Dans son journal intitulé Le Censeur dramatique, Alexandre Grimod de la Reynière écrivait à la fin du XVIIIe siècle à propos de l’acteur Damas : « D’un bout à l’autre de ce rôle, il n’a cessé de crier, de beugler même ; tous ses mouvemens ont été des contorsions ; ses traits ont été dans une convulsion continuelle ; son jeu maniéré, dès qu’il cessoit d’être forcé ; en sorte que de tous les côtés il s’écartoit toujours de la Nature ; ses gestes ont été multipliés au point d’accompagner chaque vers, et de faire craindre, en dernier résultat, la dislocation de ses membres 1 . » Il ajoutait : « Il s’est roulé à deux ou trois reprises par terre avec Oreste ; il n’a cessé de le pétrir et de le patiner, de le magnétiser enfin de la manière la plus indécente, lorsqu’on songe surtout que, grâce au costume moderne, ces deux Messieurs étaient presque nus 2 . »
Ces remarques qui se voulaient d’amers reproches sur les mises en scène de son temps, équivoques et non bienséantes, suggèrent qu’une certaine forme d’expressionisme et d’extrême violence scéniques se développèrent au cours de la décennie révolutionnaire, rompant définitivement avec les traditions passées basées sur l’idée de décence et de bienséance. Les représentations à la fin du siècle étaient fondées exclusivement sur le spectaculaire visuel que le censeur considérait comme excessif. Ces critiques amènent dès lors à s’interroger sur la manière dont les acteurs interprétaient leurs rôles au cours du siècle. Quels furent les nouvelles modes et les nouveaux modes de jeu et de diction ? En quoi la déclamation traditionnelle fut-elle l’objet de critiques et comment les comédiens innovèrent-ils de plus en plus sur scène au cours du siècle ?
L’étude de la diction dite « baroque » a fait l’objet de nombreuses études ces vingt dernières années 3 . Des metteurs en scène tels Eugène Green, Jean-Denis Monory ou Benjamin Lazar ont d’ailleurs tenté de reconstruire ou reconstituer la manière dont les acteurs déclamaient au XVIIe siècle. Des chercheurs comme Pierre-Alain Clerc ou Olivier Bettens ont quant à eux examiné la prononciation des mots et des vers 4 . L’étude de la ponctuation a fait l’objet de polémiques. Son rôle a été précisé par Alain Riffaud 5 et Michaël Hawcroft 6 Néanmoins l’on s’est moins penché sur cette période de transition que fut le XVIIIe siècle et surtout sur la manière dont les acteurs lièrent texte et représentation. De même on a peu évoqué la façon dont évolua et dont fut perçue la diction au fil des décennies, au siècle des Lumières. C’est ce que nous souhaitons aborder dans le présent article.
D’après les témoignages des acteurs sur leurs propres pratiques, la mise à l’étude passait d’abord par un travail d’assimilation du texte et de composition solitaire du personnage. Les mémoires tardifs d’Hippolyte Clairon de la Tude, dite Mlle Clairon ou l’ouvrage de Jean-Nicolas Servandoni d’Hannetaire, Observations sur l’art du comédien 7 en sont d’illustres et de pertinents exemples. L’acteur mémorisait et méditait tout d’abord son rôle, tâchant d’en comprendre les tenants et les aboutissants en fonction de certains critères comme le rang et le sexe du personnage, son passé et sa relation aux autres personnages, ses actions et ses passions etc. Cela n’avait rien d’exceptionnel puisqu’il s’agissait essentiellement d’un travail d’analyse permettant de mettre en scène de manière individuelle son personnage à travers les mots le constituant. Nous avons largement examiné cette phase aussi nous abstiendrons-nous de la développer ici 8 .
L’examen détaillé du rôle poussait sans doute les comédiens les plus célèbres à adapter le rôle à leur propre sensibilité ou image publique. On peut ainsi lire en marge, sur l’exemplaire de Phèdre appartenant au souffleur Étienne Delaporte, la mention suivante à la scène 5 de l’acte II : « coupure pour Mlle Raucourt 9 ». Ces pratiques suggèrent que les versions différaient selon la distribution et selon l’année de reprise. Les acteurs avaient donc certaines exigences. De même certaines anecdotes dramatiques 10 suggèrent l’ascendant des acteurs sur les auteurs qui pouvaient éliminer les répliques qui ne leur semblaient pas bonnes, conformes à leur style scénique, ou tout simplement à leur goût. Certains avaient coutume de presser les dramaturges de leur tailler des rôles sur mesure (d’autant plus lorsque l’auteur était un habitué de la Comédie comme par exemple Voltaire et que celui-ci était tenu de choisir les acteurs devant jouer sa pièce). Une fois le texte finalisé et travaillé venaient le moment de la représentation et celui de l’incarnation du rôle.
Le dire sur scène résultait en grande partie de traditions, dont la plus importante était « le bien dire ». La déclamation, au XVIIIe siècle, restait fondée sur les codes rhétoriques de l’actio oratoire, dont les catégories principales étaient l’accent oratoire qui renfermait l’expression des passions et des parties du discours ; l’accent prosodique comprenant les variations tonales de la voix (aigu, medium, circonflexe) et l’accent grammatical ou prononciation exacte des mots et rythmique pneumatique des phrases. L’arsenal de règles mises à la disposition de l’acteur par le biais des traités de rhétorique, devait lui permettre d’embellir le texte par un travail vocal d’ornementation qui visait à soutenir la forme poétique et le style soutenu employés pour écrire une pièce de théâtre 11 . L’application trop minutieuse de ces préceptes amenait les acteurs à jouer de manière très cérébrale et techniciste, la tête étant comme coupée du corps 12 . En ce sens, le dire, sur scène, semblait souvent manquer de justesse et de sincérité.
Au fil du temps, s’ancra un style particulier, à la fois véhément et guindé dans le genre tragique, une manière de dire propre au Français qui privilégiait l’emphase et la cadence. Comme nous l’avons vu dans différents de nos articles 13 , la diction conventionnelle du vers tendit à être remise en cause tout au long du siècle et à être, tout autant que le texte, en mouvance, ce qui fit dire à Antoine Maillet-Duclairon en 1751 : « La déclamation semble avoir changé tous les dix ans, et les Tragédies de Corneille et de Racine, ont été jouées de tant de façons, qu’il est presque impossible de donner le point juste de l’art qu’on y doit employer 14 ». Il semble que le dire fit l’objet de recherches à la fois individuelles ou collectives dans la mesure où l’on observe une volonté de régénérer les pièces du répertoire ou de leur donner un caractère neuf ou novateur, par un véritable travail d’interprétation – c’est-à-dire de relecture et de subjectivisation de l’œuvre. Le dire est ainsi soumis à une sorte d’impermanence, non seulement parce qu’il est livré à l’éphémère de la représentation, aux dispositions d’acteurs qui doivent batailler avec l’instant, mais aussi parce qu’il dépend de la personnalité de ceux qui le nourrissent. Les essais des acteurs, au moment de la performance, coïncident ainsi parfaitement avec cette pratique de mise en pièces des textes moliéresques, raciniens ou cornéliens 15, la tendance étant à l’émancipation, à un certain rejet des traditions parce qu’usées, voire à la transgression lorsque l’on prend intégralement le contre-pied des règles comme par exemple Michel Baron.
Cet acteur fit son retour dans les années 1720 à la Comédie-Française. Il avait été le compagnon de Molière. Il représente sans doute l’un des acteurs les moins académiques de son temps. Ce n’était plus tant la forme qui primait avec lui, que le sens, de même que le langage du corps. Celui-ci devait donner une signification supplémentaire aux mots et une impulsion à l’émotion. Les anecdotes dramatiques nous apprennent que Michel Baron « parlait » le vers, évitant de le « faire ronfler » ou « chanter » comme certains de ses compagnons, et surtout se gardant de faire sonner la rime. Il s’agissait là d’un travail de déconstruction de la mélodie du vers, de son caractère hétérométrique afin de lui donner une sonorité plus réaliste, ou tout du moins plus proche de la façon de s’exprimer de ses contemporains - soit des inflexions semblables à de la prose.
Certaines anecdotes dramatiques suggèrent que Michel Baron était passé maître en l’art des nuances. D’après Jean-François de Marmontel, l’acteur brisait l’uniformité du vers en modulant et en variant sensiblement sa voix, en mettant en valeur certains groupes syntaxiques porteurs de sens ou symboliques des sentiments du personnage. Dans la première scène de Mithridate de Jean Racine, Baron se distinguait selon lui, en disant « à Pharnace, vous le Pont, avec la hauteur d’un maître et la froide sévérité d’un juge ; et à Xipharès, vous Colchos, avec l’expression d’un reproche sensible et d’une surprise mêlée d’estime, telle un père tendre la témoigne à un fils dont la vertu n’a pas rempli son attente 16 . » D’après cet exemple on peut dire que l’acteur s’approprie ainsi ce dire par nature instable - car soumis aux contingences et aux différents paramètres circonstanciels qui agissent quotidiennement sur la représentation comme l’état physique ou émotionnel du comédien, les réactions du public qui peuvent aussi bien enthousiasmer celui-là que le déstabiliser etc. -, pour lui donner un caractère proprement dramatique et non pas forcément ‘théâtraliste’. Il invente un « phraser 17 » qui, a fortiori, définit la teneur et la nature de son style. Ainsi prête-t-on encore à Baron l’insertion d’exclamations ou d’interjetions dans les vers 18 et la technique de l’enjambement.19 Michel Baron apparaît donc à la fois le précurseur audacieux d’un nouveau dire et en définitive, un modèle à suivre. D’autres acteurs se distinguèrent par la suite par leur « manière de dire » comme par exemple Marie-Françoise Marchand Dumesnil, pratiquant avec dextérité l’art de la diction véloce (plus tard baptisée par Sarah Bernhardt, la méthode du déblayage), Auger parlant excessivement de manière familière...
Le dire nécessitait un travail de mise en bouche qui aboutit à la naissance du personnage. Ces recherches sur le dire en scène eurent un impact direct sur la théorisation de l’art théâtral. Les spectateurs, ou plus exactement les connaisseurs, débattirent de notions telles que le naturel, la sincérité scénique, le théâtral, la simplicité, le dramatique. Jean-François Dumas d’Aigueberre 20 , Pierre Rémond de Sainte Albine 21 , François Riccoboni 22 , Alex Tournon de la Chapelle 23 publièrent par exemple des ouvrages sur le sujet. La mode fut alors au naturalisme et à la sensualité, à l’aspect figuratif du jeu et au pathétique larmoyant. De fait, on rejeta de plus en plus la déclamation chantante ou les éclats continuels et on condamna progressivement l’articulation - désormais désuète - de certaines lettres, les refrains induits par la rime. Ce qui avait été considéré comme l’art de la belle déclamation devint synonyme d’artificialité et d’affectation dès les années 1770.
L’influence des acteurs vedettes sur les modes de diction fut alors bien réelle. L’enflure fut de plus en plus honnie et en réaction contre le dire artificiel, l’on tendit à adopter un style de plus en plus domestique ou familier. La fin du siècle fut marquée par la prolifération des théâtres et la scission de la troupe de la Comédie-Française. Les règles du « bien dire » et l’idée elle-même d’un dire esthétisé n’eurent plus alors vraiment de prise sur les troupes parisiennes, celui-ci n’étant plus senti comme un critère important de la représentation, ni même comme un gage de qualité. La norme fut autre, les idéologies étant bouleversées. « Qu’est-ce que la scène a gagné de vérité, de naturel, en entendant les personnages les plus imposants, par la mise et l’importance, dire vla, eh bin je n’cois, vous dvriez, vvllez-vous, bonjou, mon segret, mes porteux, mon maite, mon coeure 24 . » s’exclama Dorfeuille, attaché à une diction pure, à la fin du siècle.
Dans sa correspondance, Mlle Raucourt évoqua elle aussi à la même époque « les vices de la déclamation presque generale adoptée. », arguant que « Cette nouvelle école est destructive de l’Art et des chef d’œuvres que notre mission est de transmettre au Public », et que « ce qui propage cette dangereuse metode, c’est l’Ecole ditte Conservatrice dont tous les Professeurs en sont entichés. » 25 Cette prononciation relâchée ou ces nouvelles écoles de diction allaient de pair, semble-t-il, avec la démolition de tout ce qui se rattachait au concept du noble. Elle paraît la marque d’un rejet conscient des codes de l’Ancien Régime visant à exalter une liberté absolue de parole et la conquête, sinon l’ascension triomphante d’un nouveau dire au théâtre : le dire bourgeois ou populaire. Mais la tradition de la belle déclamation ne fut pas seulement questionnée par certains acteurs de la Comédie-Française, mais aussi par les théâtres des foires qui, dans un souci de modernisation du dire et par un retournement axiologique, désignèrent dès le début du XVIIIe siècle l’art du bien dire comme étant foncièrement celui du mal dire en ce que l’interprétation du texte était inexistante, l’acteur n’entrant pas physiquement dans son rôle mais au contraire se contentant de le réciter, de le « dire » sans l’interpréter.
Nombreuses furent les parodies qui exposèrent de manière ironique les travers inhérents à un système mécanisé et usé. L’on retrouve de manière constante les mêmes arguments stigmatisant la déclamation ampoulée des acteurs ou les mêmes types de personnages symbolisant le tragédien désincarné, son jeu restant purement cérébral 26. Monsieur l’Amphigouri dans L’Assemblée des acteurs, Metromane dans Acajou, Ampulas dans La Ressource des Théâtres (1760) 27 peuplent l’univers du théâtre des foires et se distinguent par une attitude grandiloquente et solennelle. Imbus de leur personne et de leur statut privilégié de comédien du roi, ils cherchent constamment à en imposer aux autres. Ce qui semblait une pratique ridicule, le refrain invariable des vers, fut la cible des critiques les plus féroces et mis en scène de manière caricaturale : ‘Tarantan tan Tarantan tan taran tan tan.,’ ‘Ton teron ton teron ton!,’ ‘Taratanta, vertu, taratantara, crime./ Taratantara, poignard, taratanta, victime,)’ sont récurrents dans les pièces comme le signale Nathalie Rizzoni. 28 Les auteurs forains dénonçaient par le biais de ce gimmick une diction maniérée porteuse de grands mots et d’éclats qui finalement sonnait creux et faux.
Ce dire vide de sens, ne pouvait selon eux, avoir que peu d’effet sur les spectateurs, aucune émotion ne pouvant naître d’acteurs dans la démonstration du personnage plutôt que dans l’interprétation et l’incarnation du rôle. « Examinez mon jeu : c’est ainsi que j’avance, / Je prends une attitude & fort bas je commence, / Ma voix en même temps s’élève par éclats, / Je balance le corps & j’agite les bras. […] Tantôt de mes deux bras décrivant un ovale, / J’en impose aux humains du ton sacré des Rois, / Et je mugis des Vers en étouffant ma voix. / Actrices qui briguez les honneurs de la Scene, / Que dès le premier vers la fureur vous entraîne, / Etendez votre bras pour mieux le faire voir, / Relevez l’estomach, étalez le mouchoir, / Criez à tout propos, criez à perdre haleine, / Que l’on croye en un mot voir hurler Melpomene », lit-on encore chez Favart en 1744 29 . L’excès de composition, autrement dit la double mise en scène et de soi et du personnage, l’un tantôt masquant l’autre sur scène, était présenté comme un véritable défaut - parce que trop visible - et comme une forme d’insincérité de l’acteur.
La répétition solitaire face à un miroir parut alors elle aussi inefficace, l’acteur se regardant jouer plutôt que jouant, et développant un certain maniérisme, postures ou attitudes compassées. L'application scrupuleuse à reproduire des sons « notés » ne nécessitait pas réellement un engagement physique dans le rôle - des sons ne traversant pas un corps 30 . A travers les critiques de la foire se posait ainsi la question de l’interprétation du texte et du rapport au corps, plus exactement du lien entre le texte et son actualisation : comment donner vie aux mots de manière physique et non plus seulement cérébrale ? Comment être dans le rôle ? Problème que formula très bien Alex Tournon de la Chapelle dans les années 1780 lorsqu’il prit en exemple deux manières antagonistes de jouer un tableau de Zaïre, l’une très conventionnelle qui s’attachait à imiter la nature, et l’autre moderne, qui, au contraire la suivait 31 .
L’une des raisons qui peut expliquer la non perception, dans la première moitié du siècle, de ce que nous considérons comme la partie immatérielle de la mise en scène (le projet artistique et sa théorisation), est l’influence du théâtre anglais sur les pratiques scéniques 32 , visible dès 1738 par l’intermédiaire de l’ouvrage de Luigi Riccoboni, Pensées sur la déclamation. A partir des années 1730 se développa l’idée de l’enthousiasme scénique, c’est-à-dire la faculté à entrer dans le rôle jusqu’à ne plus avoir conscience du réel, jusqu’à être transporté. Des actrices comme Marie Françoise Marchand dit Mlle Dumesnil illustrèrent parfaitement bien cette conception d’une représentation devant être livrée en partie - parce qu’événement et phénomène - au hasard des circonstances et à l’imprévisibilité des contingences comme nous l’avons montré à différentes occasions 33 . L’accident sur scène pouvait être bénéfique en ce qu’il pouvait générer un jeu de scène inédit plus efficace que ce qui avait été préparé comme le montre l’anecdote sur la chute d’un acteur au cours d’une représentation de L’Avare 34 . Mlle Dumesnil s’abandonnait à son génie créatif, à son feu, à ce que nous avons nommé l’illusion intérieure de l’acteur et le jeu dionysiaque. S’oubliant sur scène elle offrait au public un spectacle unique, sublime voire même magique qui avait un effet plus fort sur celui-ci dans la mesure où l’on prenait conscience et l’on partageait un moment d’intense émotion. La mise en jeu parachevée, trop mécanique, pouvait être perçue comme contreproductive. Il n’était donc pas forcément nécessaire de la finaliser en tous points. L’acteur trop conscient de lui-même peut mal jouer. Il lui faut travailler sa part instinctive - « sauvage » pour reprendre le mot de Jacques Weber.
Il exista alors une culture de l’éphémère, de l’inconstance (voire de l’inconsistance), qui se manifesta par la vogue du tâtonnement et de la prise de risque, de l’élan et de l’impulsion. Le dire fut mis en perspective avec le non dit, avec l’entrelacs du tissu émotionnel et créateur de l’artiste (ce qui se passe au travers du corps de l’acteur, ce qui reste silencieux mais qui est néanmoins actif). On le souhaita, sur scène, en formation, comme si l’acteur vivait ce qu’il interprétait, comme si le dire se constituait dans l’instant même. Le texte n’apparut ainsi qu’une partie de la performance proprement dite puisqu’il était assimilé, intériorisé par un corps vivant qui avait sa propre respiration et son propre rythme.
La libération du corps de l’acteur par un travail de mise en condition, de même que la psychologisation du rôle de manière à aboutir à un état créateur sur scène, s’accompagnèrent de véritables trouvailles en matière d’interprétation comme par exemple l’art des soupirs, des pauses psychologiques dans le vers, des silences parlants. Les exemples de pauses pertinentes dans quelques répliques de Rodogune ou d’Hypermnestre cités par Pierre Rémond de Sainte-Albine 35 et Charles-Joseph de Ligne 36 , les coups de génie de François-Joseph Talma évoqués par Mme Germaine de Staël dans son chapitre sur la déclamation 37 suggèrent la présence d’un sous-texte qui reste du domaine de l’acteur exclusivement mais dont les traces sont pourtant perceptibles sur le corps de celui-ci.
Dorfeuille évoqua deux sortes de respirations : le silence obligé indiquant des changements d’idée et lié à la syntaxe des phrases, et le silence préparatoire qui précède la prise de parole et traduit une réflexion ou une émotion maîtrisée ou non du personnage 38 . Des pauses furent donc ménagées par les acteurs pour créer un effet de réel sur scène, le texte étant dès lors véritablement « habité » par ceux-ci. Les pauses suggéraient une parole en attente, en suspens, comme si le personnage réfléchissait ou laissait libre-cours à sa pensée. Le dire au XVIIIe siècle ce ne fut donc plus seulement le texte mais tout ce qui était en rapport avec la situation et l’émotion du personnage. On passa d'une politique de l'effet vocal (l'emphase) à une esthétique de l'effet de réel (le phraser naturel).
La volonté d’une parole en création fut ainsi à l’origine de la distance de plus en plus grande prise par rapport au texte préparé en amont de la représentation. Dès le début du siècle la Comédie-Française fut l’objet de satires et de parodies de la part des théâtres de la foire qui ne manquèrent pas de tourner en ridicule la diction guindée et monotone des tragédiens. Néanmoins des acteurs innovèrent et réformèrent la diction des vers dans les années 1720 comme par exemple Michel Baron ou Adrienne Lecouvreur qui recherchèrent plus de simplicité et qui tentèrent de véritablement « dire » le vers plutôt que de le cadencer ou le chanter. Dans les années 1750 à 1760 une nouvelle génération de tragédiens s’abandonna à plus de fougue, à un certain élan scénique, inspirés par les théories de l’enthousiasme importées d’Outre-manche.
Certains théoriciens comme le prince Charles-Joseph de Ligne encouragèrent les acteurs à ne pas se conformer strictement au texte mais au contraire à se permettre d’ajouter des mots si besoin était 39. L’inexactitude des répliques ou l’écart par rapport au texte n’étaient donc plus considérés, a priori, comme une entrave au bon déroulement et au succès de la représentation. Mais les licences se multiplièrent. Les années 1780 marquèrent le début d’un dérèglement de toute la diction théâtrale. Le nombre de syllabes de l’alexandrin ne fut plus respecté à la lettre comme le souligna Dorfeuille : « Cet abus, que nous dénonçons aux gens de goût, a commencé par l’innovation de mutiler les vers, d’ajouter ou de retrancher des syllabes pour courir après une inflexion et chercher le vrai ton de la chose. On en a ri d’abord et chacun depuis a voulu balbutier, dire deux et trois fois dans un vers je, moi, oui, non, où il ne faut le dire qu’une et quelquefois point. 40 »
Le dire, de même que la gestuelle et le jeu muet, furent livrés à une forme d’ultra-naturalisme qui se manifesta par des mises en scènes « mélodramatiques » ou violentes où les acteurs se roulaient par terre et hurlaient les vers. Le dire fut ainsi marqué par les troubles de la Révolution. La multiplication des théâtres et la fin des privilèges entraînèrent l’abandon brutal de certaines traditions et une certaine anarchie en matière de diction, les règles étant délaissées ou ignorées. Ce qui rappelait trop l’Ancien Régime était désormais banni. L’on vit émerger une culture nouvelle, celle de la bourgeoisie triomphante qui privilégiait les pièces populaires où les effets visuels primaient et où la notion de spectaculaire l’emportait. La diction « déréglée » fin de siècle fut donc l’aboutissement de toutes les réformes entreprises depuis le premier tiers du siècle et le fruit d’une politique scénique privilégiant de plus en plus la malléabilité du texte de théâtre.
Sabine CHAOUCHE,
Ces remarques qui se voulaient d’amers reproches sur les mises en scène de son temps, équivoques et non bienséantes, suggèrent qu’une certaine forme d’expressionisme et d’extrême violence scéniques se développèrent au cours de la décennie révolutionnaire, rompant définitivement avec les traditions passées basées sur l’idée de décence et de bienséance. Les représentations à la fin du siècle étaient fondées exclusivement sur le spectaculaire visuel que le censeur considérait comme excessif. Ces critiques amènent dès lors à s’interroger sur la manière dont les acteurs interprétaient leurs rôles au cours du siècle. Quels furent les nouvelles modes et les nouveaux modes de jeu et de diction ? En quoi la déclamation traditionnelle fut-elle l’objet de critiques et comment les comédiens innovèrent-ils de plus en plus sur scène au cours du siècle ?
L’étude de la diction dite « baroque » a fait l’objet de nombreuses études ces vingt dernières années 3 . Des metteurs en scène tels Eugène Green, Jean-Denis Monory ou Benjamin Lazar ont d’ailleurs tenté de reconstruire ou reconstituer la manière dont les acteurs déclamaient au XVIIe siècle. Des chercheurs comme Pierre-Alain Clerc ou Olivier Bettens ont quant à eux examiné la prononciation des mots et des vers 4 . L’étude de la ponctuation a fait l’objet de polémiques. Son rôle a été précisé par Alain Riffaud 5 et Michaël Hawcroft 6 Néanmoins l’on s’est moins penché sur cette période de transition que fut le XVIIIe siècle et surtout sur la manière dont les acteurs lièrent texte et représentation. De même on a peu évoqué la façon dont évolua et dont fut perçue la diction au fil des décennies, au siècle des Lumières. C’est ce que nous souhaitons aborder dans le présent article.
D’après les témoignages des acteurs sur leurs propres pratiques, la mise à l’étude passait d’abord par un travail d’assimilation du texte et de composition solitaire du personnage. Les mémoires tardifs d’Hippolyte Clairon de la Tude, dite Mlle Clairon ou l’ouvrage de Jean-Nicolas Servandoni d’Hannetaire, Observations sur l’art du comédien 7 en sont d’illustres et de pertinents exemples. L’acteur mémorisait et méditait tout d’abord son rôle, tâchant d’en comprendre les tenants et les aboutissants en fonction de certains critères comme le rang et le sexe du personnage, son passé et sa relation aux autres personnages, ses actions et ses passions etc. Cela n’avait rien d’exceptionnel puisqu’il s’agissait essentiellement d’un travail d’analyse permettant de mettre en scène de manière individuelle son personnage à travers les mots le constituant. Nous avons largement examiné cette phase aussi nous abstiendrons-nous de la développer ici 8 .
L’examen détaillé du rôle poussait sans doute les comédiens les plus célèbres à adapter le rôle à leur propre sensibilité ou image publique. On peut ainsi lire en marge, sur l’exemplaire de Phèdre appartenant au souffleur Étienne Delaporte, la mention suivante à la scène 5 de l’acte II : « coupure pour Mlle Raucourt 9 ». Ces pratiques suggèrent que les versions différaient selon la distribution et selon l’année de reprise. Les acteurs avaient donc certaines exigences. De même certaines anecdotes dramatiques 10 suggèrent l’ascendant des acteurs sur les auteurs qui pouvaient éliminer les répliques qui ne leur semblaient pas bonnes, conformes à leur style scénique, ou tout simplement à leur goût. Certains avaient coutume de presser les dramaturges de leur tailler des rôles sur mesure (d’autant plus lorsque l’auteur était un habitué de la Comédie comme par exemple Voltaire et que celui-ci était tenu de choisir les acteurs devant jouer sa pièce). Une fois le texte finalisé et travaillé venaient le moment de la représentation et celui de l’incarnation du rôle.
Le dire sur scène résultait en grande partie de traditions, dont la plus importante était « le bien dire ». La déclamation, au XVIIIe siècle, restait fondée sur les codes rhétoriques de l’actio oratoire, dont les catégories principales étaient l’accent oratoire qui renfermait l’expression des passions et des parties du discours ; l’accent prosodique comprenant les variations tonales de la voix (aigu, medium, circonflexe) et l’accent grammatical ou prononciation exacte des mots et rythmique pneumatique des phrases. L’arsenal de règles mises à la disposition de l’acteur par le biais des traités de rhétorique, devait lui permettre d’embellir le texte par un travail vocal d’ornementation qui visait à soutenir la forme poétique et le style soutenu employés pour écrire une pièce de théâtre 11 . L’application trop minutieuse de ces préceptes amenait les acteurs à jouer de manière très cérébrale et techniciste, la tête étant comme coupée du corps 12 . En ce sens, le dire, sur scène, semblait souvent manquer de justesse et de sincérité.
Au fil du temps, s’ancra un style particulier, à la fois véhément et guindé dans le genre tragique, une manière de dire propre au Français qui privilégiait l’emphase et la cadence. Comme nous l’avons vu dans différents de nos articles 13 , la diction conventionnelle du vers tendit à être remise en cause tout au long du siècle et à être, tout autant que le texte, en mouvance, ce qui fit dire à Antoine Maillet-Duclairon en 1751 : « La déclamation semble avoir changé tous les dix ans, et les Tragédies de Corneille et de Racine, ont été jouées de tant de façons, qu’il est presque impossible de donner le point juste de l’art qu’on y doit employer 14 ». Il semble que le dire fit l’objet de recherches à la fois individuelles ou collectives dans la mesure où l’on observe une volonté de régénérer les pièces du répertoire ou de leur donner un caractère neuf ou novateur, par un véritable travail d’interprétation – c’est-à-dire de relecture et de subjectivisation de l’œuvre. Le dire est ainsi soumis à une sorte d’impermanence, non seulement parce qu’il est livré à l’éphémère de la représentation, aux dispositions d’acteurs qui doivent batailler avec l’instant, mais aussi parce qu’il dépend de la personnalité de ceux qui le nourrissent. Les essais des acteurs, au moment de la performance, coïncident ainsi parfaitement avec cette pratique de mise en pièces des textes moliéresques, raciniens ou cornéliens 15, la tendance étant à l’émancipation, à un certain rejet des traditions parce qu’usées, voire à la transgression lorsque l’on prend intégralement le contre-pied des règles comme par exemple Michel Baron.
Cet acteur fit son retour dans les années 1720 à la Comédie-Française. Il avait été le compagnon de Molière. Il représente sans doute l’un des acteurs les moins académiques de son temps. Ce n’était plus tant la forme qui primait avec lui, que le sens, de même que le langage du corps. Celui-ci devait donner une signification supplémentaire aux mots et une impulsion à l’émotion. Les anecdotes dramatiques nous apprennent que Michel Baron « parlait » le vers, évitant de le « faire ronfler » ou « chanter » comme certains de ses compagnons, et surtout se gardant de faire sonner la rime. Il s’agissait là d’un travail de déconstruction de la mélodie du vers, de son caractère hétérométrique afin de lui donner une sonorité plus réaliste, ou tout du moins plus proche de la façon de s’exprimer de ses contemporains - soit des inflexions semblables à de la prose.
Certaines anecdotes dramatiques suggèrent que Michel Baron était passé maître en l’art des nuances. D’après Jean-François de Marmontel, l’acteur brisait l’uniformité du vers en modulant et en variant sensiblement sa voix, en mettant en valeur certains groupes syntaxiques porteurs de sens ou symboliques des sentiments du personnage. Dans la première scène de Mithridate de Jean Racine, Baron se distinguait selon lui, en disant « à Pharnace, vous le Pont, avec la hauteur d’un maître et la froide sévérité d’un juge ; et à Xipharès, vous Colchos, avec l’expression d’un reproche sensible et d’une surprise mêlée d’estime, telle un père tendre la témoigne à un fils dont la vertu n’a pas rempli son attente 16 . » D’après cet exemple on peut dire que l’acteur s’approprie ainsi ce dire par nature instable - car soumis aux contingences et aux différents paramètres circonstanciels qui agissent quotidiennement sur la représentation comme l’état physique ou émotionnel du comédien, les réactions du public qui peuvent aussi bien enthousiasmer celui-là que le déstabiliser etc. -, pour lui donner un caractère proprement dramatique et non pas forcément ‘théâtraliste’. Il invente un « phraser 17 » qui, a fortiori, définit la teneur et la nature de son style. Ainsi prête-t-on encore à Baron l’insertion d’exclamations ou d’interjetions dans les vers 18 et la technique de l’enjambement.19 Michel Baron apparaît donc à la fois le précurseur audacieux d’un nouveau dire et en définitive, un modèle à suivre. D’autres acteurs se distinguèrent par la suite par leur « manière de dire » comme par exemple Marie-Françoise Marchand Dumesnil, pratiquant avec dextérité l’art de la diction véloce (plus tard baptisée par Sarah Bernhardt, la méthode du déblayage), Auger parlant excessivement de manière familière...
Le dire nécessitait un travail de mise en bouche qui aboutit à la naissance du personnage. Ces recherches sur le dire en scène eurent un impact direct sur la théorisation de l’art théâtral. Les spectateurs, ou plus exactement les connaisseurs, débattirent de notions telles que le naturel, la sincérité scénique, le théâtral, la simplicité, le dramatique. Jean-François Dumas d’Aigueberre 20 , Pierre Rémond de Sainte Albine 21 , François Riccoboni 22 , Alex Tournon de la Chapelle 23 publièrent par exemple des ouvrages sur le sujet. La mode fut alors au naturalisme et à la sensualité, à l’aspect figuratif du jeu et au pathétique larmoyant. De fait, on rejeta de plus en plus la déclamation chantante ou les éclats continuels et on condamna progressivement l’articulation - désormais désuète - de certaines lettres, les refrains induits par la rime. Ce qui avait été considéré comme l’art de la belle déclamation devint synonyme d’artificialité et d’affectation dès les années 1770.
L’influence des acteurs vedettes sur les modes de diction fut alors bien réelle. L’enflure fut de plus en plus honnie et en réaction contre le dire artificiel, l’on tendit à adopter un style de plus en plus domestique ou familier. La fin du siècle fut marquée par la prolifération des théâtres et la scission de la troupe de la Comédie-Française. Les règles du « bien dire » et l’idée elle-même d’un dire esthétisé n’eurent plus alors vraiment de prise sur les troupes parisiennes, celui-ci n’étant plus senti comme un critère important de la représentation, ni même comme un gage de qualité. La norme fut autre, les idéologies étant bouleversées. « Qu’est-ce que la scène a gagné de vérité, de naturel, en entendant les personnages les plus imposants, par la mise et l’importance, dire vla, eh bin je n’cois, vous dvriez, vvllez-vous, bonjou, mon segret, mes porteux, mon maite, mon coeure 24 . » s’exclama Dorfeuille, attaché à une diction pure, à la fin du siècle.
Dans sa correspondance, Mlle Raucourt évoqua elle aussi à la même époque « les vices de la déclamation presque generale adoptée. », arguant que « Cette nouvelle école est destructive de l’Art et des chef d’œuvres que notre mission est de transmettre au Public », et que « ce qui propage cette dangereuse metode, c’est l’Ecole ditte Conservatrice dont tous les Professeurs en sont entichés. » 25 Cette prononciation relâchée ou ces nouvelles écoles de diction allaient de pair, semble-t-il, avec la démolition de tout ce qui se rattachait au concept du noble. Elle paraît la marque d’un rejet conscient des codes de l’Ancien Régime visant à exalter une liberté absolue de parole et la conquête, sinon l’ascension triomphante d’un nouveau dire au théâtre : le dire bourgeois ou populaire. Mais la tradition de la belle déclamation ne fut pas seulement questionnée par certains acteurs de la Comédie-Française, mais aussi par les théâtres des foires qui, dans un souci de modernisation du dire et par un retournement axiologique, désignèrent dès le début du XVIIIe siècle l’art du bien dire comme étant foncièrement celui du mal dire en ce que l’interprétation du texte était inexistante, l’acteur n’entrant pas physiquement dans son rôle mais au contraire se contentant de le réciter, de le « dire » sans l’interpréter.
Nombreuses furent les parodies qui exposèrent de manière ironique les travers inhérents à un système mécanisé et usé. L’on retrouve de manière constante les mêmes arguments stigmatisant la déclamation ampoulée des acteurs ou les mêmes types de personnages symbolisant le tragédien désincarné, son jeu restant purement cérébral 26. Monsieur l’Amphigouri dans L’Assemblée des acteurs, Metromane dans Acajou, Ampulas dans La Ressource des Théâtres (1760) 27 peuplent l’univers du théâtre des foires et se distinguent par une attitude grandiloquente et solennelle. Imbus de leur personne et de leur statut privilégié de comédien du roi, ils cherchent constamment à en imposer aux autres. Ce qui semblait une pratique ridicule, le refrain invariable des vers, fut la cible des critiques les plus féroces et mis en scène de manière caricaturale : ‘Tarantan tan Tarantan tan taran tan tan.,’ ‘Ton teron ton teron ton!,’ ‘Taratanta, vertu, taratantara, crime./ Taratantara, poignard, taratanta, victime,)’ sont récurrents dans les pièces comme le signale Nathalie Rizzoni. 28 Les auteurs forains dénonçaient par le biais de ce gimmick une diction maniérée porteuse de grands mots et d’éclats qui finalement sonnait creux et faux.
Ce dire vide de sens, ne pouvait selon eux, avoir que peu d’effet sur les spectateurs, aucune émotion ne pouvant naître d’acteurs dans la démonstration du personnage plutôt que dans l’interprétation et l’incarnation du rôle. « Examinez mon jeu : c’est ainsi que j’avance, / Je prends une attitude & fort bas je commence, / Ma voix en même temps s’élève par éclats, / Je balance le corps & j’agite les bras. […] Tantôt de mes deux bras décrivant un ovale, / J’en impose aux humains du ton sacré des Rois, / Et je mugis des Vers en étouffant ma voix. / Actrices qui briguez les honneurs de la Scene, / Que dès le premier vers la fureur vous entraîne, / Etendez votre bras pour mieux le faire voir, / Relevez l’estomach, étalez le mouchoir, / Criez à tout propos, criez à perdre haleine, / Que l’on croye en un mot voir hurler Melpomene », lit-on encore chez Favart en 1744 29 . L’excès de composition, autrement dit la double mise en scène et de soi et du personnage, l’un tantôt masquant l’autre sur scène, était présenté comme un véritable défaut - parce que trop visible - et comme une forme d’insincérité de l’acteur.
La répétition solitaire face à un miroir parut alors elle aussi inefficace, l’acteur se regardant jouer plutôt que jouant, et développant un certain maniérisme, postures ou attitudes compassées. L'application scrupuleuse à reproduire des sons « notés » ne nécessitait pas réellement un engagement physique dans le rôle - des sons ne traversant pas un corps 30 . A travers les critiques de la foire se posait ainsi la question de l’interprétation du texte et du rapport au corps, plus exactement du lien entre le texte et son actualisation : comment donner vie aux mots de manière physique et non plus seulement cérébrale ? Comment être dans le rôle ? Problème que formula très bien Alex Tournon de la Chapelle dans les années 1780 lorsqu’il prit en exemple deux manières antagonistes de jouer un tableau de Zaïre, l’une très conventionnelle qui s’attachait à imiter la nature, et l’autre moderne, qui, au contraire la suivait 31 .
L’une des raisons qui peut expliquer la non perception, dans la première moitié du siècle, de ce que nous considérons comme la partie immatérielle de la mise en scène (le projet artistique et sa théorisation), est l’influence du théâtre anglais sur les pratiques scéniques 32 , visible dès 1738 par l’intermédiaire de l’ouvrage de Luigi Riccoboni, Pensées sur la déclamation. A partir des années 1730 se développa l’idée de l’enthousiasme scénique, c’est-à-dire la faculté à entrer dans le rôle jusqu’à ne plus avoir conscience du réel, jusqu’à être transporté. Des actrices comme Marie Françoise Marchand dit Mlle Dumesnil illustrèrent parfaitement bien cette conception d’une représentation devant être livrée en partie - parce qu’événement et phénomène - au hasard des circonstances et à l’imprévisibilité des contingences comme nous l’avons montré à différentes occasions 33 . L’accident sur scène pouvait être bénéfique en ce qu’il pouvait générer un jeu de scène inédit plus efficace que ce qui avait été préparé comme le montre l’anecdote sur la chute d’un acteur au cours d’une représentation de L’Avare 34 . Mlle Dumesnil s’abandonnait à son génie créatif, à son feu, à ce que nous avons nommé l’illusion intérieure de l’acteur et le jeu dionysiaque. S’oubliant sur scène elle offrait au public un spectacle unique, sublime voire même magique qui avait un effet plus fort sur celui-ci dans la mesure où l’on prenait conscience et l’on partageait un moment d’intense émotion. La mise en jeu parachevée, trop mécanique, pouvait être perçue comme contreproductive. Il n’était donc pas forcément nécessaire de la finaliser en tous points. L’acteur trop conscient de lui-même peut mal jouer. Il lui faut travailler sa part instinctive - « sauvage » pour reprendre le mot de Jacques Weber.
Il exista alors une culture de l’éphémère, de l’inconstance (voire de l’inconsistance), qui se manifesta par la vogue du tâtonnement et de la prise de risque, de l’élan et de l’impulsion. Le dire fut mis en perspective avec le non dit, avec l’entrelacs du tissu émotionnel et créateur de l’artiste (ce qui se passe au travers du corps de l’acteur, ce qui reste silencieux mais qui est néanmoins actif). On le souhaita, sur scène, en formation, comme si l’acteur vivait ce qu’il interprétait, comme si le dire se constituait dans l’instant même. Le texte n’apparut ainsi qu’une partie de la performance proprement dite puisqu’il était assimilé, intériorisé par un corps vivant qui avait sa propre respiration et son propre rythme.
La libération du corps de l’acteur par un travail de mise en condition, de même que la psychologisation du rôle de manière à aboutir à un état créateur sur scène, s’accompagnèrent de véritables trouvailles en matière d’interprétation comme par exemple l’art des soupirs, des pauses psychologiques dans le vers, des silences parlants. Les exemples de pauses pertinentes dans quelques répliques de Rodogune ou d’Hypermnestre cités par Pierre Rémond de Sainte-Albine 35 et Charles-Joseph de Ligne 36 , les coups de génie de François-Joseph Talma évoqués par Mme Germaine de Staël dans son chapitre sur la déclamation 37 suggèrent la présence d’un sous-texte qui reste du domaine de l’acteur exclusivement mais dont les traces sont pourtant perceptibles sur le corps de celui-ci.
Dorfeuille évoqua deux sortes de respirations : le silence obligé indiquant des changements d’idée et lié à la syntaxe des phrases, et le silence préparatoire qui précède la prise de parole et traduit une réflexion ou une émotion maîtrisée ou non du personnage 38 . Des pauses furent donc ménagées par les acteurs pour créer un effet de réel sur scène, le texte étant dès lors véritablement « habité » par ceux-ci. Les pauses suggéraient une parole en attente, en suspens, comme si le personnage réfléchissait ou laissait libre-cours à sa pensée. Le dire au XVIIIe siècle ce ne fut donc plus seulement le texte mais tout ce qui était en rapport avec la situation et l’émotion du personnage. On passa d'une politique de l'effet vocal (l'emphase) à une esthétique de l'effet de réel (le phraser naturel).
La volonté d’une parole en création fut ainsi à l’origine de la distance de plus en plus grande prise par rapport au texte préparé en amont de la représentation. Dès le début du siècle la Comédie-Française fut l’objet de satires et de parodies de la part des théâtres de la foire qui ne manquèrent pas de tourner en ridicule la diction guindée et monotone des tragédiens. Néanmoins des acteurs innovèrent et réformèrent la diction des vers dans les années 1720 comme par exemple Michel Baron ou Adrienne Lecouvreur qui recherchèrent plus de simplicité et qui tentèrent de véritablement « dire » le vers plutôt que de le cadencer ou le chanter. Dans les années 1750 à 1760 une nouvelle génération de tragédiens s’abandonna à plus de fougue, à un certain élan scénique, inspirés par les théories de l’enthousiasme importées d’Outre-manche.
Certains théoriciens comme le prince Charles-Joseph de Ligne encouragèrent les acteurs à ne pas se conformer strictement au texte mais au contraire à se permettre d’ajouter des mots si besoin était 39. L’inexactitude des répliques ou l’écart par rapport au texte n’étaient donc plus considérés, a priori, comme une entrave au bon déroulement et au succès de la représentation. Mais les licences se multiplièrent. Les années 1780 marquèrent le début d’un dérèglement de toute la diction théâtrale. Le nombre de syllabes de l’alexandrin ne fut plus respecté à la lettre comme le souligna Dorfeuille : « Cet abus, que nous dénonçons aux gens de goût, a commencé par l’innovation de mutiler les vers, d’ajouter ou de retrancher des syllabes pour courir après une inflexion et chercher le vrai ton de la chose. On en a ri d’abord et chacun depuis a voulu balbutier, dire deux et trois fois dans un vers je, moi, oui, non, où il ne faut le dire qu’une et quelquefois point. 40 »
Le dire, de même que la gestuelle et le jeu muet, furent livrés à une forme d’ultra-naturalisme qui se manifesta par des mises en scènes « mélodramatiques » ou violentes où les acteurs se roulaient par terre et hurlaient les vers. Le dire fut ainsi marqué par les troubles de la Révolution. La multiplication des théâtres et la fin des privilèges entraînèrent l’abandon brutal de certaines traditions et une certaine anarchie en matière de diction, les règles étant délaissées ou ignorées. Ce qui rappelait trop l’Ancien Régime était désormais banni. L’on vit émerger une culture nouvelle, celle de la bourgeoisie triomphante qui privilégiait les pièces populaires où les effets visuels primaient et où la notion de spectaculaire l’emportait. La diction « déréglée » fin de siècle fut donc l’aboutissement de toutes les réformes entreprises depuis le premier tiers du siècle et le fruit d’une politique scénique privilégiant de plus en plus la malléabilité du texte de théâtre.
Sabine CHAOUCHE,
1. Alexandre Grimod de la Reynière, Le Censeur dramatique, ou journal des principaux théâtres de Paris et de ses départements, Paris, Desenne, Petit, Bailly, 1797-1798, t. 3, p. 541.
2. Op. cit., Le Censeur dramatique, t. 3, p. 541.
3. Voir Barnett, Dene, The Art of Gesture: the Practices and Principles of 18th century Acting, Carl Winter Universitätsverlag, 1987 ; Sabine Chaouche, L’Art du comédien, Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique 1629-1680, Paris, Champion, 2001 et La Philosophie de l’Acteur, La Dialectique de l’intérieur et de l’extérieur dans les écrits sur l’art théâtral français, 1738-1801, Paris, Champion, 2007 ; Julia Gros de Gasquet, En disant l’alexandrin, l’acteur tragique et son art, XVIIe-XXe siècles, Paris, Champion, 2006. Voir aussi Pasquier, Pierre, ‘Déclamation dramatique et actio oratoire à l’âge classique en France’, (in) L’Acteur en son métier, éd. Didier Souiller et Philippe Baron, éd. Université de Dijon, 1997, p. 143-163 et Roger Herzel, ‘Le ‘jeu’ naturel de Molière et de sa troupe’, XVIIe siècle, 132, 1981, p. 279-284. Voir aussi les travaux de l’Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du Spectacle des XVIIe et XVIIIe siècle, dirigés par Jean-Noël Laurenti.
4. Voir leurs travaux sur http://prononciation.org/.
5. Alain Riffaud, La Ponctuation du théâtre imprimé au XVIIe siècle, Genève, Droz, 2007 ; Répertoire du Théâtre français imprimé (1630-1660), Genève, Droz, 2009 ; L’Écrivain imprimeur, Presses universitaires de Rennes, 2010.
6. Michael Hawcroft, “Reading Racine: Punctuation and Capitalisation in the First Editions of His Plays”, Seventeenth Century French Studies, 22, 2000, p. 35-50 ; « Points de suspension chez Racine: enjeux dramatiques, enjeux éditoriaux », Revue d’histoire littéraire de la France, 106, 2006, p. 307-35 ; « Comment jouait-on le rôle d’Hippolyte dans la Phèdre de Racine? Témoignage d’un manuscrit inédit », Dix-septième siècle, 231, 2006, p. 243-75.
7. Hippolyte Clairon, Mémoires et réflexions sur l’art dramatique, Paris, F. Buisson, an VII ; Jean-Nicolas Servandoni d’Hannetaire, Observations sur l’art du comédien, Paris, aux dépens d’une société typographique, (1764) 1774 (2de édition). Voir aussi : Henri-Louis Lekain, Mémoires ; (in) Collection des mémoires sur l’art dramatique, vol. XIV, Paris, Ledoux, 1825 ; réed. Genève, Slatkine reprints, 1968.
8. La Philosophie de l’Acteur, édition citée.
9. Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, exemplaire de Phèdre de Jean Racine, sans lieu, sans nom, sans date.
10. Voir La Philosophie de l’Acteur, « L’acteur et son ego ».
11. Peu de tragédies et de comédies sont en prose, si ce n’est certaines pièces en 3 actes d’inspiration italienne.
12. En effet, l’édiction des principes de l’actio oratoire devait aider tout d’abord les orateurs c’est-à-dire les hommes d’église ou les avocats dont les mouvements et déplacements étaient limités.
13. « Les tragédies religieuses de Racine : une ponctuation de l’émotion ? », Papers on French Seventeenth Century Literature, 32 (63), 2005, p. 441-465 ; « La diction poétique et ses enjeux sur la scène française, le passage de l’âge classique au siècle des Lumières », Papers on French Seventeenth Century Literature, 31 (60), 2004, p. 69-100 ; « La diction théâtrale au XVIIIe siècle : ‘déclamer’ ou ‘parler en récitant’? », L’Information Littéraire, 3, 2000, p. 82-93.
14. Antoine Maillet-Duclairon, Essai sur la connaissance des théâtres français, Paris, Prault, 1751, p. 42.
15. Voir Sabine Chaouche, La Mise en scène du répertoire à la Comédie-Française, 1680-1815, Paris, Honoré Champion, coll. « Les Dix-huitièmes siècles », n°166, sous presse.
16. Éléments de littérature, Paris, Firmin Didot frères, 1879, p. 320.
17. Ce mot est explicitement formulé par Dorfeuille dans ses Éléments de l’art du comédien, publiés entre 1798 et 1801.
18. Lettre à Mylord sur Baron et la demoiselle Lecouvreur, Abbé d’Allainval, 1730 ; éd. Jules Bonnassiés, Paris, Willem, 1870, p. 84.
19. Explicitée dans les années 1770 par Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire.
20. , Jean Dumas d’ Aigueberre, Seconde Lettre du Souffleur de la Comédie de Rouen, au garçon de café, ou entretiens sur les défauts de la déclamation, Paris, Tabarie, 1730.
21. Pierre Rémond de Sainte Albine, Le Comédien, Paris, Desaint et Saillant, et Vincent fils, 1747.
22. François Riccoboni, L’Art du Théâtre à Madame***, Paris, chez C.F. Giffart et fils, 1750.
23. Alex Tournon de la Chapelle, L’Art du comédien vu dans ses principes, Paris, Cailleau et Duchesne, 1782.
24. Les Éléments de l’art du comédien, Paris, Chez l’imprimeur, 1798-1801, IIe cahier, p. 18.
25. Lettre de Mlle Raucourt à M., Fonds des manuscrits français, BnF (NA 15860).
26. Voir notre article « La Diction du tragédien ridicule sous l'Ancien Régime, Studi Francesi, 162, Sept.-Dec, 2010, p. 499-509.
27. L’Assemblée des acteurs de Charles Francois Pannard et Carolet (1737), Métromane dans Acajou (1744), Ampulas dans La Ressource des Théâtres (1760), opéras-comiques de Charles-Simon Favart.
28. Nathalie Rizzoni, « Du ‘je’ au jeu de l’acteur au XVIIIe siècle ou l’art du comédien par lui-même », L’Annuaire théâtral, 42, 2007, p. 95.
29. Charles-Simon Favart, Acajou, opéra-comique [imitaté d’« Acajou et Zirphile », par C. Duclos], par M. Favart... [Paris, Théâtre du faux-bourg Saint-Germain, 18 mars 1744.], Paris, Prault fils, 1744, I.4
30. Voir Claude-Joseph Dorat, La Déclamation théâtrale, Paris, S. Jorry, 1766, p. 70-71.
31. Op. cit., L’Art du comédien vu dans ses principes, p. 22-25.
32. En effet, il semble que la scène londonienne favorisait depuis longtemps l’aspect spectaculaire du jeu, le corps de l’acteur, son agir, participant pleinement à un processus créatif aboutissant à une forme de naturalisme et d’expressionisme. Voir notre article “The Art of convulsions and emotionalism in the late C18. European influences”, The French Mag, 06-2011 (http://www.thefrenchmag.com/Essay-n-4-The-art-of-convulsions-and-emotionalism-in-the-late-18th-century-European-influences_a305.html).
33. Voir l’introduction de La Scène en contrechamp, Paris, Champion, 2005 et La Philosophie de l’Acteur, édition citée.
34. « Un Acteur jouant Harpagon, se laissa tomber sur ce Théâtre en courant, et en criant au voleur à la dernière scène du quatrième Acte de l’Avare, qu’on nomme ordinairement la scène de la Cassette : mais loin de chercher maladroitement à se relever tout de suite, il eut la présence d’esprit de continuer son rôle par terre, comme un homme affaissé sous le poids de la douleur et du désespoir, et ne se releva qu’à l’endroit où la nature et la vérité lui permettaient de le faire : si bien que le Public fut persuadé qu’il était tombé exprès, pour rendre son jeu plus neuf et plus brillant. » (Observations sur l’art du comédien, op. cit., p. 124).
35. Pierre Rémond de Sainte-Albine, Le Comédien, 1747 ; (in) Sept Traités sur le jeu du comédien, de l’action oratoire à l’art dramatique (1657-1750),Paris, Champion, p. 634.
36. Prince de Ligne, Lettres à Eugénie, Paris, s.n., 1774, p. 117.
37. Madame la baronne Germaine de Staël, De l’Allemagne, (in) Œuvres complètes, Paris, Firmin-Didot, chapitre XXVII.
38. Op. cit., Les Éléments de l’art du comédien, IIIe cahier, p. 20 et 21.
39. Lettres à Eugénie, Paris, s.n., 1774, p. 21.
40. Op. cit., Les Éléments de l’art du comédien, IIe cahier, p. 18.
2. Op. cit., Le Censeur dramatique, t. 3, p. 541.
3. Voir Barnett, Dene, The Art of Gesture: the Practices and Principles of 18th century Acting, Carl Winter Universitätsverlag, 1987 ; Sabine Chaouche, L’Art du comédien, Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique 1629-1680, Paris, Champion, 2001 et La Philosophie de l’Acteur, La Dialectique de l’intérieur et de l’extérieur dans les écrits sur l’art théâtral français, 1738-1801, Paris, Champion, 2007 ; Julia Gros de Gasquet, En disant l’alexandrin, l’acteur tragique et son art, XVIIe-XXe siècles, Paris, Champion, 2006. Voir aussi Pasquier, Pierre, ‘Déclamation dramatique et actio oratoire à l’âge classique en France’, (in) L’Acteur en son métier, éd. Didier Souiller et Philippe Baron, éd. Université de Dijon, 1997, p. 143-163 et Roger Herzel, ‘Le ‘jeu’ naturel de Molière et de sa troupe’, XVIIe siècle, 132, 1981, p. 279-284. Voir aussi les travaux de l’Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du Spectacle des XVIIe et XVIIIe siècle, dirigés par Jean-Noël Laurenti.
4. Voir leurs travaux sur http://prononciation.org/.
5. Alain Riffaud, La Ponctuation du théâtre imprimé au XVIIe siècle, Genève, Droz, 2007 ; Répertoire du Théâtre français imprimé (1630-1660), Genève, Droz, 2009 ; L’Écrivain imprimeur, Presses universitaires de Rennes, 2010.
6. Michael Hawcroft, “Reading Racine: Punctuation and Capitalisation in the First Editions of His Plays”, Seventeenth Century French Studies, 22, 2000, p. 35-50 ; « Points de suspension chez Racine: enjeux dramatiques, enjeux éditoriaux », Revue d’histoire littéraire de la France, 106, 2006, p. 307-35 ; « Comment jouait-on le rôle d’Hippolyte dans la Phèdre de Racine? Témoignage d’un manuscrit inédit », Dix-septième siècle, 231, 2006, p. 243-75.
7. Hippolyte Clairon, Mémoires et réflexions sur l’art dramatique, Paris, F. Buisson, an VII ; Jean-Nicolas Servandoni d’Hannetaire, Observations sur l’art du comédien, Paris, aux dépens d’une société typographique, (1764) 1774 (2de édition). Voir aussi : Henri-Louis Lekain, Mémoires ; (in) Collection des mémoires sur l’art dramatique, vol. XIV, Paris, Ledoux, 1825 ; réed. Genève, Slatkine reprints, 1968.
8. La Philosophie de l’Acteur, édition citée.
9. Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, exemplaire de Phèdre de Jean Racine, sans lieu, sans nom, sans date.
10. Voir La Philosophie de l’Acteur, « L’acteur et son ego ».
11. Peu de tragédies et de comédies sont en prose, si ce n’est certaines pièces en 3 actes d’inspiration italienne.
12. En effet, l’édiction des principes de l’actio oratoire devait aider tout d’abord les orateurs c’est-à-dire les hommes d’église ou les avocats dont les mouvements et déplacements étaient limités.
13. « Les tragédies religieuses de Racine : une ponctuation de l’émotion ? », Papers on French Seventeenth Century Literature, 32 (63), 2005, p. 441-465 ; « La diction poétique et ses enjeux sur la scène française, le passage de l’âge classique au siècle des Lumières », Papers on French Seventeenth Century Literature, 31 (60), 2004, p. 69-100 ; « La diction théâtrale au XVIIIe siècle : ‘déclamer’ ou ‘parler en récitant’? », L’Information Littéraire, 3, 2000, p. 82-93.
14. Antoine Maillet-Duclairon, Essai sur la connaissance des théâtres français, Paris, Prault, 1751, p. 42.
15. Voir Sabine Chaouche, La Mise en scène du répertoire à la Comédie-Française, 1680-1815, Paris, Honoré Champion, coll. « Les Dix-huitièmes siècles », n°166, sous presse.
16. Éléments de littérature, Paris, Firmin Didot frères, 1879, p. 320.
17. Ce mot est explicitement formulé par Dorfeuille dans ses Éléments de l’art du comédien, publiés entre 1798 et 1801.
18. Lettre à Mylord sur Baron et la demoiselle Lecouvreur, Abbé d’Allainval, 1730 ; éd. Jules Bonnassiés, Paris, Willem, 1870, p. 84.
19. Explicitée dans les années 1770 par Jean-Nicolas Servandoni D’Hannetaire.
20. , Jean Dumas d’ Aigueberre, Seconde Lettre du Souffleur de la Comédie de Rouen, au garçon de café, ou entretiens sur les défauts de la déclamation, Paris, Tabarie, 1730.
21. Pierre Rémond de Sainte Albine, Le Comédien, Paris, Desaint et Saillant, et Vincent fils, 1747.
22. François Riccoboni, L’Art du Théâtre à Madame***, Paris, chez C.F. Giffart et fils, 1750.
23. Alex Tournon de la Chapelle, L’Art du comédien vu dans ses principes, Paris, Cailleau et Duchesne, 1782.
24. Les Éléments de l’art du comédien, Paris, Chez l’imprimeur, 1798-1801, IIe cahier, p. 18.
25. Lettre de Mlle Raucourt à M., Fonds des manuscrits français, BnF (NA 15860).
26. Voir notre article « La Diction du tragédien ridicule sous l'Ancien Régime, Studi Francesi, 162, Sept.-Dec, 2010, p. 499-509.
27. L’Assemblée des acteurs de Charles Francois Pannard et Carolet (1737), Métromane dans Acajou (1744), Ampulas dans La Ressource des Théâtres (1760), opéras-comiques de Charles-Simon Favart.
28. Nathalie Rizzoni, « Du ‘je’ au jeu de l’acteur au XVIIIe siècle ou l’art du comédien par lui-même », L’Annuaire théâtral, 42, 2007, p. 95.
29. Charles-Simon Favart, Acajou, opéra-comique [imitaté d’« Acajou et Zirphile », par C. Duclos], par M. Favart... [Paris, Théâtre du faux-bourg Saint-Germain, 18 mars 1744.], Paris, Prault fils, 1744, I.4
30. Voir Claude-Joseph Dorat, La Déclamation théâtrale, Paris, S. Jorry, 1766, p. 70-71.
31. Op. cit., L’Art du comédien vu dans ses principes, p. 22-25.
32. En effet, il semble que la scène londonienne favorisait depuis longtemps l’aspect spectaculaire du jeu, le corps de l’acteur, son agir, participant pleinement à un processus créatif aboutissant à une forme de naturalisme et d’expressionisme. Voir notre article “The Art of convulsions and emotionalism in the late C18. European influences”, The French Mag, 06-2011 (http://www.thefrenchmag.com/Essay-n-4-The-art-of-convulsions-and-emotionalism-in-the-late-18th-century-European-influences_a305.html).
33. Voir l’introduction de La Scène en contrechamp, Paris, Champion, 2005 et La Philosophie de l’Acteur, édition citée.
34. « Un Acteur jouant Harpagon, se laissa tomber sur ce Théâtre en courant, et en criant au voleur à la dernière scène du quatrième Acte de l’Avare, qu’on nomme ordinairement la scène de la Cassette : mais loin de chercher maladroitement à se relever tout de suite, il eut la présence d’esprit de continuer son rôle par terre, comme un homme affaissé sous le poids de la douleur et du désespoir, et ne se releva qu’à l’endroit où la nature et la vérité lui permettaient de le faire : si bien que le Public fut persuadé qu’il était tombé exprès, pour rendre son jeu plus neuf et plus brillant. » (Observations sur l’art du comédien, op. cit., p. 124).
35. Pierre Rémond de Sainte-Albine, Le Comédien, 1747 ; (in) Sept Traités sur le jeu du comédien, de l’action oratoire à l’art dramatique (1657-1750),Paris, Champion, p. 634.
36. Prince de Ligne, Lettres à Eugénie, Paris, s.n., 1774, p. 117.
37. Madame la baronne Germaine de Staël, De l’Allemagne, (in) Œuvres complètes, Paris, Firmin-Didot, chapitre XXVII.
38. Op. cit., Les Éléments de l’art du comédien, IIIe cahier, p. 20 et 21.
39. Lettres à Eugénie, Paris, s.n., 1774, p. 21.
40. Op. cit., Les Éléments de l’art du comédien, IIe cahier, p. 18.