Résumé
Pour les historien·nes de la danse, la figure de Loïe Fuller apparait comme un marqueur de l’entrée dans la modernité, en raison de l’exceptionnalité de son parcours de danseuse, de metteuse en scène-scénographe et d’imprésario. Giovanni Lista lui a consacré un magnifique ouvrage, et préface aussi l’autobiographie de l’artiste, Ma vie et la danse, rappelant que Jules Clarétie l’avait encouragé à écrire ses mémoires. Avant d’entrer dans la matière de cette autofiction qui a contribué à faire entrer la Danse serpentine dans la légende et à fixer l’image de Loïe Fuller, il conviendrait de se pencher sur l’édification d’un récit en première personne qui laisse dans l’ombre Gabrielle Bloch, alias Gab Sorère, la sœur, la compagne, la confidente. Tour à tour assistante, régisseuse, administratrice et juriste, meneuse de troupe et cinéaste, elle est pourtant le double de Mary-Louise Fuller. Si le thème de l’homosexualité a été effleuré par certain·es biographes, dernièrement par la chercheuse Adeline Chevrier-Bosseau, la question d’un binôme semblable à celui formé par Gertrude Stein et Alice Toklas, ou par Natalie Clifford Barney et Renée Vivien n’a pas encore été explicitée. Or, sans cet attelage bicéphale, ni sans l’inscription de ces deux destins dans le milieu lesbien du début du XXème siècle, il n’y aurait ni vedettariat, ni récit triomphant. Il nous faut donc « amazoner » pour repenser le destin de la Fée Électricité, dans une perspective féministe au regard de cet assemblage, et au prisme des études de genre pour considérer l’histoire d’une lignée oubliée, de même que le réseau d’affects dans lequel s’enchevêtrent histoires particulières et collectives, entre Paris et les États-Unis.
Cette conférence sera l’occasion de faire état d’une recherche initiée grâce à une étude de la correspondance de Loïe Fuller, conservée dans les archives du Fonds Fuller, de la New-York Public Library.
Cette conférence sera l’occasion de faire état d’une recherche initiée grâce à une étude de la correspondance de Loïe Fuller, conservée dans les archives du Fonds Fuller, de la New-York Public Library.
Biographie
Alix de Morant est Maître de Conférences HDR en esthétiques chorégraphiques et théâtrales à l’université Paul-Valéry Montpellier 3 et membre du RIRRa 21. Elle est l’auteure avec Sylvie Clidière d’Extérieur Danse (Montpellier, L’Entretemps 2009) et avec Éliane Beaufils de Scènes en partage (Deuxième époque, 2018). Plus récemment, elle a codirigé les ouvrages John Cassavetes, Imaginaire des corps entre la scène et l’écran (Presses Universitaires de Provence, 2021), Narrativity &Intermédiality in Contemporary Theatre (Peter Lang, 2021), L’Atelier en acte(s) (Hermann, 2023). Outre son intérêt pour les démarches chorégraphiques in situ et les expériences participatives en espace public, ses recherches portent sur la performance, l’intermédialité, la danse dans sa relation aux autres arts. Codirectrice avec Christian Rizzo du Master exerce (ICI-CCN/UPVM), sa formation artistique en danse et en théâtre la porte tout naturellement vers l’étude de la genèse des processus et la recherche création.