"Marcelle Demougeot (Kundry) dans Parsifal de Wagner, Palais Garnier, 1924 Photographie de Reutlinger BmO, GF 46"
L’Opéra Garnier présente tout l’été une exposition sur les Tragédiennes de l’Opéra.
Visuellement, c’est très réussi : l’accrochage est impeccable, la présentation des costumes équilibrée, l’ensemble est harmonieux. Le choix a porté essentiellement sur des tiares, diadèmes et autres ornements de têtes exotiques, ainsi que quelques ceintures et une robe, celle de Geneviève Vix dans le rôle éponyme de Salomé dans l’œuvre de Strauss. Présenté sur fond noir, le tout est digne du salon du design aux Tuileries.
Pédagogiquement cependant, c’est un désastre. Passé l’argumentaire de l’exposition à l’entrée, plus aucune explication n’est prodiguée, sinon pour référencer sur des cartons quasi illisibles les cantatrices, les œuvres, les compositeurs. Sous prétexte de « raviver le souvenir de femmes d’exception » entre l’inauguration de l’opéra en 1875 et 1939, de Gabrielle Krauss à Fanny Heldy (dont la loge est reconstituée en très kitch), les conservateurs ont aligné les noms, les photos, les croquis dans un désordre géographique, temporel et intellectuel probablement ordonné mais qu’on peine à comprendre : c’est à vous à comparer les différents documents concernant un même rôle, éloignés d’un bout à l’autre de l’exposition. Et pour peu qu’on soit plus béotien que prévu, toutes ces dames restent pour vous de parfaites inconnues alors qu’elles furent adulées en leur temps : Felia Litvine, Lucienne Bréval, Sybil Sanderson, Rose Caron… à moins, horreur, que vous ne les connaissiez pour une autre partie de leur carrière comme Françoise Rosay ! Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! Hélas, l’exposition ne fait pas grand-chose pour vous les faire connaître. Huit extraits filmés se battent en duel (actualités Pathé ou publicité pour les produits de beauté d’une chanteuse reconvertie enregistrés entre 1913 et 1928). Pire : onze extraits sont présentés à l’audition, trois mètres plus loin, à angle droit, que leur liste dans laquelle il faut attendre Carmen pour que le susdit béotien – certes confortablement assis dans un fauteuil – puisse reconnaître qui est qui, qui chante quoi… Quant à l’extrait touchant du « message suprême » d’Emma Calvé en janvier 1942, on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette galère.
Les visiteurs passent donc leur chemin et ressortent sans avoir rien appris, un peu étonnés d’avoir échoué là. Il y avait pourtant matière à dire devant tant de beaux documents, parfaitement conservés. On en est réduit à remarquer que l’Alceste de Gluck a connu une très longue carrière, concurremment avec les œuvres de Wagner et des opéras complètement oubliés de Massenet (si on connaît encore Thaïs, qui sait qu’il a écrit Esclarmonde, Bacchus, Hérodiade, Ariane… ?) ou de Saint-Saens (avec de non moins désuets Salammbô, Déjanire, Phryné, Samson et Dalila, Henri VIII…). Il ne reste qu’à espérer que l’Opéra-Comique ressuscite ces œuvres pour donner chair à ces voix du passé qui, ici, se taisent obstinément.
Noémie Courtès
Paris, Bibliothèque-musée de l’Opéra (exposition de la BnF), jusqu’au 25 septembre 2011.
L’apparat interactif est à l’image de l’exposition : une page dans les Chroniques de la BnF accessible en ligne : http://multimedia.bnf.fr/chroniques/chroniques_59/index.html#/6/
Visuellement, c’est très réussi : l’accrochage est impeccable, la présentation des costumes équilibrée, l’ensemble est harmonieux. Le choix a porté essentiellement sur des tiares, diadèmes et autres ornements de têtes exotiques, ainsi que quelques ceintures et une robe, celle de Geneviève Vix dans le rôle éponyme de Salomé dans l’œuvre de Strauss. Présenté sur fond noir, le tout est digne du salon du design aux Tuileries.
Pédagogiquement cependant, c’est un désastre. Passé l’argumentaire de l’exposition à l’entrée, plus aucune explication n’est prodiguée, sinon pour référencer sur des cartons quasi illisibles les cantatrices, les œuvres, les compositeurs. Sous prétexte de « raviver le souvenir de femmes d’exception » entre l’inauguration de l’opéra en 1875 et 1939, de Gabrielle Krauss à Fanny Heldy (dont la loge est reconstituée en très kitch), les conservateurs ont aligné les noms, les photos, les croquis dans un désordre géographique, temporel et intellectuel probablement ordonné mais qu’on peine à comprendre : c’est à vous à comparer les différents documents concernant un même rôle, éloignés d’un bout à l’autre de l’exposition. Et pour peu qu’on soit plus béotien que prévu, toutes ces dames restent pour vous de parfaites inconnues alors qu’elles furent adulées en leur temps : Felia Litvine, Lucienne Bréval, Sybil Sanderson, Rose Caron… à moins, horreur, que vous ne les connaissiez pour une autre partie de leur carrière comme Françoise Rosay ! Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! Hélas, l’exposition ne fait pas grand-chose pour vous les faire connaître. Huit extraits filmés se battent en duel (actualités Pathé ou publicité pour les produits de beauté d’une chanteuse reconvertie enregistrés entre 1913 et 1928). Pire : onze extraits sont présentés à l’audition, trois mètres plus loin, à angle droit, que leur liste dans laquelle il faut attendre Carmen pour que le susdit béotien – certes confortablement assis dans un fauteuil – puisse reconnaître qui est qui, qui chante quoi… Quant à l’extrait touchant du « message suprême » d’Emma Calvé en janvier 1942, on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette galère.
Les visiteurs passent donc leur chemin et ressortent sans avoir rien appris, un peu étonnés d’avoir échoué là. Il y avait pourtant matière à dire devant tant de beaux documents, parfaitement conservés. On en est réduit à remarquer que l’Alceste de Gluck a connu une très longue carrière, concurremment avec les œuvres de Wagner et des opéras complètement oubliés de Massenet (si on connaît encore Thaïs, qui sait qu’il a écrit Esclarmonde, Bacchus, Hérodiade, Ariane… ?) ou de Saint-Saens (avec de non moins désuets Salammbô, Déjanire, Phryné, Samson et Dalila, Henri VIII…). Il ne reste qu’à espérer que l’Opéra-Comique ressuscite ces œuvres pour donner chair à ces voix du passé qui, ici, se taisent obstinément.
Noémie Courtès
Paris, Bibliothèque-musée de l’Opéra (exposition de la BnF), jusqu’au 25 septembre 2011.
L’apparat interactif est à l’image de l’exposition : une page dans les Chroniques de la BnF accessible en ligne : http://multimedia.bnf.fr/chroniques/chroniques_59/index.html#/6/