16h00 Alessio Ruffatti (univ. de Paris-Sorbonne) : Introduction
16h15 Valeria de Lucca (univ. de Southampton) The dissemination of opera between Venice and Rome (1660-1680).
16h45 Alessio Ruffatti La collection Chigi : formation, chronologie, réception.
Pause
17h30 Valeria de Lucca The « spanish » collection of Lorenzo Onofrio Colonna
18h00 Questions
Parmi les objets d’étude les plus fascinants qui s’offrent à un musicologue, figure la recherche des liens entre la culture matérielle – et tout particulièrement partitions et livrets d’opéra - et les personnes qui se cachent derrière leur production, circulation et conservation.
Les manuscrits musicaux conservés dans la collection Chigi du Vatican nous permettent d’analyser ce processus. Ce séminaire a pour objectif d’étudier un ensemble de partitions d’opéra collectionnées entre les années 1660 et 1670, qui semblent fournir une bonne représentation des goûts et des intérêts musicaux d’un groupe restreint de nobles passionnés par l’opéra. Dans ce cercle nous retrouvons Lorenzo Onofrio Colonna, sa femme Maria Mancini, des membres de la famille Chigi, ainsi que de nombreux artistes liés à ces mécènes.
La première partie du séminaire aura pour objet le mécénat musical développé entre Rome et Venise par la famille Colonna ainsi que son rôle dans la circulation de livrets, partitions musicales et chanteurs entre ces deux villes. En se distinguant des autres familles aristocratiques romaines passionnées par l’opéra et déçues par la vie musicale romaine des années 1660, Lorenzo Onofrio Colonna et son épouse Maria Mancini s’intéressent à la vie musicale de la Serenissima. Entre 1663 et 1667 les Colonna soutiennent l’activité de l’impresario d’opéra Marco Faustini qui gère le théâtre SS. Giovanni e Paolo. Leur contribution permet de recruter les meilleurs chanteurs de l’époque et influence le choix du répertoire. Dans la ville des doges les Colonna développent le goût pour l’opéra « alla veneziana » et leur bibliothèque s’enrichit de livrets et de partitions musicales provenant de Venise.
La famille Colonna tisse des liens fondamentaux entre Rome et Venise, en établissant des contacts entre l’opéra de cour et le théâtre public et joue un rôle moteur dans les réseaux aristocratiques qui sont à la base des productions d’opéras romains dans les années 1660 et 1670. La famille Chigi et Christine de Suède font partie de ce cercle qui sera à l’origine, en 1671, de l’ouverture du Tordinona, le premier théâtre public romain « alla moda di Venezia ».
La deuxième partie du séminaire permettra de découvrir le contenu de la collection d’opéras réunie par la famille Chigi. Cet ensemble de sources manuscrites présente des caractéristiques matérielles assez homogènes qui se démarquent du reste de la bibliothèque musicale Chigi. Une analyse paléographique montrera le savoir-faire des ateliers romains qui produisaient des livres de musique dans la deuxième partie du XVIIe siècle et aidera à comprendre l’origine et la datation de ces volumes provenant parfois de Rome mais également de Venise. Une partie de cet ensemble de partitions, auparavant considérée comme étant perdue, est aujourd’hui conservée dans des nombreuses autres bibliothèques européennes.
Cette collection montre bien l’esprit de collaboration qui anime le mécénat à la base des spectacles romains de la deuxième partie du XVIIe siècle. Les choix dramaturgiques des familles Colonna et Chigi sont le résultat d’une intense circulation européenne de livrets ainsi que de partitions musicales et sont guidés par l’émergence de certaines personnalités artistiques qui dominent les scènes lyriques de l’époque. Les mises en scène de ces spectacles montrent d’ailleurs l’intérêt pour un répertoire musical qui s’éloigne parfois du désir de nouveauté.
La bibliothèque musicale que nous présentons est probablement influencée par la personnalité de Maria Mancini et par la réception des spectacles qu’elle contribue à financer et organiser. La cour des papes critique âprement le rôle interprété par la nièce de Mazarin, ainsi que son désir de s’exprimer librement. Malgré la censure de la société romaine, après le départ de la protagoniste de cette saison d’opéra, nous assistons à la construction d’un mythe alimenté par une littérature biographique parfois romanesque. D’autre part, l’image de Maria Mancini devient un modèle iconographique et est collectionnée par beaucoup de nobles romains, parmi lesquels nous retrouvons Flavio Chigi.
La séance s’achèvera par la présentation d’une collection musicale composée de partitions et de livrets emportés par Lorenzo Onofrio Colonna en Espagne en 1678 lors de son séjour en tant que vice-roi d’Aragon. Cet ensemble d’œuvres sera analysé non seulement en tant qu’exemple de ses goûts et de ses intérêts musicaux mais aussi comme une tentative de montrer les meilleurs exemples d’opéras italiens du XVIIe siècle et de retracer une histoire de ce genre musical.
Bibliographie
VALERIA DE LUCCA, The Power of the Prima Donna: Giulia Masotti’s Repertory of Choice, «Journal of the Seventeenth-Century Music», en cours de publication.
VALERIA DE LUCCA, L'Alcasta and the Emergence of Collective Patronage in Mid-Seventeenth-Century Rome, «The Journal of Musicology», 28, 2011, pp. 195-230
VALERIA DE LUCCA, Strategies of Women Patrons of Music and Theatre in Early-Modern Rome: Maria Mancini Colonna, Queen Christina of Sweden, and Women of their Circle, «Renaissance Studies», 2011, pp. 374-392
VALERIA DE LUCCA, "Pallade al valor, Venere al volto": Music, Theatricality, and Performance in Marie Mancini Colonna's Patronage, dans "The Wandering Life I Led": Essays on Hortense Mancini, Duchess Mazarin and Early Modern Women's Border-Crossings, sous la direction de SUSAN SHIFRIN, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2009, pp. 113-156.
VALERIA DE LUCCA, Dalle sponde del tebro alle rive dell'adria": Maria Mancini and Lorenzo Onofrio Colonna's patronage of music and theater between Rome and Venice (1659--1675), Ph.D. Princeton university, 2009
ALESSIO RUFFATTI, "Curiosi e bramosi l'oltramontani cercano con grande diligenza in tutti i luoghi" La cantata romana del Seicento in Europa, «Journal of Seventeenth Century Music», XIII/1, 2007.
ALESSIO RUFFATTI, La réception des cantates de Luigi Rossi dans la France du Grand Siècle, «Revue de musicologie», 92/2, 2006, pp. 287-307
COLLEEN REARDON, The 1669 Sienese production of Cesti's “L'Argia”, in Music observed : studies in memory of William C. Holmes, sous la direction de COLLEEN REARDON et SUSAN HELEN PARISI, Warren, Mich., Harmonie Park Press, 2004, pp. 417-428.
FRANK A. D'ACCONE, Cardinal Chigi and music redux, in Music observed : studies in memory of William C. Holmes, sous la direction de COLLEEN REARDON et SUSAN HELEN PARISI, Warren, Mich., Harmonie Park Press, 2004, pp. 65-100
JEAN LIONNET, Les activités musicales de Flavio Chigi, cardinal neveu d'Alexandre VII, «Studi Musicali», IX/2, 1980, pp. 287-302
Nous remercions Livia Lionnet, Luigi Cacciaglia et Colleen Reardon pour leur aide précieuse.
Source: ACRAS
16h15 Valeria de Lucca (univ. de Southampton) The dissemination of opera between Venice and Rome (1660-1680).
16h45 Alessio Ruffatti La collection Chigi : formation, chronologie, réception.
Pause
17h30 Valeria de Lucca The « spanish » collection of Lorenzo Onofrio Colonna
18h00 Questions
Parmi les objets d’étude les plus fascinants qui s’offrent à un musicologue, figure la recherche des liens entre la culture matérielle – et tout particulièrement partitions et livrets d’opéra - et les personnes qui se cachent derrière leur production, circulation et conservation.
Les manuscrits musicaux conservés dans la collection Chigi du Vatican nous permettent d’analyser ce processus. Ce séminaire a pour objectif d’étudier un ensemble de partitions d’opéra collectionnées entre les années 1660 et 1670, qui semblent fournir une bonne représentation des goûts et des intérêts musicaux d’un groupe restreint de nobles passionnés par l’opéra. Dans ce cercle nous retrouvons Lorenzo Onofrio Colonna, sa femme Maria Mancini, des membres de la famille Chigi, ainsi que de nombreux artistes liés à ces mécènes.
La première partie du séminaire aura pour objet le mécénat musical développé entre Rome et Venise par la famille Colonna ainsi que son rôle dans la circulation de livrets, partitions musicales et chanteurs entre ces deux villes. En se distinguant des autres familles aristocratiques romaines passionnées par l’opéra et déçues par la vie musicale romaine des années 1660, Lorenzo Onofrio Colonna et son épouse Maria Mancini s’intéressent à la vie musicale de la Serenissima. Entre 1663 et 1667 les Colonna soutiennent l’activité de l’impresario d’opéra Marco Faustini qui gère le théâtre SS. Giovanni e Paolo. Leur contribution permet de recruter les meilleurs chanteurs de l’époque et influence le choix du répertoire. Dans la ville des doges les Colonna développent le goût pour l’opéra « alla veneziana » et leur bibliothèque s’enrichit de livrets et de partitions musicales provenant de Venise.
La famille Colonna tisse des liens fondamentaux entre Rome et Venise, en établissant des contacts entre l’opéra de cour et le théâtre public et joue un rôle moteur dans les réseaux aristocratiques qui sont à la base des productions d’opéras romains dans les années 1660 et 1670. La famille Chigi et Christine de Suède font partie de ce cercle qui sera à l’origine, en 1671, de l’ouverture du Tordinona, le premier théâtre public romain « alla moda di Venezia ».
La deuxième partie du séminaire permettra de découvrir le contenu de la collection d’opéras réunie par la famille Chigi. Cet ensemble de sources manuscrites présente des caractéristiques matérielles assez homogènes qui se démarquent du reste de la bibliothèque musicale Chigi. Une analyse paléographique montrera le savoir-faire des ateliers romains qui produisaient des livres de musique dans la deuxième partie du XVIIe siècle et aidera à comprendre l’origine et la datation de ces volumes provenant parfois de Rome mais également de Venise. Une partie de cet ensemble de partitions, auparavant considérée comme étant perdue, est aujourd’hui conservée dans des nombreuses autres bibliothèques européennes.
Cette collection montre bien l’esprit de collaboration qui anime le mécénat à la base des spectacles romains de la deuxième partie du XVIIe siècle. Les choix dramaturgiques des familles Colonna et Chigi sont le résultat d’une intense circulation européenne de livrets ainsi que de partitions musicales et sont guidés par l’émergence de certaines personnalités artistiques qui dominent les scènes lyriques de l’époque. Les mises en scène de ces spectacles montrent d’ailleurs l’intérêt pour un répertoire musical qui s’éloigne parfois du désir de nouveauté.
La bibliothèque musicale que nous présentons est probablement influencée par la personnalité de Maria Mancini et par la réception des spectacles qu’elle contribue à financer et organiser. La cour des papes critique âprement le rôle interprété par la nièce de Mazarin, ainsi que son désir de s’exprimer librement. Malgré la censure de la société romaine, après le départ de la protagoniste de cette saison d’opéra, nous assistons à la construction d’un mythe alimenté par une littérature biographique parfois romanesque. D’autre part, l’image de Maria Mancini devient un modèle iconographique et est collectionnée par beaucoup de nobles romains, parmi lesquels nous retrouvons Flavio Chigi.
La séance s’achèvera par la présentation d’une collection musicale composée de partitions et de livrets emportés par Lorenzo Onofrio Colonna en Espagne en 1678 lors de son séjour en tant que vice-roi d’Aragon. Cet ensemble d’œuvres sera analysé non seulement en tant qu’exemple de ses goûts et de ses intérêts musicaux mais aussi comme une tentative de montrer les meilleurs exemples d’opéras italiens du XVIIe siècle et de retracer une histoire de ce genre musical.
Bibliographie
VALERIA DE LUCCA, The Power of the Prima Donna: Giulia Masotti’s Repertory of Choice, «Journal of the Seventeenth-Century Music», en cours de publication.
VALERIA DE LUCCA, L'Alcasta and the Emergence of Collective Patronage in Mid-Seventeenth-Century Rome, «The Journal of Musicology», 28, 2011, pp. 195-230
VALERIA DE LUCCA, Strategies of Women Patrons of Music and Theatre in Early-Modern Rome: Maria Mancini Colonna, Queen Christina of Sweden, and Women of their Circle, «Renaissance Studies», 2011, pp. 374-392
VALERIA DE LUCCA, "Pallade al valor, Venere al volto": Music, Theatricality, and Performance in Marie Mancini Colonna's Patronage, dans "The Wandering Life I Led": Essays on Hortense Mancini, Duchess Mazarin and Early Modern Women's Border-Crossings, sous la direction de SUSAN SHIFRIN, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2009, pp. 113-156.
VALERIA DE LUCCA, Dalle sponde del tebro alle rive dell'adria": Maria Mancini and Lorenzo Onofrio Colonna's patronage of music and theater between Rome and Venice (1659--1675), Ph.D. Princeton university, 2009
ALESSIO RUFFATTI, "Curiosi e bramosi l'oltramontani cercano con grande diligenza in tutti i luoghi" La cantata romana del Seicento in Europa, «Journal of Seventeenth Century Music», XIII/1, 2007.
ALESSIO RUFFATTI, La réception des cantates de Luigi Rossi dans la France du Grand Siècle, «Revue de musicologie», 92/2, 2006, pp. 287-307
COLLEEN REARDON, The 1669 Sienese production of Cesti's “L'Argia”, in Music observed : studies in memory of William C. Holmes, sous la direction de COLLEEN REARDON et SUSAN HELEN PARISI, Warren, Mich., Harmonie Park Press, 2004, pp. 417-428.
FRANK A. D'ACCONE, Cardinal Chigi and music redux, in Music observed : studies in memory of William C. Holmes, sous la direction de COLLEEN REARDON et SUSAN HELEN PARISI, Warren, Mich., Harmonie Park Press, 2004, pp. 65-100
JEAN LIONNET, Les activités musicales de Flavio Chigi, cardinal neveu d'Alexandre VII, «Studi Musicali», IX/2, 1980, pp. 287-302
Nous remercions Livia Lionnet, Luigi Cacciaglia et Colleen Reardon pour leur aide précieuse.
Source: ACRAS