Si les réécritures de drames shakespeariens pour l’opéra ont fait l’objet de nombreuses études, tant dans le domaine musicologique que dans le domaine littéraire, l’examen des enjeux de l’adaptation des comédies de Shakespeare n’a pas fait l’objet d’une réflexion globale et approfondie jusqu’à présent. La biennale Massenet, qui se tiendra à Saint-Étienne du 27 mai au 18 juin 2015, programme pour sa 12e édition Le Marchand de Venise, un opéra peu représenté de Reynaldo Hahn, datant de 1935. Cette recréation est l’occasion de réfléchir collectivement sur la réception des comédies de Shakespeare et sur leur adaptation sur la scène lyrique dans l’espace européen, du XIXe au XXIe siècle. Jusqu’en 1750, en effet, les adaptations de Shakespeare à l’opéra sont cantonnées dans l’espace anglophone. Il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle et la redécouverte du théâtre shakespearien, pour que ces pièces fassent leur entrée sur les scènes d’opéra européennes. Le but de ce colloque est de réfléchir aux enjeux esthétiques, linguistiques, sociaux et politiques que représente le transfert des comédies de Shakespeare du théâtre à l’opéra.
Adapter les comédies de Shakespeare à l’opéra
Shakespeare a écrit une dizaine de comédies entre 1591 environ et 1601 ; à ce premier ensemble d’œuvres, tantôt désignées comme « happy comedies », « idyllic comedies » ou « gay comedies », on peut ajouter les autres pièces à dénouement heureux écrites par le dramaturge, parfois appelées « tragicomédies » (La Tempête, Le Conte d’hiver). La comédie shakespearienne est complexe et protéiforme, mais l’on peut y déceler certains traits caractéristiques, tels que la primauté accordée au rôle féminin, la présence d’un discours amoureux qui privilégie les joutes spirituelles, l’intérêt porté au déguisement ou encore la réflexion sur l’expérience existentielle que représente, pour l’individu, la découverte de l’amour. On notera aussi l’importance de la place occupée par la musique, bien que ceci ne soit pas le propre des seules comédies ou tragicomédies.
L’une des questions qui se pose est celle de la persistance ou non de certains de ces traits dans les adaptations opératiques : comment est traitée l’intrigue amoureuse ? Quel traitement des personnages féminins ou de la figure du fou est proposé à l’opéra ? Il ne s’agit cependant pas d’envisager l’adaptation en terme de fidélité ou non à une œuvre-source, mais plutôt d’examiner des effets de variations sur une matrice dramatique, en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur les librettistes et les compositeurs. L’histoire de l’opéra ne s’est pas seulement développée selon des principes esthétiques, mais grâce à des réponses pragmatiques aux conditions de représentation, aux modes et aux innovations techniques. De plus, les conventions des différents genres dramatiques et lyriques impliquent nécessairement un remodelage et une réinterprétation des drames shakespeariens : qu’implique le transfert d’une comédie dans un opera buffa, un ballad opera, un opéra-comique français, un Singspiel ou encore un musical (on pense par exemple au Two Gentlemen of Verona de John Guare et Galt MacDermot, 1971) ? La comparaison de plusieurs adaptations d’une même comédie pourrait ici s’avérer fructueuse (The Merry Wives of Windsor, par exemple, a fait l’objet de nombreuses adaptations par Salieri, Balfe, Nicolai et Verdi, pour ne citer qu’eux). On pourra également s’interroger sur les formes du comique à l’opéra, sur le rapport établi avec le spectateur ou l’auditeur.
Réception, traduction, adaptation, transposition
Outre ces questions esthétiques et génériques, l’adaptation des comédies de Shakespeare à l’opéra pose la question de la diffusion et de la réception de ses pièces dans l’espace européen. Quel discours critique se construit autour des comédies de Shakespeare, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle ? Comment ces œuvres parviennent-elles à la connaissance du public (traductions, représentations…) ? Comment envisager le rapport entre traduction et adaptation ? Dans le cas où le livret est écrit dans une autre langue que l’anglais, le librettiste prend-il en charge la traduction de l’œuvre-source ? Sinon, sur quelle traduction s’appuie-t-il ? Qu’est-ce qui fonde son choix ? Comment retravaille-t-il le texte dramatique ? La réécriture vise-t-elle à l’appropriation de l’altérité ou reflète-t-elle, au contraire, une fascination pour un patrimoine littéraire et culturel étranger ? Quel rôle joue, en contrepartie, l’adaptation musicale dans la transmission des comédies shakespeariennes auprès du public ? Quelle image de Shakespeare véhicule-t-elle ?
Ce travail de traduction, de réécriture et de mise en musique doit également être envisagé dans ses implications politiques et sociologiques. Il peut être intéressant de s’interroger sur le contexte historique dans lequel s’inscrit telle ou telle adaptation. L’opéra est-il porteur d’un discours moral ou politique ? Dans quelle mesure l’adaptation reflète les préoccupations d’un peuple, d’une société ou d’une époque ?
Modalités de soumission
Les propositions de communication (comprenant un titre, un descriptif et une brève présentation biobibliographique) doivent être envoyées avant le 31 décembre 2014 à cette adresse : gaelle.loisel@univ-bpclermont.fr ou alban.ramaut@univ-st-etienne.fr. Les résultats seront notifiés à la mi-janvier.
Adapter les comédies de Shakespeare à l’opéra
Shakespeare a écrit une dizaine de comédies entre 1591 environ et 1601 ; à ce premier ensemble d’œuvres, tantôt désignées comme « happy comedies », « idyllic comedies » ou « gay comedies », on peut ajouter les autres pièces à dénouement heureux écrites par le dramaturge, parfois appelées « tragicomédies » (La Tempête, Le Conte d’hiver). La comédie shakespearienne est complexe et protéiforme, mais l’on peut y déceler certains traits caractéristiques, tels que la primauté accordée au rôle féminin, la présence d’un discours amoureux qui privilégie les joutes spirituelles, l’intérêt porté au déguisement ou encore la réflexion sur l’expérience existentielle que représente, pour l’individu, la découverte de l’amour. On notera aussi l’importance de la place occupée par la musique, bien que ceci ne soit pas le propre des seules comédies ou tragicomédies.
L’une des questions qui se pose est celle de la persistance ou non de certains de ces traits dans les adaptations opératiques : comment est traitée l’intrigue amoureuse ? Quel traitement des personnages féminins ou de la figure du fou est proposé à l’opéra ? Il ne s’agit cependant pas d’envisager l’adaptation en terme de fidélité ou non à une œuvre-source, mais plutôt d’examiner des effets de variations sur une matrice dramatique, en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur les librettistes et les compositeurs. L’histoire de l’opéra ne s’est pas seulement développée selon des principes esthétiques, mais grâce à des réponses pragmatiques aux conditions de représentation, aux modes et aux innovations techniques. De plus, les conventions des différents genres dramatiques et lyriques impliquent nécessairement un remodelage et une réinterprétation des drames shakespeariens : qu’implique le transfert d’une comédie dans un opera buffa, un ballad opera, un opéra-comique français, un Singspiel ou encore un musical (on pense par exemple au Two Gentlemen of Verona de John Guare et Galt MacDermot, 1971) ? La comparaison de plusieurs adaptations d’une même comédie pourrait ici s’avérer fructueuse (The Merry Wives of Windsor, par exemple, a fait l’objet de nombreuses adaptations par Salieri, Balfe, Nicolai et Verdi, pour ne citer qu’eux). On pourra également s’interroger sur les formes du comique à l’opéra, sur le rapport établi avec le spectateur ou l’auditeur.
Réception, traduction, adaptation, transposition
Outre ces questions esthétiques et génériques, l’adaptation des comédies de Shakespeare à l’opéra pose la question de la diffusion et de la réception de ses pièces dans l’espace européen. Quel discours critique se construit autour des comédies de Shakespeare, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle ? Comment ces œuvres parviennent-elles à la connaissance du public (traductions, représentations…) ? Comment envisager le rapport entre traduction et adaptation ? Dans le cas où le livret est écrit dans une autre langue que l’anglais, le librettiste prend-il en charge la traduction de l’œuvre-source ? Sinon, sur quelle traduction s’appuie-t-il ? Qu’est-ce qui fonde son choix ? Comment retravaille-t-il le texte dramatique ? La réécriture vise-t-elle à l’appropriation de l’altérité ou reflète-t-elle, au contraire, une fascination pour un patrimoine littéraire et culturel étranger ? Quel rôle joue, en contrepartie, l’adaptation musicale dans la transmission des comédies shakespeariennes auprès du public ? Quelle image de Shakespeare véhicule-t-elle ?
Ce travail de traduction, de réécriture et de mise en musique doit également être envisagé dans ses implications politiques et sociologiques. Il peut être intéressant de s’interroger sur le contexte historique dans lequel s’inscrit telle ou telle adaptation. L’opéra est-il porteur d’un discours moral ou politique ? Dans quelle mesure l’adaptation reflète les préoccupations d’un peuple, d’une société ou d’une époque ?
Modalités de soumission
Les propositions de communication (comprenant un titre, un descriptif et une brève présentation biobibliographique) doivent être envoyées avant le 31 décembre 2014 à cette adresse : gaelle.loisel@univ-bpclermont.fr ou alban.ramaut@univ-st-etienne.fr. Les résultats seront notifiés à la mi-janvier.