Le recoupement :
la réunion de plusieurs indices concordants peut aider à la vérification de certaines hypothèses. On peut dépasser la période étudiée, afin de glaner certaines informations qui pourraient éclairer les pratiques scéniques. Un travail de recoupement est ainsi le bienvenu. La confrontation des différentes sources d’information peut être efficace.
La corrélation des faits et le recoupement peuvent justifier et donner une concrétude à ce qui demeurait hypothétique. Il faut donc se montrer vigilant, ne laisser échapper aucun détail, toujours mettre en relation les données recueillies et surtout, savoir jongler avec les textes (au risque même de faire le grand écart en passant d’une époque à une autre).
La corrélation des faits et le recoupement peuvent justifier et donner une concrétude à ce qui demeurait hypothétique. Il faut donc se montrer vigilant, ne laisser échapper aucun détail, toujours mettre en relation les données recueillies et surtout, savoir jongler avec les textes (au risque même de faire le grand écart en passant d’une époque à une autre).
Pour vérifier si effectivement ce code oratoire était en vigueur, il s’agit tout d’abord de prendre appui sur les pièces, et notamment sur les éditions originales, afin de repérer des indices éventuels (marques orales dans l’écrit). On peut considérer trois extraits raciniens, dont le passage de La Thébaïde :
CREON
J’y cours, je le relève, et le prends dans mes bras,
Et me reconnaissant, je meurs, dit-il, tout bas,
Trop heureux d’expirer pour ma belle Princesse,
En vain à mon secours votre amitié s’empresse,
C’est à ces furieux que vous devez courir,
Séparez-les, mon Père, et me laissez mourir.
Il expire à ces mots. Ce barbare spectacle,
A leur noire fureur n’apporte point d’obstacle,
Seulement Polynice en paraît affligé,
Attends, Hémon, dit-il, tu vas être vengé.
En effet sa douleur renouvelle sa rage,
Et bientôt le combat tourne à son avantage,
Le Roi frappé d’un coup qui lui perce le flanc,
Lui cède la Victoire, et tombe dans son Sang.
Les deux Camps aussitôt s’abandonnent en proie,
Le nôtre à la douleur et les Grecs à la joie,
Et le Peuple alarmé du trépas de son Roi,
Sur le haut de ses tours témoigne son effroi.
Polynice tout fier du succès de son crime,
Regarde avec plaisir expirer sa Victime,
Dans le sang de son Frère il semble se baigner,
Et tu meurs, lui dit-il, et moi je vais régner.
Regarde dans mes mains l’Empire et la Victoire,
Va rougir aux Enfers de l’excès de ma gloire,
Et pour mourir encore avec plus de regret,
Traître songe en mourant que tu meurs mon Sujet (1).
Un passage d’Andromaque :
PYRRHUS
Tu l’as vu comme elle m’a traité.
Je pensais, en voyant sa tendresse alarmée,
Que son Fils me la dût renvoyer désarmée.
J’allais voir le succès de ses embrassements.
Je n’ai trouvé que pleurs mêlés d’emportements.
Sa misère l’aigrit. Et toujours plus farouche
Cent fois le nom d’Hector est sorti de sa bouche.
Vainement à son Fils j’assurais mon secours,
C’est Hector, (disait-elle en l’embrassant toujours ;)
Voilà ses yeux, sa bouche, et déjà son audace,
C’est lui même, c’est toi, cher Epoux, que j’embrasse.
Et quelle est sa pensée ? Attend-elle en ce jour
Que je lui laisse un Fils pour nourrir son amour ? (2)
Et le fameux récit de Théramène dans Phèdre :
J’arrive, je l’appelle, et me tendant la main
Il ouvre un œil mourant, qu’il renferme soudain.
Le Ciel, dit-il, m’arrache une innocente vie.
Prends soin après ma mort de la triste Aricie.
Cher Ami, si mon Père un jour désabusé
Plaint le malheur d’un Fils faussement accusé,
Pour apaiser mon sang, et mon Ombre plaintive,
Dis-lui, qu’avec douceur il traite sa Captive,
Qu’il lui rende… A ce mot ce Héros expiré
N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré,
Triste objet, où des Dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l’œil même de son Père (3).
(1) Racine, La Thébaïde, 1664 ; (in) Théâtre – Poésie, éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, V.3, v. 1480-1504.
(2) Racine, Andromaque, 1668 ; (in) op. cit., Théâtre – Poésie, II.5, v. 648-660.
(3) Racine, Phèdre, 1677; édition citée, V.6, v. 1559-1570.
CREON
J’y cours, je le relève, et le prends dans mes bras,
Et me reconnaissant, je meurs, dit-il, tout bas,
Trop heureux d’expirer pour ma belle Princesse,
En vain à mon secours votre amitié s’empresse,
C’est à ces furieux que vous devez courir,
Séparez-les, mon Père, et me laissez mourir.
Il expire à ces mots. Ce barbare spectacle,
A leur noire fureur n’apporte point d’obstacle,
Seulement Polynice en paraît affligé,
Attends, Hémon, dit-il, tu vas être vengé.
En effet sa douleur renouvelle sa rage,
Et bientôt le combat tourne à son avantage,
Le Roi frappé d’un coup qui lui perce le flanc,
Lui cède la Victoire, et tombe dans son Sang.
Les deux Camps aussitôt s’abandonnent en proie,
Le nôtre à la douleur et les Grecs à la joie,
Et le Peuple alarmé du trépas de son Roi,
Sur le haut de ses tours témoigne son effroi.
Polynice tout fier du succès de son crime,
Regarde avec plaisir expirer sa Victime,
Dans le sang de son Frère il semble se baigner,
Et tu meurs, lui dit-il, et moi je vais régner.
Regarde dans mes mains l’Empire et la Victoire,
Va rougir aux Enfers de l’excès de ma gloire,
Et pour mourir encore avec plus de regret,
Traître songe en mourant que tu meurs mon Sujet (1).
Un passage d’Andromaque :
PYRRHUS
Tu l’as vu comme elle m’a traité.
Je pensais, en voyant sa tendresse alarmée,
Que son Fils me la dût renvoyer désarmée.
J’allais voir le succès de ses embrassements.
Je n’ai trouvé que pleurs mêlés d’emportements.
Sa misère l’aigrit. Et toujours plus farouche
Cent fois le nom d’Hector est sorti de sa bouche.
Vainement à son Fils j’assurais mon secours,
C’est Hector, (disait-elle en l’embrassant toujours ;)
Voilà ses yeux, sa bouche, et déjà son audace,
C’est lui même, c’est toi, cher Epoux, que j’embrasse.
Et quelle est sa pensée ? Attend-elle en ce jour
Que je lui laisse un Fils pour nourrir son amour ? (2)
Et le fameux récit de Théramène dans Phèdre :
J’arrive, je l’appelle, et me tendant la main
Il ouvre un œil mourant, qu’il renferme soudain.
Le Ciel, dit-il, m’arrache une innocente vie.
Prends soin après ma mort de la triste Aricie.
Cher Ami, si mon Père un jour désabusé
Plaint le malheur d’un Fils faussement accusé,
Pour apaiser mon sang, et mon Ombre plaintive,
Dis-lui, qu’avec douceur il traite sa Captive,
Qu’il lui rende… A ce mot ce Héros expiré
N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré,
Triste objet, où des Dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l’œil même de son Père (3).
(1) Racine, La Thébaïde, 1664 ; (in) Théâtre – Poésie, éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, V.3, v. 1480-1504.
(2) Racine, Andromaque, 1668 ; (in) op. cit., Théâtre – Poésie, II.5, v. 648-660.
(3) Racine, Phèdre, 1677; édition citée, V.6, v. 1559-1570.
La réponse apparaît dans des anecdotes relatives au jeu théâtral. En effet une remarque concernant le jeu de Quinault-Dufresne sur l’interprétation du passage d’Andromaque est éclairante :
Quinault-Dufresne faisant Pyrrhus, & rapportant les paroles qu’Andromaque avait adressées à son fils Astyanax, prenait absolument la voix flûtée de femme en prononçant ces mots :
C’est Hector,
Voilà ses yeux, sa bouche, & déjà son audace,
C’est lui-même, c’est toi, cher époux, que j’embrasse,
Reprenant aussitôt la voix la plus mâle, il continuait avec fierté :
Et quelle est sa pensée ? Attend-elle en ce jour
Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ?
Non, non, je l’ai juré, ma vengeance est certaine, &tc (1).
(1) Sticotti, Garrick ou les acteurs anglais, 1769 ; (in) Ecrits sur l’art théâtral. Acteurs (1753-1801), Volume II, Paris, Champion, Collection l’Age des Lumières, note de la p. 76 (pagination originale entre crochets).
Quinault-Dufresne faisant Pyrrhus, & rapportant les paroles qu’Andromaque avait adressées à son fils Astyanax, prenait absolument la voix flûtée de femme en prononçant ces mots :
C’est Hector,
Voilà ses yeux, sa bouche, & déjà son audace,
C’est lui-même, c’est toi, cher époux, que j’embrasse,
Reprenant aussitôt la voix la plus mâle, il continuait avec fierté :
Et quelle est sa pensée ? Attend-elle en ce jour
Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ?
Non, non, je l’ai juré, ma vengeance est certaine, &tc (1).
(1) Sticotti, Garrick ou les acteurs anglais, 1769 ; (in) Ecrits sur l’art théâtral. Acteurs (1753-1801), Volume II, Paris, Champion, Collection l’Age des Lumières, note de la p. 76 (pagination originale entre crochets).
Références :
- L’Art du comédien, Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique, 1629-1680, Paris, Champion, 2001, livre I (mécanique de l’éloquence du corps).
- L’Art du comédien, Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique, 1629-1680, Paris, Champion, 2001, livre I (mécanique de l’éloquence du corps).