European Drama and Performance Studies - 2018
Revue scientifique
publiée par les Éditions Classiques Garnier
Dans leur ouvrage Masculinités : États des lieux, Daniel Welzer-Lang et Chantal Zaouche-Gaudron soulignent le manque d’études sur « les hommes et le masculin, leurs diversités sociales, leurs orientations sexuelles, les diverses positions qu’ils occupent dans les sphères publiques et privées, et les conséquences que cela produit en termes de vécus individuels et/ou collectifs »[1]. Force est de constater que la question de la masculinité, et même des masculinités, reste peu explorée dans les études littéraires en France,[2] et plus encore au théâtre, alors qu’elle fait l’objet depuis les années 2000 de publications en sociologie ou en histoire avec entre autres Hommes et masculinités de 1789 à nos jours un ouvrage dirigé par Régis Revenin[3] qui aborde la masculinité sous l’angle de la sexualité, du travail, de la guerre, de la religion et de la race, et plus récemment Histoire de la virilité sous la direction de Georges Vigarello (t. 1) et Alain Corbin (t. 2) et Jean-Jacques Courtine (t. 3)[4]. Les questions de genre méritent pourtant d’être interrogées, et ce d’un point de vue interdisciplinaire.
D’après Raewyn Connell, masculinité et féminité sont intrinsèquement liées, signalant des différences culturelles et des fonctions sociales le plus souvent antagonistes.[5] Sous l’Ancien Régime par exemple, hommes et femmes présentent des caractéristiques et des qualités opposées ; la femme est subordonnée à l’homme, ce que Connell a théorisé par le concept d’‘hégémonie masculine’ et ce qu’Arthur Brittan a qualifié de ‘masculinisme’[6]. Par ailleurs, les théories sur la masculinité montrent que celle-ci est produite par différents facteurs comme la classe sociale ou l’environnement culturel. La masculinité est conjoncturelle. Elle se définit et se construit dans sa mise en relation à quelque chose ou à quelqu’un.[7] L’histoire des « mentalités masculines » est ainsi corrélée à l’histoire des femmes soulignait Alain Corbin[8] en 1984 alors que cette dernière suscitait de plus en plus l’intérêt des universitaires. De multiples critères peuvent être utilisés pour donner une interprétation de la masculinité comme l’âge, le physique, l’éducation, le statut, le style de vie, l’orientation sexuelle, l’ethnicité, le travail, les lieux auxquels elle est rattachée ainsi que l’influence de normes culturelles ou de sous-cultures.
Ce numéro tentera de définir la manière dont elle est non seulement représentée par le texte de théâtre mais aussi reflétée par les arts de la scène. Que traduisent l’auteur, l’acteur et la scène en matière de virilité, de rituels, ou de normes ? Quels éléments du théâtre sont ‘genrés’ et en particulier masculins/masculinisés ? Quelles sont les façons de s’exprimer et/ou de se conduire qui doivent être comprises comme des marqueurs de masculinité-s ? Le masculin s’oppose-t-il systématiquement au féminin ? Voit-on un affaiblissement de la frontière entre caractères masculins et féminins – ainsi des héros ‘larmoyants’ de la tragédie des années 1660 et des ‘viragos’ des comédies ? Quelle place est donnée aux personnages transgenres ?
Ce numéro portera sur les mises en scène de la masculinité ou de masculinités, qu’elles aient lieu dans le cadre d’une représentation théâtrale ou en société, afin d’identifier et de mieux comprendre les constructions culturelles qu’elles articulent. Ce numéro interrogera les thématiques suivantes :
1. Les signes et les marqueurs de masculinité(s) (comportements, utilisation du discours, objets symboliques, idée de ‘performance’…), et leur impact sur le genre théâtral ou la tonalité des dialogues
2. Le mélange et la confusion des genres, les formes de transgression par rapport aux normes sociales ou culturelles ; les formes d’engagement de l’auteur ou les effets de rupture par rapport aux interdits et tabous de la société
3. Le corps masculin ; les modes masculines ; la masculinité/anti-masculinité du jeu et de la diction ; masculinité et technologie(s) ; masculinité, mouvements et/ou danse
4. La construction/déconstruction de l’identité masculine de l’auteur, du héros, du spectateur ; la remise en cause des stéréotypes masculins ou de l’hégémonie masculine ; la critique de la masculinité/virilité ; l’esthétique du masculin
Les propositions sont à envoyer à sabine.chaouche@gmail.com pour le 10 décembre 2016.
Informations supplémentaires relatives au numéro :
Langue : français ou anglais
Longueur des articles : entre 6 000 et 8 000 mots
Notification de l’acceptation des propositions : 20 décembre 2016
Remise des articles : 10 juin 2017
Les contributions seront soumises à un comité de lecture avant l’envoi définitif du tapuscrit à l’éditeur.
[1] Daniel Welzer-Lang et Chantal Zaouche Gaudron (dir.), Masculinités : États des lieux, Toulouse, Erès, 2011.
[2] Katherine Astbury et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.), Le Mâle en France 1715-1830 : représentations de la masculinité, Bern, Lang, 2004 ; Daniel Maira et Jean-Marie Roulin, Masculinités en révolution de Rousseau à Balzac, Saint-Etienne, Publications de l’université de Saint-Etienne, 2013 ; B. Banoun, A. Tomiche et M. Zapata (dir.), Fictions du masculin dans les littératures occidentales, Paris, Garnier, 2014. En 2014 se sont tenues trois séances consacrées à la virilité et aux représentations du masculin à la Renaissance à l’initiative de Choréa, suivies en 2015 d’un colloque en Sorbonne intitulé « D’Adonis à Alexandre. Cartographie du masculin de la Renaissance aux Lumières dans les littératures européennes » qui se proposait d’aborder la question dans la littérature, mais non pas spécifiquement au théâtre.
[3] Régis Revenin (dir.), Hommes et masculinités de 1789 à nos jours, Paris, Éditions Autrement, 2007. Consultable en ligne à :https://www.cairn.info/hommes-et-masculinites-de-1789-a-nos-jours--9782746709881.htm.
[4] Daniel Welzer-Lang et Jean-Paul Filiod, (dir.), Des hommes et du masculin, Presses Universitaires de Lyon, CREA/Bief, 1992, Daniel Welzer-Lang (dir.), Des Hommes et du masculin, Nouvelles Approches des hommes, Toulouse, Presses Universitaires du Miral, 2000 et Nous les mecs. Essai sur le trouble actuel des hommes, Paris, Payot, 2013 ; Georges Vigarello, Histoire de la virilité, de l’Antiquité aux Lumières, Paris, Seuil, 2015, t. 1 ; Alain Corbin, Histoire de la virilité, Le Triomphe de la virilité, Le XIXe siècle, Paris, Seuil, t. 2, 2015 ; Jean-Jacques Courtine (dir.),Histoire de la virilité : la virilité en crise XX-XXIe siècle, Paris, Seuil, 2015. Voir également et Anne-Marie Sohn, ‘Sois un homme!’ La Construction de la Masculinité au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2009 et sur l’histoire britannique, John Tosh, Manliness and Masculinities in Nineteenth-Century Britain: Essays on Gender, Family and Empire, Harlow, Pearson Longman, c2005.
[5] Raewyn Connell, Masculinities, Cambridge, Polity, [1995] 2005.
[6] Arthur Brittan, Masculinity and Power, Oxford, OUP, 1989.
[7] Joan W. Scott, « Gender: A Useful Category of Historical Analysis », in Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press, 1988, p. 28-50 ; John Beynon, Masculinities and Cultures, Buckingham, Open University Press, 2001 ; Michael Kimmel and Jeff Hearn,Handbook of Studies on Men and Masculinities, London, Sage publications, 2005.
[8] Alain Corbin, « Le “Sexe en deuil” et l’Histoire des femmes », Le Temps, le Désir et l’Horreur, Paris, Aubier, (1984)1991, p. 91i[
Revue scientifique
publiée par les Éditions Classiques Garnier
Dans leur ouvrage Masculinités : États des lieux, Daniel Welzer-Lang et Chantal Zaouche-Gaudron soulignent le manque d’études sur « les hommes et le masculin, leurs diversités sociales, leurs orientations sexuelles, les diverses positions qu’ils occupent dans les sphères publiques et privées, et les conséquences que cela produit en termes de vécus individuels et/ou collectifs »[1]. Force est de constater que la question de la masculinité, et même des masculinités, reste peu explorée dans les études littéraires en France,[2] et plus encore au théâtre, alors qu’elle fait l’objet depuis les années 2000 de publications en sociologie ou en histoire avec entre autres Hommes et masculinités de 1789 à nos jours un ouvrage dirigé par Régis Revenin[3] qui aborde la masculinité sous l’angle de la sexualité, du travail, de la guerre, de la religion et de la race, et plus récemment Histoire de la virilité sous la direction de Georges Vigarello (t. 1) et Alain Corbin (t. 2) et Jean-Jacques Courtine (t. 3)[4]. Les questions de genre méritent pourtant d’être interrogées, et ce d’un point de vue interdisciplinaire.
D’après Raewyn Connell, masculinité et féminité sont intrinsèquement liées, signalant des différences culturelles et des fonctions sociales le plus souvent antagonistes.[5] Sous l’Ancien Régime par exemple, hommes et femmes présentent des caractéristiques et des qualités opposées ; la femme est subordonnée à l’homme, ce que Connell a théorisé par le concept d’‘hégémonie masculine’ et ce qu’Arthur Brittan a qualifié de ‘masculinisme’[6]. Par ailleurs, les théories sur la masculinité montrent que celle-ci est produite par différents facteurs comme la classe sociale ou l’environnement culturel. La masculinité est conjoncturelle. Elle se définit et se construit dans sa mise en relation à quelque chose ou à quelqu’un.[7] L’histoire des « mentalités masculines » est ainsi corrélée à l’histoire des femmes soulignait Alain Corbin[8] en 1984 alors que cette dernière suscitait de plus en plus l’intérêt des universitaires. De multiples critères peuvent être utilisés pour donner une interprétation de la masculinité comme l’âge, le physique, l’éducation, le statut, le style de vie, l’orientation sexuelle, l’ethnicité, le travail, les lieux auxquels elle est rattachée ainsi que l’influence de normes culturelles ou de sous-cultures.
Ce numéro tentera de définir la manière dont elle est non seulement représentée par le texte de théâtre mais aussi reflétée par les arts de la scène. Que traduisent l’auteur, l’acteur et la scène en matière de virilité, de rituels, ou de normes ? Quels éléments du théâtre sont ‘genrés’ et en particulier masculins/masculinisés ? Quelles sont les façons de s’exprimer et/ou de se conduire qui doivent être comprises comme des marqueurs de masculinité-s ? Le masculin s’oppose-t-il systématiquement au féminin ? Voit-on un affaiblissement de la frontière entre caractères masculins et féminins – ainsi des héros ‘larmoyants’ de la tragédie des années 1660 et des ‘viragos’ des comédies ? Quelle place est donnée aux personnages transgenres ?
Ce numéro portera sur les mises en scène de la masculinité ou de masculinités, qu’elles aient lieu dans le cadre d’une représentation théâtrale ou en société, afin d’identifier et de mieux comprendre les constructions culturelles qu’elles articulent. Ce numéro interrogera les thématiques suivantes :
1. Les signes et les marqueurs de masculinité(s) (comportements, utilisation du discours, objets symboliques, idée de ‘performance’…), et leur impact sur le genre théâtral ou la tonalité des dialogues
2. Le mélange et la confusion des genres, les formes de transgression par rapport aux normes sociales ou culturelles ; les formes d’engagement de l’auteur ou les effets de rupture par rapport aux interdits et tabous de la société
3. Le corps masculin ; les modes masculines ; la masculinité/anti-masculinité du jeu et de la diction ; masculinité et technologie(s) ; masculinité, mouvements et/ou danse
4. La construction/déconstruction de l’identité masculine de l’auteur, du héros, du spectateur ; la remise en cause des stéréotypes masculins ou de l’hégémonie masculine ; la critique de la masculinité/virilité ; l’esthétique du masculin
Les propositions sont à envoyer à sabine.chaouche@gmail.com pour le 10 décembre 2016.
Informations supplémentaires relatives au numéro :
Langue : français ou anglais
Longueur des articles : entre 6 000 et 8 000 mots
Notification de l’acceptation des propositions : 20 décembre 2016
Remise des articles : 10 juin 2017
Les contributions seront soumises à un comité de lecture avant l’envoi définitif du tapuscrit à l’éditeur.
[1] Daniel Welzer-Lang et Chantal Zaouche Gaudron (dir.), Masculinités : États des lieux, Toulouse, Erès, 2011.
[2] Katherine Astbury et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.), Le Mâle en France 1715-1830 : représentations de la masculinité, Bern, Lang, 2004 ; Daniel Maira et Jean-Marie Roulin, Masculinités en révolution de Rousseau à Balzac, Saint-Etienne, Publications de l’université de Saint-Etienne, 2013 ; B. Banoun, A. Tomiche et M. Zapata (dir.), Fictions du masculin dans les littératures occidentales, Paris, Garnier, 2014. En 2014 se sont tenues trois séances consacrées à la virilité et aux représentations du masculin à la Renaissance à l’initiative de Choréa, suivies en 2015 d’un colloque en Sorbonne intitulé « D’Adonis à Alexandre. Cartographie du masculin de la Renaissance aux Lumières dans les littératures européennes » qui se proposait d’aborder la question dans la littérature, mais non pas spécifiquement au théâtre.
[3] Régis Revenin (dir.), Hommes et masculinités de 1789 à nos jours, Paris, Éditions Autrement, 2007. Consultable en ligne à :https://www.cairn.info/hommes-et-masculinites-de-1789-a-nos-jours--9782746709881.htm.
[4] Daniel Welzer-Lang et Jean-Paul Filiod, (dir.), Des hommes et du masculin, Presses Universitaires de Lyon, CREA/Bief, 1992, Daniel Welzer-Lang (dir.), Des Hommes et du masculin, Nouvelles Approches des hommes, Toulouse, Presses Universitaires du Miral, 2000 et Nous les mecs. Essai sur le trouble actuel des hommes, Paris, Payot, 2013 ; Georges Vigarello, Histoire de la virilité, de l’Antiquité aux Lumières, Paris, Seuil, 2015, t. 1 ; Alain Corbin, Histoire de la virilité, Le Triomphe de la virilité, Le XIXe siècle, Paris, Seuil, t. 2, 2015 ; Jean-Jacques Courtine (dir.),Histoire de la virilité : la virilité en crise XX-XXIe siècle, Paris, Seuil, 2015. Voir également et Anne-Marie Sohn, ‘Sois un homme!’ La Construction de la Masculinité au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2009 et sur l’histoire britannique, John Tosh, Manliness and Masculinities in Nineteenth-Century Britain: Essays on Gender, Family and Empire, Harlow, Pearson Longman, c2005.
[5] Raewyn Connell, Masculinities, Cambridge, Polity, [1995] 2005.
[6] Arthur Brittan, Masculinity and Power, Oxford, OUP, 1989.
[7] Joan W. Scott, « Gender: A Useful Category of Historical Analysis », in Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press, 1988, p. 28-50 ; John Beynon, Masculinities and Cultures, Buckingham, Open University Press, 2001 ; Michael Kimmel and Jeff Hearn,Handbook of Studies on Men and Masculinities, London, Sage publications, 2005.
[8] Alain Corbin, « Le “Sexe en deuil” et l’Histoire des femmes », Le Temps, le Désir et l’Horreur, Paris, Aubier, (1984)1991, p. 91i[