(c) Maëlle Grange
Enfin une bonne raison d’être nu sur scène… pouvoir parader en empereur romain et peignoir bleu puis en serviette jaune.
Pendant une heure, installé dans sa baignoire, ou s’habillant pour sortir, Etienne Coquereau répond inlassablement à la question posée sur tous les tons (au mépris de la grammaire) par Isabelle Cagnat : « A quoi tu penses ? » Les réponses sont en forme de méditation sur l’amour, la virilité, le vieillissement, la séduction… L’intimité de la salle de bain – canard en plastique compris – sert le texte a priori non théâtral de l’oulipien Hervé Le Tellier qui réalise un amusant exercice de style sur le « Je me souviens » de Pérec. Le propos a parfois la profondeur de la baignoire, mais ces bribes mi drolatiques mi sérieuses font mouche grâce à la mise en scène de Frédéric Cherboeuf. La Femme insiste, imperturbable, sur son unique question, avec une variété de tons à faire pâlir un Cyrano dans la scène du bobo. Quant à l’Homme, traqué jusque dans les derniers retranchements de ses pensées, il est tour à tour touchant, sexiste, cynique, attendrissant… On voudrait retenir ses brèves de salles de bain, mais elles échappent comme des bulles de savon. On retiendra cependant le titre : Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable…
Caricature tendre de l’éternel Masculin, le texte rappelle le poème d’Abel Jacquin :
Tu étais charmante
adorable,
et tu avais une manie
insupportable :
c’était cinq mots que tu disais,
que tu répétais si souvent
qu’ils devenaient exaspérants.
Cinq petits mots dits gentiment
et qui mendiaient
en insistant
une réponse
toujours la même
évidemment !
Ces cinq mots :
« Dis-moi que tu m’aimes ! »
ces cinq petits mots obsédants
me donnaient la furieuse envie
de proférer quelque blasphème,
quelque énorme grossièreté
qui t’aurait peut-être guérie !
Mais non,
docile et sans courage
et lâche
autant qu’il se peut être,
je cédais,
et sans conviction
je disais :
« Je t’aime, chérie ! »
C’est alors que tu m’achevais,
non plus de cinq mots
mais de trois,
en murmurant :
« Mieux que ça ! »*
Noémie Courtès
Paris, théâtre du Lucernaire, du mardi au samedi à 19h.
A noter : l’exposition de collages métaphysicomiques d’Hervé Le Tellier (L’Herbier des villes) dans l’escalier qui mène au Paradis.
Un exemple de cet Urbier (herbier urbain) : http://www.oulipo.net/document.php?id=19479
Site oulipien d’Hervé Le Tellier : http://www.oulipo.net/oulipiens/HLT
Le texte : Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, fragments, 1998, Le Castor Astral.
Pendant une heure, installé dans sa baignoire, ou s’habillant pour sortir, Etienne Coquereau répond inlassablement à la question posée sur tous les tons (au mépris de la grammaire) par Isabelle Cagnat : « A quoi tu penses ? » Les réponses sont en forme de méditation sur l’amour, la virilité, le vieillissement, la séduction… L’intimité de la salle de bain – canard en plastique compris – sert le texte a priori non théâtral de l’oulipien Hervé Le Tellier qui réalise un amusant exercice de style sur le « Je me souviens » de Pérec. Le propos a parfois la profondeur de la baignoire, mais ces bribes mi drolatiques mi sérieuses font mouche grâce à la mise en scène de Frédéric Cherboeuf. La Femme insiste, imperturbable, sur son unique question, avec une variété de tons à faire pâlir un Cyrano dans la scène du bobo. Quant à l’Homme, traqué jusque dans les derniers retranchements de ses pensées, il est tour à tour touchant, sexiste, cynique, attendrissant… On voudrait retenir ses brèves de salles de bain, mais elles échappent comme des bulles de savon. On retiendra cependant le titre : Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable…
Caricature tendre de l’éternel Masculin, le texte rappelle le poème d’Abel Jacquin :
Tu étais charmante
adorable,
et tu avais une manie
insupportable :
c’était cinq mots que tu disais,
que tu répétais si souvent
qu’ils devenaient exaspérants.
Cinq petits mots dits gentiment
et qui mendiaient
en insistant
une réponse
toujours la même
évidemment !
Ces cinq mots :
« Dis-moi que tu m’aimes ! »
ces cinq petits mots obsédants
me donnaient la furieuse envie
de proférer quelque blasphème,
quelque énorme grossièreté
qui t’aurait peut-être guérie !
Mais non,
docile et sans courage
et lâche
autant qu’il se peut être,
je cédais,
et sans conviction
je disais :
« Je t’aime, chérie ! »
C’est alors que tu m’achevais,
non plus de cinq mots
mais de trois,
en murmurant :
« Mieux que ça ! »*
Noémie Courtès
Paris, théâtre du Lucernaire, du mardi au samedi à 19h.
A noter : l’exposition de collages métaphysicomiques d’Hervé Le Tellier (L’Herbier des villes) dans l’escalier qui mène au Paradis.
Un exemple de cet Urbier (herbier urbain) : http://www.oulipo.net/document.php?id=19479
Site oulipien d’Hervé Le Tellier : http://www.oulipo.net/oulipiens/HLT
Le texte : Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, fragments, 1998, Le Castor Astral.