Au départ de ce film, un Français installé aux Etats-Unis qui filme tout, lui, sa famille, les passants. Au hasard de ses cassettes, il filme son cousin, un interventionniste/grapheur qui réalise des affichettes mozaïquées à la ressemblance du jeu Space Invader et les colle partout, de Paris à Los Angeles. Puis le virus le prend vraiment et il trouve son sujet : il veut filmer tous les grapheurs qui lui tombent sous l’objectif. A ce moment-là il passe de l’autre côté du miroir et devient leur acolyte dans leurs virées nocturnes : Thierry Guetta devient guetteur, portant même à l’occasion les seaux de peinture quand il ne les renverse pas (le film ne manque pas d’humour-catastrophe et en fait son accroche publicitaire française).
Mais la plus insaisissable des vedettes de ce monde esthético-clandestin lui échappe encore : Banksy, le créateur des faux billets à l’effigie de Lady Di et signés « Banksy of England », l’insolent colleur de croûtes de la Tate Britain, le décorateur d’éléphant de l’exposition Barely legal de Los Angeles, le poète des pochoirs du mur de Ramallah en 2005.
Lorsque enfin les deux hommes se rencontrent, le film prend une autre direction : Banksy prend les commandes du documentaire et Guetta devient Artiste. A l’occasion d’une exposition-monstre où il n’était pas sûr d’avoir des visiteurs (il offrait un tirage sérigraphique personnalisé à coup de dégoulinades aux 200 premiers) et qui en attira finalement 4000 pour le vernissage. Nouvelle Bataille d’Hernani organisée à l’américaine et aseptisée, où les prix des œuvres accrochées en hâte ne dépendent que de l’inspiration (du caprice ?) de Guetta, devenu ainsi subitement acteur du monde de l’art contemporain sous le nom de Mr. Brainwash (MBW pour les connaisseurs, ce pseudonyme souligne qu’il est au moins partiellement lucide sur ses pratiques).
Mais la plus insaisissable des vedettes de ce monde esthético-clandestin lui échappe encore : Banksy, le créateur des faux billets à l’effigie de Lady Di et signés « Banksy of England », l’insolent colleur de croûtes de la Tate Britain, le décorateur d’éléphant de l’exposition Barely legal de Los Angeles, le poète des pochoirs du mur de Ramallah en 2005.
Lorsque enfin les deux hommes se rencontrent, le film prend une autre direction : Banksy prend les commandes du documentaire et Guetta devient Artiste. A l’occasion d’une exposition-monstre où il n’était pas sûr d’avoir des visiteurs (il offrait un tirage sérigraphique personnalisé à coup de dégoulinades aux 200 premiers) et qui en attira finalement 4000 pour le vernissage. Nouvelle Bataille d’Hernani organisée à l’américaine et aseptisée, où les prix des œuvres accrochées en hâte ne dépendent que de l’inspiration (du caprice ?) de Guetta, devenu ainsi subitement acteur du monde de l’art contemporain sous le nom de Mr. Brainwash (MBW pour les connaisseurs, ce pseudonyme souligne qu’il est au moins partiellement lucide sur ses pratiques).
Cela pourrait s’arrêter là, après de belles images de graphs, des scènes intéressantes de chat-et-souris avec la police (qui décidemment ne comprend rien aux arts de la rue), des séquences hilarantes de ratages ou de professions de foi inarticulées, etc. Mais il s’agit d’un vrai documentaire, qui pose une foultitude de questions de fond sur la pérennité de ces œuvres, leur valeur, l’émergence d’un artiste… Bansky lui-même, d’abord à son aise, incisif et insolent, montre au fil de ses interventions masquées une gêne de plus en plus évidente vis-à-vis de son ami ultra-médiatisé (MBW a passé plus de temps à organiser la rumeur autour de son exposition qu’à fabriquer ses œuvres). Banksy ne croit plus que tout un chacun puisse être un artiste, il se demande finalement ce que c’est que l’art et où s’arrête le n’importe quoi. S’il mentionne lui-même que le danger est une composante fondamentale de son action artistique, il dit aussi que dix ans de prison pour avoir imprimé de la fausse monnaie, même belle et drôle, c’est une limite qu’il ne veut pas franchir. Les liasses resteront dans le placard de son atelier. On en revient donc encore et toujours à l’argent comme composante essentielle de l’art contemporain et là où le titre français insiste sur la liberté du geste, le titre original anglais est à cet égard beaucoup plus explicite : Exit Through the Gift Shop.
De fait, ce que révèle ce documentaire, c’est non seulement la contamination des différentes composantes de l’art, mais également l’accélération sans précédent de sa « corruption » : en à peine quelques décennies, l’art urbain en est au même point d’interrogation que l’art « classique », « officiel ». L’influence de Duchamp (mais Duchamp n’a jamais prétendu faire de l’art avec ses ready-made), de Warhol et de Hirst se fait sentir : toujours plus vite, de moins en moins artisanal et personnel, il s’agit de jouer de la répétition grâce à un atelier bien fourni en exécutants, exploités si possible (certains témoignent dans le film qu’on ne les y reprendra plus).
Reste donc la gêne ressentie par l’auditoire, même si on rit à la projection : comment comprendre cette loterie artistique où tout se joue sur la publicité donnée à un « événement » ? La littérature fourmille de ces héros qui jouent leur vie sur un coup de dé et y perdent tout ; Guetta n’est, lui, pas un héros tragique, et il rafle la mise. En ces temps de crise, ce n’est pas vraiment pas juste et il y a de quoi remettre en question son (le ?) système. On en rit donc, à défaut d’en pleurer. Et on comprend mieux que les taggeurs, grapheurs et autres graphitistes utilisent des bombes : pour mieux dynamiter nos valeurs, mon enfant !
Ce film permet en tout cas de poser une nouvelle définition de l’art de notre temps : si le communisme, c’est les soviets plus l’électricité, l’art d’aujourd’hui, c’est la répétition plus la publicité !
Voir aussi Banksy, Wall and Peace, Random House, 2005 / Guerre et spray, Editions alternatives, 2010
A défaut, voir le site http://www.faiteslemur-lefilm.com/
De fait, ce que révèle ce documentaire, c’est non seulement la contamination des différentes composantes de l’art, mais également l’accélération sans précédent de sa « corruption » : en à peine quelques décennies, l’art urbain en est au même point d’interrogation que l’art « classique », « officiel ». L’influence de Duchamp (mais Duchamp n’a jamais prétendu faire de l’art avec ses ready-made), de Warhol et de Hirst se fait sentir : toujours plus vite, de moins en moins artisanal et personnel, il s’agit de jouer de la répétition grâce à un atelier bien fourni en exécutants, exploités si possible (certains témoignent dans le film qu’on ne les y reprendra plus).
Reste donc la gêne ressentie par l’auditoire, même si on rit à la projection : comment comprendre cette loterie artistique où tout se joue sur la publicité donnée à un « événement » ? La littérature fourmille de ces héros qui jouent leur vie sur un coup de dé et y perdent tout ; Guetta n’est, lui, pas un héros tragique, et il rafle la mise. En ces temps de crise, ce n’est pas vraiment pas juste et il y a de quoi remettre en question son (le ?) système. On en rit donc, à défaut d’en pleurer. Et on comprend mieux que les taggeurs, grapheurs et autres graphitistes utilisent des bombes : pour mieux dynamiter nos valeurs, mon enfant !
Ce film permet en tout cas de poser une nouvelle définition de l’art de notre temps : si le communisme, c’est les soviets plus l’électricité, l’art d’aujourd’hui, c’est la répétition plus la publicité !
Voir aussi Banksy, Wall and Peace, Random House, 2005 / Guerre et spray, Editions alternatives, 2010
A défaut, voir le site http://www.faiteslemur-lefilm.com/