en firent l’un des artistes les plus doués de sa génération dans la catégorie du portrait « naturel ». Cette virtuosité dans les moindres détails lui permit d’avoir des commandes des personnalités les plus importantes du royaume et ainsi de réaliser des portraits officiels (Louis XV, Madame de Pompadour, le Maréchal de Saxe etc.). Néanmoins Quentin de La Tour ne se limita pas aux portraits d’apparat qui pouvaient gêner sa quête de l’âme et du caractère du modèle, dans la mesure où il fallait se conformer à la volonté du commanditaire. Il privilégia en effet l’imitation parfaite au détriment du « défaut atténué » et chercha des modèles. Il put ainsi représenter librement certains de ceux-ci qui, pour la plupart lui servirent d’étude, notamment des personnalités du monde du spectacle. On compte ainsi parmi les portraits exécutés au cours de sa carrière, ceux de Marie Fel ou de Mlle Sallé.
Le Musée l’Ecuyer, à Saint-Quentin (France) possède la majeure partie des pastels de Maurice Quentin de la Tour. Parmi ceux-ci on trouve « La série des Inconnus » constituée d’une vingtaine de portraits qui n’ont pas, pour la plupart, été identifiés. On a pu reconnaître néanmoins parmi ceux-ci Anne Botot dite Mlle Dangeville, actrice à la Comédie-Française de 1730 à 1763, spécialisée dans les emplois comiques (les soubrettes), ou bien Marie Justine Benoîte Duronceray, dite Mlle de Chantilly, épouse de Charles Simon-Favart, qui joua la comédie, chanta et dansa à l’opéra-comique puis à la Comédie-Italienne. Cette présence d’acteurs, de même que l’intérêt de Maurice Quentin de la Tour pour les milieux culturels (peintres, comédiens, chanteurs, littérateurs) nous a amenée à examiner en détails les portraits de manière à évaluer si d’autres portraits pouvaient être identifiés. Dans la mesure où Maurice Quentin de la Tour fut au contact de la vie théâtrale et artistique du XVIIIe siècle (notamment par le biais de son épouse Marie Fel) représentant des acteurs des divers théâtres parisiens (2), il nous parait vraisemblable que certains de ces portraits puissent représenter des comédiens.
Nous souhaiterions ici présenter nos hypothèses concernant l’identification de comédiens célèbres de la Comédie-Française présents, semble-t-il, dans cette série des Inconnus. Nous faisons appel au savoir des historiens et des historiens de l'art, ou à tous ceux qui auraient des informations sur La Tour afin d'infirmer ou confirmer ces hypothèses.
Notes introduction:
(1) Henri Lapauze, Les Pastels de Maurice Quentin de la Tour, du Musée Lécuyer à Saint-Quentin, Paris, éditions de la Renaissance, 1919.
(2) Portraits de Jean Monnet entrepreneur de spectacles, de Carlin acteur à la Comédie-Italienne, mais aussi d’artistes et d’écrivains (Jean-Jacques Rousseau, Jean le Rond D’Alembert, Prosper Jolyot de Crébillon), d’artistes (Jean Restout, René Frémin, Lemoyne etc.).
Mme de Pompadour:
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=90&SubE=2C6NU0HW4P5X
Marie Fel:
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=29&SubE=2C6NU0SOG4Z1
MLLE DUMESNIL : PORTRAITS 11 ET 12 DE LA SERIE DES INCONNUS
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=66&SubE=2C6NU0SO8HZU
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=67&SubE=2C6NU0SO8BXO
Les portraits 11 et 12 représentent une même femme de trois-quarts face, dans sa jeunesse (11) puis dans sa maturité. Le visage a été très travaillé mais le fond, de même que le buste, restent inachevés. Ces visages, comparés au célèbre portrait de Marie-Françoise Marchand dite Mlle Dumesnil réalisé par Donat Nonotte, laissent supposer que la célèbre tragédienne fut, à deux reprises le modèle de Maurice Quentin de la Tour.
Portrait de Donat Nonotte: http://www.posterlounge.co.uk/mademoiselle-dumesnil-pr149884.html
Mlle Dumesnil fut sociétaire de 1738 à 1776. Elle commença par jouer en province puis fit ses débuts à la Comédie-Française le 6 août 1737 dans le rôle de Clitemnestre dans Iphigénie en Aulide. Elle avait vingt-quatre ans. Elle endossa ensuite le rôle de Phèdre dans la pièce éponyme de Jean Racine ainsi que celui d’Elizabeth dans Le Comte d’Essex de Thomas Corneille. Elle fut reçue le 8 octobre suivant pour doubler les actrices ayant les premiers emplois, Mlles Balicourt et Quinault qui étaient alors très connues et qui se distinguaient dans le genre tragique, et pour remplir les rôles de reine. On peut donc supposer que son physique était en accord avec son emploi dans la mesure où, à cette époque, l’apparence physique était très importante (on ne pouvait jouer à contre-emploi). On peut supposer que Mlle Dumesnil avait assez de stature et d’élégance pour se charger de rôles.
Bien peu de documents nous sont parvenus sur Mlle Dumesnil si ce n’est quelques lettres. La vie privée de l’actrice reste mal connue. Il faut tout d’abord souligner que les portraits de Mlle Dumesnil sont peu nombreux. La banque d’images du projet CESAR donne la possibilité de visualiser quelques gravures, la plupart inspirée du tableau de Donat Nonotte que nous allons examiner. Les miniatures de Foëch de Basle et de Whirsker mettent en scène plusieurs fois Mlle Dumesnil. Dans cette série, les acteurs, représentés de profil, sont ainsi reconnaissables (il est d’ailleurs plus aisé de portraiturer une personne de profil et l’on sait que la mode était au portrait au XVIIIe siècle). Comme l’indique Antoine Vincent Arnault dans son ouvrage où les gouaches sont reproduites, selon lui, très fidèlement, « Ce n’étaient pas des artistes d’un ordre supérieur : ils se bornaient à peindre des acteurs sur velin ; mais ils y étaient fort habiles. Dessinés avec un esprit tout particulier, ces portraits reproduisent, non seulement les traits, mais les habitudes de leurs modèles : ils ressemblent de la tête aux pieds. […] Wirsker, auteur de ces gouaches, y a reproduit avec exactitude la plus spirituelle la physionomie, le maintien, le caractère de ses originaux, dans les rôles où ils ont excellé, et dans les situations où ils excitaient le plus d’enthousiasme (1). » Mlle Dumnesil s’y distingue aisément.
Le portrait réalisé par Donat Nonotte présente l’actrice dans une tenue théâtrale, ou plus exactement royale qu’il s’agit d’une tenue portée pour le rôle d’Agrippine dans Britannicaus de Jean Racine (2). L’actrice porte donc une robe d’apparat faite de matières nobles (satin/soie, velours et hermine) et ouvragée. On remarque la riche parure de bijoux, notamment des boucles d’oreille en forme de girandoles et un collier de perles et pierreries. Une aigrette attachée par un rang de perles surmonte la perruque basse d’époque Louis XV. Cette image est à rapprocher de certaines descriptions de l’actrice, notamment ses costumes qui s’inspiraient des modes de la cour et notamment des robes de Marie Leczinska.
On peut ainsi lire dans les Souvenirs et les regrets du vieil auteur dramatique : « Son costume dans Athalie [Mlle Dumesnil] était encore plus majestueux peut-être. Le velours et le satin n’y étaient pas épargnés, et la richesse de ces étoffes était encore relevée par des broderies d’or dont elles étaient chargées. Reine des juifs, l’actrice n’oubliait pas de mettre une couronne rayonnante, à l’imitation de celle du roi David, du roi Hérode, ou de la reine de Sabbat, et d’y joindre un panache de plume d’autruche, dépouille d’un oiseau d’Afrique (3). »
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=144&FP=17462950&E=2K1KTSGS5XUDQ&SID=2K1KTSGS5XUDQ&New=T&Pic=67&SubE=2C6NU0SO8BXO
Les portraits 11 et 12 représentent une même femme de trois-quarts face, dans sa jeunesse (11) puis dans sa maturité. Le visage a été très travaillé mais le fond, de même que le buste, restent inachevés. Ces visages, comparés au célèbre portrait de Marie-Françoise Marchand dite Mlle Dumesnil réalisé par Donat Nonotte, laissent supposer que la célèbre tragédienne fut, à deux reprises le modèle de Maurice Quentin de la Tour.
Portrait de Donat Nonotte: http://www.posterlounge.co.uk/mademoiselle-dumesnil-pr149884.html
Mlle Dumesnil fut sociétaire de 1738 à 1776. Elle commença par jouer en province puis fit ses débuts à la Comédie-Française le 6 août 1737 dans le rôle de Clitemnestre dans Iphigénie en Aulide. Elle avait vingt-quatre ans. Elle endossa ensuite le rôle de Phèdre dans la pièce éponyme de Jean Racine ainsi que celui d’Elizabeth dans Le Comte d’Essex de Thomas Corneille. Elle fut reçue le 8 octobre suivant pour doubler les actrices ayant les premiers emplois, Mlles Balicourt et Quinault qui étaient alors très connues et qui se distinguaient dans le genre tragique, et pour remplir les rôles de reine. On peut donc supposer que son physique était en accord avec son emploi dans la mesure où, à cette époque, l’apparence physique était très importante (on ne pouvait jouer à contre-emploi). On peut supposer que Mlle Dumesnil avait assez de stature et d’élégance pour se charger de rôles.
Bien peu de documents nous sont parvenus sur Mlle Dumesnil si ce n’est quelques lettres. La vie privée de l’actrice reste mal connue. Il faut tout d’abord souligner que les portraits de Mlle Dumesnil sont peu nombreux. La banque d’images du projet CESAR donne la possibilité de visualiser quelques gravures, la plupart inspirée du tableau de Donat Nonotte que nous allons examiner. Les miniatures de Foëch de Basle et de Whirsker mettent en scène plusieurs fois Mlle Dumesnil. Dans cette série, les acteurs, représentés de profil, sont ainsi reconnaissables (il est d’ailleurs plus aisé de portraiturer une personne de profil et l’on sait que la mode était au portrait au XVIIIe siècle). Comme l’indique Antoine Vincent Arnault dans son ouvrage où les gouaches sont reproduites, selon lui, très fidèlement, « Ce n’étaient pas des artistes d’un ordre supérieur : ils se bornaient à peindre des acteurs sur velin ; mais ils y étaient fort habiles. Dessinés avec un esprit tout particulier, ces portraits reproduisent, non seulement les traits, mais les habitudes de leurs modèles : ils ressemblent de la tête aux pieds. […] Wirsker, auteur de ces gouaches, y a reproduit avec exactitude la plus spirituelle la physionomie, le maintien, le caractère de ses originaux, dans les rôles où ils ont excellé, et dans les situations où ils excitaient le plus d’enthousiasme (1). » Mlle Dumnesil s’y distingue aisément.
Le portrait réalisé par Donat Nonotte présente l’actrice dans une tenue théâtrale, ou plus exactement royale qu’il s’agit d’une tenue portée pour le rôle d’Agrippine dans Britannicaus de Jean Racine (2). L’actrice porte donc une robe d’apparat faite de matières nobles (satin/soie, velours et hermine) et ouvragée. On remarque la riche parure de bijoux, notamment des boucles d’oreille en forme de girandoles et un collier de perles et pierreries. Une aigrette attachée par un rang de perles surmonte la perruque basse d’époque Louis XV. Cette image est à rapprocher de certaines descriptions de l’actrice, notamment ses costumes qui s’inspiraient des modes de la cour et notamment des robes de Marie Leczinska.
On peut ainsi lire dans les Souvenirs et les regrets du vieil auteur dramatique : « Son costume dans Athalie [Mlle Dumesnil] était encore plus majestueux peut-être. Le velours et le satin n’y étaient pas épargnés, et la richesse de ces étoffes était encore relevée par des broderies d’or dont elles étaient chargées. Reine des juifs, l’actrice n’oubliait pas de mettre une couronne rayonnante, à l’imitation de celle du roi David, du roi Hérode, ou de la reine de Sabbat, et d’y joindre un panache de plume d’autruche, dépouille d’un oiseau d’Afrique (3). »
Certaines images tardives, publiées à la fin du XVIIIe siècle et copies de gravures montrent un visage déformé qui, au fil du temps est de moins en moins ressemblant.
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=377297
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=376803
Ainsi il serait malaisé de pouvoir dire si la planche intitulée « Costume de Mlle Dumesnil dans Athalie de Racine », publiée dans l’ouvrage Costumes et annales des grands théâtres de Paris de Jean-Charles Levacher de Charnois (4), est une fidèle représentation de l’actrice. Malgré l’imprécision des traits dans les gravures fin de siècle, on perçoit cependant des constantes comme par exemple un nez pointu et aquilin.
L’originalité des deux portraits de Quentin de La Tour tient à ce que l’actrice serait représentée sans ses « oripeaux », c’est-à-dire d’une manière naturelle (et non à travers un personnage théâtral), laissant donc percevoir quelle était la vraie personnalité de l'actrice.
(1) A. Vincent, Les Souvenirs et les regrets du vieil auteur dramatique, Paris, Froment, 1829, p. vii & 4.
(2) 1680-1980, La Comédie-Française, (ed) Pierre Dux, Paris, Bibliothèque Nationale, 1980, p. 50.
(3) A. Vincent, Op. cit., p. 63.
(4) Jean-Charles Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, Paris: Janinet, 1786-1789.
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=375686
Témoignages sur Mlle Dumesnil
Son extérieur, sans avoir rien d’irrégulier, était loin d’annoncer une reine de théâtre. Les connaisseurs ont toujours regretté qu’elle ne joignit pas les grâces du maintien, la noblesse des attitudes, au pathétique déchirant et souvent sublime de son jeu. […] Une fois emportée par la passion, mademoiselle Dumesnil semblait n’avoir plus rien d’elle-même. Sa voix devenait terrible ; l’expression de ses yeux était foudroyante ; son débit, rapide, brûlant, désordonné, électrisait toutes les âmes. (Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, Desplaces, 1855, n°11, article « Dumesnil », p. 516-517).
Mademoiselle Dumesnil n’était ni belle ni jolie ; sa physionomie, sa taille, son ensemble, quoique sans aucune défectuosité de la nature, n’offraient aux yeux qu’une bourgeoise sans grâce, sans élégance, et souvent au niveau de la dernière classe du peuple. Cependant sa tête était bien placée, son œil était expressif, imposant, et terrible même quand elle le voulait. Sa voix, sans flexibilité, n’était jamais touchante ; mais elle était forte, sonore, suffisante aux plus grands éclats de l’emportement. Sa prononciation était pure, rien n’arrêtait la volubilité de son débit. (Clairon, Hyppolite, Mémoires et réflexions sur l’art dramatique, Paris, F. Buisson, an VII, p. 84).
Une physionomie et des yeux d’aigle, le plus grand caractère dans l’ensemble des traits, la plus grande noblesse dans sa démarche au théâtre et dans tous les airs de la tête, la taille élevée. (Dumesnil, Marie Françoise, Mémoires ; (in) Collection des mémoires sur l’art dramatique, vol. X, Paris, Tenré, 1823 ; réed. Genève, Slatkine reprints, 1968, p. 136).
Pour le grand, le furieux, je ne dis plus le hardi, je dis le téméraire, l’étonnant, les passages d’un sentiment à l’autre, les coups de Théâtre où l’Auteur même n’en a pas voulu, que dis-je, les coups de foudre, les éclats de voix, les pauses, les nuances, les retenues, qu’on imite Mlle Dumesnil. (Ligne, Prince de, Lettres à Eugénie sur les spectacles, Paris, 1774, p. 165-166).
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=377297
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=376803
Ainsi il serait malaisé de pouvoir dire si la planche intitulée « Costume de Mlle Dumesnil dans Athalie de Racine », publiée dans l’ouvrage Costumes et annales des grands théâtres de Paris de Jean-Charles Levacher de Charnois (4), est une fidèle représentation de l’actrice. Malgré l’imprécision des traits dans les gravures fin de siècle, on perçoit cependant des constantes comme par exemple un nez pointu et aquilin.
L’originalité des deux portraits de Quentin de La Tour tient à ce que l’actrice serait représentée sans ses « oripeaux », c’est-à-dire d’une manière naturelle (et non à travers un personnage théâtral), laissant donc percevoir quelle était la vraie personnalité de l'actrice.
(1) A. Vincent, Les Souvenirs et les regrets du vieil auteur dramatique, Paris, Froment, 1829, p. vii & 4.
(2) 1680-1980, La Comédie-Française, (ed) Pierre Dux, Paris, Bibliothèque Nationale, 1980, p. 50.
(3) A. Vincent, Op. cit., p. 63.
(4) Jean-Charles Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, Paris: Janinet, 1786-1789.
http://www.cesar.org.uk/cesar2/imgs/images.php?fct=edit&image_UOID=375686
Témoignages sur Mlle Dumesnil
Son extérieur, sans avoir rien d’irrégulier, était loin d’annoncer une reine de théâtre. Les connaisseurs ont toujours regretté qu’elle ne joignit pas les grâces du maintien, la noblesse des attitudes, au pathétique déchirant et souvent sublime de son jeu. […] Une fois emportée par la passion, mademoiselle Dumesnil semblait n’avoir plus rien d’elle-même. Sa voix devenait terrible ; l’expression de ses yeux était foudroyante ; son débit, rapide, brûlant, désordonné, électrisait toutes les âmes. (Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, Desplaces, 1855, n°11, article « Dumesnil », p. 516-517).
Mademoiselle Dumesnil n’était ni belle ni jolie ; sa physionomie, sa taille, son ensemble, quoique sans aucune défectuosité de la nature, n’offraient aux yeux qu’une bourgeoise sans grâce, sans élégance, et souvent au niveau de la dernière classe du peuple. Cependant sa tête était bien placée, son œil était expressif, imposant, et terrible même quand elle le voulait. Sa voix, sans flexibilité, n’était jamais touchante ; mais elle était forte, sonore, suffisante aux plus grands éclats de l’emportement. Sa prononciation était pure, rien n’arrêtait la volubilité de son débit. (Clairon, Hyppolite, Mémoires et réflexions sur l’art dramatique, Paris, F. Buisson, an VII, p. 84).
Une physionomie et des yeux d’aigle, le plus grand caractère dans l’ensemble des traits, la plus grande noblesse dans sa démarche au théâtre et dans tous les airs de la tête, la taille élevée. (Dumesnil, Marie Françoise, Mémoires ; (in) Collection des mémoires sur l’art dramatique, vol. X, Paris, Tenré, 1823 ; réed. Genève, Slatkine reprints, 1968, p. 136).
Pour le grand, le furieux, je ne dis plus le hardi, je dis le téméraire, l’étonnant, les passages d’un sentiment à l’autre, les coups de Théâtre où l’Auteur même n’en a pas voulu, que dis-je, les coups de foudre, les éclats de voix, les pauses, les nuances, les retenues, qu’on imite Mlle Dumesnil. (Ligne, Prince de, Lettres à Eugénie sur les spectacles, Paris, 1774, p. 165-166).
Fig. 1, 2 et 3.
Etude du visage
On observe ici la même forme de visage, ovale et allongée, de même qu’une physionomie expressive et vive, notamment la figure 1 qui suggère un caractère malicieux. Les traits laissent supposer une certaine robustesse dans la corpulence.
Les proportions du visage sont identiques. Ici il semble que les portraits ont été réalisés à trois différentes périodes : l’actrice, par la jeunesse de ses traits, a environ la trentaine ou moins (fig. 1); puis elle a environ la quarantaine ou moins étant une femme d’âge mûr (Fig. 2); enfin elle semble avoir atteint la cinquantaine, et être une femme vieillissante. Ces tranches chronologiques permettraient ainsi de dater l’exécution des portraits.
Le portrait n°12 aurait été exécuté dans les années 1760 et le portrait 11, autour de 1740 (Dumesnil débute à la Comédie-Française en 1737, âgée de 24 ans). Si l’on s’attache aux figures 1 et 2 uniquement, on peut voir une même forme de visage, un même front large, assez bombé (la perruque sur le portrait de Donat Nonotte avançant légèrement sur le front donne l’impression que le celui-ci est légèrement plus petit) ; un nez aquilin, effilé, long et pointu (bien que le visage de trois-quarts face ne soit pas totalement dans la même position, sur la figure 1, on peut néanmoins voir que le bout du nez est similaire d’une image à l’autre); les mêmes joues (colorées, fig. 2 et 3, avec du rouge et très poudré fig. 1). La figure 3 montre : un visage plus empâté que les deux autres et plutôt mafflu; les traits sont relâchés (effet de la vieillesse) ; le même menton, rond et double ; de longues oreilles, le lobe étant très allongé (elles semblent avoir été déformées par le port de boucles d’oreilles très lourdes comme le suggèrent d’ailleurs le portrait de Donat Nonotte qui laisse apparaître une imposante parure de bijoux).
Les yeux:
Le regard est quant à lui très expressif sur les portraits 11 et 12. On observe la même couleur d’yeux bleus (l’image 1, lorsqu’elle est agrandie, le montre) ; une forme similaire, les yeux étant en amande, brillants et perçants figure 1, en général expressifs (fig. 1 : l’actrice semble même faire peur et jouer avec le spectateur/artiste). Cette vivacité est d’ailleurs soulignée dans les écrits sur l’art théâtral. « son œil était expressif, imposant, et terrible même quand elle le voulait. » affirme Hippolyte de la Tude dite Mlle Clairon dans ses Mémoires (5).
On peut comprendre dès lors pourquoi il pourrait s'agir de Mlle Dumesnil qui impressionnait lorsqu’elle était sur scène : les figures 1 et 3 dégagent une certaine « force ». On remarque un trait de maquillage sur le portrait 12, sous la paupière interne. Les sourcils peuvent avoir été maquillés sur la fig. 1 : en effet, ils semblent être relevés par un trait de crayon légèrement brun ; (on peut noter aussi l’emploi du rouge sur les joues, notamment sur la figure 3).
Les proportions du visage sont identiques. Ici il semble que les portraits ont été réalisés à trois différentes périodes : l’actrice, par la jeunesse de ses traits, a environ la trentaine ou moins (fig. 1); puis elle a environ la quarantaine ou moins étant une femme d’âge mûr (Fig. 2); enfin elle semble avoir atteint la cinquantaine, et être une femme vieillissante. Ces tranches chronologiques permettraient ainsi de dater l’exécution des portraits.
Le portrait n°12 aurait été exécuté dans les années 1760 et le portrait 11, autour de 1740 (Dumesnil débute à la Comédie-Française en 1737, âgée de 24 ans). Si l’on s’attache aux figures 1 et 2 uniquement, on peut voir une même forme de visage, un même front large, assez bombé (la perruque sur le portrait de Donat Nonotte avançant légèrement sur le front donne l’impression que le celui-ci est légèrement plus petit) ; un nez aquilin, effilé, long et pointu (bien que le visage de trois-quarts face ne soit pas totalement dans la même position, sur la figure 1, on peut néanmoins voir que le bout du nez est similaire d’une image à l’autre); les mêmes joues (colorées, fig. 2 et 3, avec du rouge et très poudré fig. 1). La figure 3 montre : un visage plus empâté que les deux autres et plutôt mafflu; les traits sont relâchés (effet de la vieillesse) ; le même menton, rond et double ; de longues oreilles, le lobe étant très allongé (elles semblent avoir été déformées par le port de boucles d’oreilles très lourdes comme le suggèrent d’ailleurs le portrait de Donat Nonotte qui laisse apparaître une imposante parure de bijoux).
Les yeux:
Le regard est quant à lui très expressif sur les portraits 11 et 12. On observe la même couleur d’yeux bleus (l’image 1, lorsqu’elle est agrandie, le montre) ; une forme similaire, les yeux étant en amande, brillants et perçants figure 1, en général expressifs (fig. 1 : l’actrice semble même faire peur et jouer avec le spectateur/artiste). Cette vivacité est d’ailleurs soulignée dans les écrits sur l’art théâtral. « son œil était expressif, imposant, et terrible même quand elle le voulait. » affirme Hippolyte de la Tude dite Mlle Clairon dans ses Mémoires (5).
On peut comprendre dès lors pourquoi il pourrait s'agir de Mlle Dumesnil qui impressionnait lorsqu’elle était sur scène : les figures 1 et 3 dégagent une certaine « force ». On remarque un trait de maquillage sur le portrait 12, sous la paupière interne. Les sourcils peuvent avoir été maquillés sur la fig. 1 : en effet, ils semblent être relevés par un trait de crayon légèrement brun ; (on peut noter aussi l’emploi du rouge sur les joues, notamment sur la figure 3).
Les lèvres:
La bouche est rieuse (on peut d’ailleurs entrevoir la dentition, figure 1) et la commissure relevée. Les lèvres sont charnues fig. 1 et 2. La lèvre supérieure est bien dessinée. La lèvre inférieure de la figure 3 est probablement resserrée pour ne pas montrer les dents. Les lèvres, sur la figure 1 semblent même maquillées.
La bouche est rieuse (on peut d’ailleurs entrevoir la dentition, figure 1) et la commissure relevée. Les lèvres sont charnues fig. 1 et 2. La lèvre supérieure est bien dessinée. La lèvre inférieure de la figure 3 est probablement resserrée pour ne pas montrer les dents. Les lèvres, sur la figure 1 semblent même maquillées.
Le port de la tête des portraits 11 et 12 est légèrement différent (elle est plus tournée vers la droite sur le portrait 12 et légèrement inclinée). Néanmoins les deux portraits ont été superposés grâce à un logiciel informatique. On peut voir ainsi que la partie gauche du visage n°11 (fig. 5) correspond presque parfaitement avec le visage n°12, de même que l’encolure (la différence, au niveau des lèvres est due essentiellement au sourire). Les portraits s’emboîtent donc bien dans l’autre (longueur et forme du visage, menton, joues, front) et l’on retrouve, sur la partie droite du visage de l’actrice (fig. 4) des dissemblances essentiellement à cause de la position du visage (d’où un nez qui semble plus long). Il ne fait aucun doute, selon nous, que les deux portraits sont une même et unique personne.
Les portraits sont publiés avec l’aimable autorisation de M Hervé Cabezas, Conservateur du Musée Antoine Lécuyer à Saint-Quentin
Les portraits sont publiés avec l’aimable autorisation de M Hervé Cabezas, Conservateur du Musée Antoine Lécuyer à Saint-Quentin