© CNCS photo Pascal François
On n’entrevoit généralement le monde du théâtre qu’à travers une petite lucarne : celle des acteurs et des metteurs en scène. Rarement met-on l’accent sur le hors scène, sur le monde de ces « acteurs de l’ombre » selon l’expression de Jacqueline Razgonnikoff qui participent pleinement à la fabrique du théâtre tels les machinistes par exemple. La Comédie-Française qui s’était déjà distinguée fin 2010 et début 2011 par deux expositions originales consacrées aux décorateurs et aux tapissiers, tapissières (Vieux-Colombiers, Paris), s’est cette fois-ci penchée sur ces œuvres d’art produites par les petites mains du théâtre que sont les costumes.
L’exposition « L’art du costume à la Comédie-Française » préparée par Agathe Sanjuan et Renato Bianchi et présentée par le Centre National du Costume de Scène à Moulins n’était rien moins que magnifique. La saga du textile, les secondes peaux de l’acteur, défilaient le long d’un parcours savamment mis en scène par Roberto Platé et Jacques Rouveyrollis. Protégées par leur écran de verre, soigneusement disposées dans leur écrin de velours noir, les augustes parures encore teintées de l’aura de leur créateur ou de leur personnage - voire même des grands noms qui les portèrent et, en un sens, les sculptèrent - ont repris vie sur la scène muséale. Point de défroques mais des tenues d’apparat ayant conservé toute leur splendeur d’antan.
Plus de deux cents costumes avaient été choisis, retraçant les l’histoire de l’institution (1680-2011) tout autant que l’histoire du vêtement à travers le savoir-faire des couturières et des tailleurs. Quinze salles avaient été aménagées.
La première salle ou Salon d’honneur mettait en valeur les habits du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Il était rappelé qu’à cette époque les acteurs étaient chargés de constituer eux-mêmes leur garde-robe. Les costumes de L’Orphelin de la Chine de Voltaire (1755) et de L’Etourdi de Molière, conservés par la Comédie-Française, étaient de toute beauté : il était loisible d’admirer la précision des couturières de même que la richesse des étoffes, la joliesse et le raffinement extrême des motifs. Quelques objets appartenant à de célèbres acteurs figuraient également dans le palais de cristal comme la couronne de lauriers de François Joseph Talma (que l’on retrouve au Petit-Palais, sur une peinture de Delacroix de 1856), un poignard de Marie Dorval, les cothurnes de Rachel ou une couronne de Sarah Bernhardt.
Suivaient cuirasses, armures, glaives, casques de toutes époques, puis une présentation chronologique du costume de scène : le costume historicisant de la période romantique mêlant simplicité et munificence ; la vogue du costume « authentique » au tournant du siècle. La salle 3 apportait un éclairage intéressant : celui de la relation entre mode, haute couture et vêtement théâtral de 1880 à 1950, malheureusement trop peu exploitée selon nous. Le thème de la liberté de création et ses formes depuis le XVIIe siècle, de même que certaines constantes notables à travers les siècles comme par exemple les dépenses des acteurs, le recyclage, la tenue de « ville » dans la comédie auraient pu être davantage explorés.
La salle du costume illustratif du XXe siècle et les artistes de l’avant-garde, celles des années 1960 à nos jours (salles 9 à 12) faisant état des évolutions en matière d’ornementation (matériaux, utilisation de teintures), de coupe et de la réinvention, voire révolution de l’habit de théâtre, avaient clos ce parcours grandiose dans le magasin de la maison de Molière. Les parures de la production de Richard III (début des années 1970), à la croisée entre œuvre d’art et outil de travail, auront enchanté plus d’un, de même que la galerie des costumes des pièces de Molière superbement mise en scène.
Deux salles étaient aussi à retenir, représentant pour ainsi dire le clou du spectacle, pour ne pas dire le point de broderie final : les ateliers, emblématiques des petites mains qui continuent à œuvrer pour la Comédie-Française. Les commissaires de l’exposition ont eu l’excellente idée de nous faire découvrir patrons, fers à repasser, fers à coques, fers à tuyauter, mais aussi toute la panoplie des postiches. Moustaches, perruques, masques, faux-nez s’étalaient gaiement sur un pan de mur à côté de la loge d’une artiste.
Il est assez difficile de se rendre compte avec justesse de tous les enjeux liés à l’évolution du costume de scène car il faudrait sans doute exposer plusieurs milliers de costumes pour reconstituer de manière complète une histoire du vêtement qui s'avère complexe comme l'a si bien démontré Daniel Roche pour l'Ancien Régime. Fort heureusement le catalogue, très bien conçu et richement illustré, pare à cet écueil et apporte des éléments de réponse.
L’illusion au théâtre n’est peut être qu’un tissu de rêves sublimé par un esprit créateur et par de petites mains, un jeu subtil de fils d’or et d’argent savamment assemblés pour éblouir le spectateur et l’entraîner dans le monde d’un luxueux merveilleux où l’ordinaire n’a plus sa place. La précision des détails frappe l’œil tout autant que l’imagination. On aimerait toucher et effleurer du bout des doigts ces précieuses reliques. La créativité des costumiers de la Comédie-Française montre avec force que le rôle culturel et patrimonial de celle-ci ainsi que son impact au fil du temps sur l’histoire même du théâtre n'ont jamais faibli. Il ne manquait sans doute que le visage de ces petites mains qui par leur travail minutieux et consciencieux tissent et reprisent sans cesse le répertoire. Le soin apporté à l’élaboration des costumes, de même qu’à leur conservation laisse en effet sans voix...
Compte rendu par Sabine Chaouche
L’exposition « L’art du costume à la Comédie-Française » préparée par Agathe Sanjuan et Renato Bianchi et présentée par le Centre National du Costume de Scène à Moulins n’était rien moins que magnifique. La saga du textile, les secondes peaux de l’acteur, défilaient le long d’un parcours savamment mis en scène par Roberto Platé et Jacques Rouveyrollis. Protégées par leur écran de verre, soigneusement disposées dans leur écrin de velours noir, les augustes parures encore teintées de l’aura de leur créateur ou de leur personnage - voire même des grands noms qui les portèrent et, en un sens, les sculptèrent - ont repris vie sur la scène muséale. Point de défroques mais des tenues d’apparat ayant conservé toute leur splendeur d’antan.
Plus de deux cents costumes avaient été choisis, retraçant les l’histoire de l’institution (1680-2011) tout autant que l’histoire du vêtement à travers le savoir-faire des couturières et des tailleurs. Quinze salles avaient été aménagées.
La première salle ou Salon d’honneur mettait en valeur les habits du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Il était rappelé qu’à cette époque les acteurs étaient chargés de constituer eux-mêmes leur garde-robe. Les costumes de L’Orphelin de la Chine de Voltaire (1755) et de L’Etourdi de Molière, conservés par la Comédie-Française, étaient de toute beauté : il était loisible d’admirer la précision des couturières de même que la richesse des étoffes, la joliesse et le raffinement extrême des motifs. Quelques objets appartenant à de célèbres acteurs figuraient également dans le palais de cristal comme la couronne de lauriers de François Joseph Talma (que l’on retrouve au Petit-Palais, sur une peinture de Delacroix de 1856), un poignard de Marie Dorval, les cothurnes de Rachel ou une couronne de Sarah Bernhardt.
Suivaient cuirasses, armures, glaives, casques de toutes époques, puis une présentation chronologique du costume de scène : le costume historicisant de la période romantique mêlant simplicité et munificence ; la vogue du costume « authentique » au tournant du siècle. La salle 3 apportait un éclairage intéressant : celui de la relation entre mode, haute couture et vêtement théâtral de 1880 à 1950, malheureusement trop peu exploitée selon nous. Le thème de la liberté de création et ses formes depuis le XVIIe siècle, de même que certaines constantes notables à travers les siècles comme par exemple les dépenses des acteurs, le recyclage, la tenue de « ville » dans la comédie auraient pu être davantage explorés.
La salle du costume illustratif du XXe siècle et les artistes de l’avant-garde, celles des années 1960 à nos jours (salles 9 à 12) faisant état des évolutions en matière d’ornementation (matériaux, utilisation de teintures), de coupe et de la réinvention, voire révolution de l’habit de théâtre, avaient clos ce parcours grandiose dans le magasin de la maison de Molière. Les parures de la production de Richard III (début des années 1970), à la croisée entre œuvre d’art et outil de travail, auront enchanté plus d’un, de même que la galerie des costumes des pièces de Molière superbement mise en scène.
Deux salles étaient aussi à retenir, représentant pour ainsi dire le clou du spectacle, pour ne pas dire le point de broderie final : les ateliers, emblématiques des petites mains qui continuent à œuvrer pour la Comédie-Française. Les commissaires de l’exposition ont eu l’excellente idée de nous faire découvrir patrons, fers à repasser, fers à coques, fers à tuyauter, mais aussi toute la panoplie des postiches. Moustaches, perruques, masques, faux-nez s’étalaient gaiement sur un pan de mur à côté de la loge d’une artiste.
Il est assez difficile de se rendre compte avec justesse de tous les enjeux liés à l’évolution du costume de scène car il faudrait sans doute exposer plusieurs milliers de costumes pour reconstituer de manière complète une histoire du vêtement qui s'avère complexe comme l'a si bien démontré Daniel Roche pour l'Ancien Régime. Fort heureusement le catalogue, très bien conçu et richement illustré, pare à cet écueil et apporte des éléments de réponse.
L’illusion au théâtre n’est peut être qu’un tissu de rêves sublimé par un esprit créateur et par de petites mains, un jeu subtil de fils d’or et d’argent savamment assemblés pour éblouir le spectateur et l’entraîner dans le monde d’un luxueux merveilleux où l’ordinaire n’a plus sa place. La précision des détails frappe l’œil tout autant que l’imagination. On aimerait toucher et effleurer du bout des doigts ces précieuses reliques. La créativité des costumiers de la Comédie-Française montre avec force que le rôle culturel et patrimonial de celle-ci ainsi que son impact au fil du temps sur l’histoire même du théâtre n'ont jamais faibli. Il ne manquait sans doute que le visage de ces petites mains qui par leur travail minutieux et consciencieux tissent et reprisent sans cesse le répertoire. Le soin apporté à l’élaboration des costumes, de même qu’à leur conservation laisse en effet sans voix...
Compte rendu par Sabine Chaouche