Au deuxième et dernier étage du Louvre, entre le Diderot de Van Loo et le Gilles de Watteau, Patrice Chéreau expose son musée imaginaire, en lieu et place des toiles de Restout qui y sont habituellement présentées. Une sélection de toiles du Louvre et du Musée d’Orsay (Courbet a fait le déplacement avec son Origine du monde), accrochées serrées et mises en perspective par une demi-douzaine de photographies (encadrées à l’ancienne cependant) de Nan Goldin sur des thèmes intimistes (un jeune homme nu, sa mère riant aux éclats).
Cette collection éphémère revendique la pure subjectivité et n’est limitée que par des contraintes extérieures au goût : le Musée d’Orsay ne s’est pas démuni des Raboteurs de Caillebotte pourtant présent dans le catalogue ; la lumière est exécrable (surtout lorsqu’on a traversé précédemment l’éclairage flatteur des antiquités égyptiennes nouvellement réaménagées). Au spectateur donc d’exercer à son tour son jugement, d’apprécier le choix de Chéreau et l’accrochage qui font se percuter les époques et les styles, de se laisser aller à ses émotions personnelles. Et pourquoi pas de faire lui-même une sélection dans la sélection : le Portrait d’une femme noire de Marie-Guillemine Benoît répondant au Jeune Homme nu de Jean-Hippolyte Flandrin et au Jeune Homme songeur de François-Joseph Navez. Et de regretter que tel ou tel de ses tableaux préférés ait été écarté, quitte à aller les voir ensuite dans une autre section de ce musée-monstre.
Mais cette sélection est l’arbre qui cache la forêt : dans la galerie écartée dite « des poules », l’accrochage « Derrière les images » présente une toute petite exposition mais de bien plus grand intérêt par son caractère inédit et encore plus extrêmement personnel. Patrice Chéreau y révèle en effet des croquis, des projets, des photos et des coupures de presse qui éclairent son travail de metteur en scène et en images depuis 1964, date à laquelle, avec la troupe de théâtre du Lycée Louis-le-Grand, il avait monté L’Intervention de Victor Hugo. Ces « notations visuelles » sont remarquables par ce qu’elles révèlent de la vision préalable au spectacle. Et par leur simple beauté intrinsèque : les dessins rehaussés de gouache de L’Italienne à Alger ou ceux pour Richard II par exemple. Ces documents, conservés d’ordinaire à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) de Caen, sont exposés avec d’autres projets et croquis de Richard Peduzzi, le décorateur privilégié de Chéreau depuis leur rencontre en 1967. Le plus curieux est peut-être cependant la vitrine qui présente les coupures de journal que Chéreau s’astreint à découper chaque jour dans la presse comme étant pour lui les images les plus frappantes de l’actualité. Le tout encadré par deux photographies et des textes de Hervé Guibert tirés du Mausolée des amants.
Dans ce lieu dérobé, devant ces émotions partagées, l’impression est forte de vraiment rencontrer Chéreau.
Compte rendu par Noémie Courtès.
Cette collection éphémère revendique la pure subjectivité et n’est limitée que par des contraintes extérieures au goût : le Musée d’Orsay ne s’est pas démuni des Raboteurs de Caillebotte pourtant présent dans le catalogue ; la lumière est exécrable (surtout lorsqu’on a traversé précédemment l’éclairage flatteur des antiquités égyptiennes nouvellement réaménagées). Au spectateur donc d’exercer à son tour son jugement, d’apprécier le choix de Chéreau et l’accrochage qui font se percuter les époques et les styles, de se laisser aller à ses émotions personnelles. Et pourquoi pas de faire lui-même une sélection dans la sélection : le Portrait d’une femme noire de Marie-Guillemine Benoît répondant au Jeune Homme nu de Jean-Hippolyte Flandrin et au Jeune Homme songeur de François-Joseph Navez. Et de regretter que tel ou tel de ses tableaux préférés ait été écarté, quitte à aller les voir ensuite dans une autre section de ce musée-monstre.
Mais cette sélection est l’arbre qui cache la forêt : dans la galerie écartée dite « des poules », l’accrochage « Derrière les images » présente une toute petite exposition mais de bien plus grand intérêt par son caractère inédit et encore plus extrêmement personnel. Patrice Chéreau y révèle en effet des croquis, des projets, des photos et des coupures de presse qui éclairent son travail de metteur en scène et en images depuis 1964, date à laquelle, avec la troupe de théâtre du Lycée Louis-le-Grand, il avait monté L’Intervention de Victor Hugo. Ces « notations visuelles » sont remarquables par ce qu’elles révèlent de la vision préalable au spectacle. Et par leur simple beauté intrinsèque : les dessins rehaussés de gouache de L’Italienne à Alger ou ceux pour Richard II par exemple. Ces documents, conservés d’ordinaire à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) de Caen, sont exposés avec d’autres projets et croquis de Richard Peduzzi, le décorateur privilégié de Chéreau depuis leur rencontre en 1967. Le plus curieux est peut-être cependant la vitrine qui présente les coupures de journal que Chéreau s’astreint à découper chaque jour dans la presse comme étant pour lui les images les plus frappantes de l’actualité. Le tout encadré par deux photographies et des textes de Hervé Guibert tirés du Mausolée des amants.
Dans ce lieu dérobé, devant ces émotions partagées, l’impression est forte de vraiment rencontrer Chéreau.
Compte rendu par Noémie Courtès.
Exposition et cycle de spectacles jusqu’au 31 janvier, aile Sully.
Egalement un panorama de Nan Goldin au rez-de-chaussée, sous la pyramide.
Catalogue : Les Visages et les corps, Skira/Louvre, 2010.
Egalement un panorama de Nan Goldin au rez-de-chaussée, sous la pyramide.
Catalogue : Les Visages et les corps, Skira/Louvre, 2010.