Vincent Beaume (c).
Ce que Arman faisait aux objets dans ses compositions plastiques, Camille Boitel et ses comparses le font en mouvement dans leur spectacle actuel, L’Immédiat (créé en 2009).
Tout commence par un chaos indescriptible : tout se déglingue du décor et des accessoires, tables, chaises, murs se dérobent sous et sur les danseurs qui glissent eux-mêmes, trébuchent et chancellent. Pendant quinze minutes, tout s’affaisse en un tableau désopilant qui transforme progressivement la scène en chantier. Puis c’est le grand nettoyage, qui tourne à son tour à la frénésie jubilatoire. Le spectateur reste bouche bée devant ce spectacle millimétré où les danseurs escaladent les gravas pour triompher du désordre qu’ils ont précédemment savamment orchestré. D’autres séquences suivent, plus stupéfiantes les unes que les autres, à grand renfort de rideaux coulissants qui font apparaître et disparaître corps et meubles sur la scène. Le mouvement est rapide, parfois effréné : des mains sortent des tiroirs, des hommes et des femmes sortent des placards – homme ou femme, on ne sait, puisque les costumes sont étrangement unisexes, marcels ou nuisettes et manteaux de fourrure pour tous.
Le monde est désarticulé, démantibulé, dément-ibulé. La farce fait rire mais elle tend aussi à l’effroi ; inversement, l’horreur est désamorcée par la langue de belle-mère. C’est désespéré et drôle à la fois. Le monde mis en scène est post-apocalyptique, handicapé dans ses mouvements, et la bataille fait plusieurs fois rage entre des personnages qui se battent comme des chiffonniers avant de se débarrasser d’une dépouille inerte. Sans musique que le bruit des coups sourds des corps qui tombent et s’effondrent, comme dans une BD terrifiante et farouche. Mais la poésie est au détour des corps et le féroce reste véloce et beau. Peut-être y a-t-il même une influence à la Dali dans la variation à l’oblique où le danseur solo évolue grâce aux béquilles, cales et autres laisses tenues et tendues par ses camarades.
La performance est stupéfiante : le travail d’ensemble et la précision de la chorégraphie forcent l’admiration. De même la conception du décor, qui est créditée à pas moins de quatre constructeurs : Benoît Finker, Thomas de Broissia, Martin Gautron, Martine Staerk. Grâce à eux, commode et armoire, mais également balais, échelles et lampes prennent un aspect nouveau. La salle se mue en train fantôme ou en Tinguély sonore. Voire en Jardin des délices, plus désespéré encore que celui de Bianca Li l’an passé. Tout est transformé. Tout peut arriver.
Jubilatoire et hors normes. Un spectacle à voir absolument pour sa maîtrise extrême et sa radicale originalité.
Compte rendu par Noémie Courtès.
La biennale de danse du Val de Marne (25 compagnies, 11 créations, 50 représentations) se poursuit dans divers lieux jusqu’au 2 avril. Programme sur http://www.alabriqueterie.com/
Courte présentation de l’association L’immédiat : http://www.siparhasard.com/index.php?/les-spectacles/limmediat/
Entretien avec Camille Boitel : http://vimeo.com/13099606
Prochaines dates :
24 au 26 mars 2011 : MC2 - Grenoble (38)
31 mars au 3 avril 2011 : Les Subsistances - Lyon (69)
7 et 8 avril 2011 : Le Carré, scène nationale de Chateau Gontier (53)
5 au 7 mai 2011 : Festival franco-allemand Perspectives (ALL)
12 au 15 mai 2011 : Le Maillon, scène nationale de Strasbourg (67)
19 au 21 mai 2011 : La Comédie, scène nat. de Clermont Ferrand (63)
25 au 29 mai 2011 : Théâtre de Nice, centre dramatique national (06)
18 au 21 janvier 2012: Barbican theater - Londres (UK)
Tout commence par un chaos indescriptible : tout se déglingue du décor et des accessoires, tables, chaises, murs se dérobent sous et sur les danseurs qui glissent eux-mêmes, trébuchent et chancellent. Pendant quinze minutes, tout s’affaisse en un tableau désopilant qui transforme progressivement la scène en chantier. Puis c’est le grand nettoyage, qui tourne à son tour à la frénésie jubilatoire. Le spectateur reste bouche bée devant ce spectacle millimétré où les danseurs escaladent les gravas pour triompher du désordre qu’ils ont précédemment savamment orchestré. D’autres séquences suivent, plus stupéfiantes les unes que les autres, à grand renfort de rideaux coulissants qui font apparaître et disparaître corps et meubles sur la scène. Le mouvement est rapide, parfois effréné : des mains sortent des tiroirs, des hommes et des femmes sortent des placards – homme ou femme, on ne sait, puisque les costumes sont étrangement unisexes, marcels ou nuisettes et manteaux de fourrure pour tous.
Le monde est désarticulé, démantibulé, dément-ibulé. La farce fait rire mais elle tend aussi à l’effroi ; inversement, l’horreur est désamorcée par la langue de belle-mère. C’est désespéré et drôle à la fois. Le monde mis en scène est post-apocalyptique, handicapé dans ses mouvements, et la bataille fait plusieurs fois rage entre des personnages qui se battent comme des chiffonniers avant de se débarrasser d’une dépouille inerte. Sans musique que le bruit des coups sourds des corps qui tombent et s’effondrent, comme dans une BD terrifiante et farouche. Mais la poésie est au détour des corps et le féroce reste véloce et beau. Peut-être y a-t-il même une influence à la Dali dans la variation à l’oblique où le danseur solo évolue grâce aux béquilles, cales et autres laisses tenues et tendues par ses camarades.
La performance est stupéfiante : le travail d’ensemble et la précision de la chorégraphie forcent l’admiration. De même la conception du décor, qui est créditée à pas moins de quatre constructeurs : Benoît Finker, Thomas de Broissia, Martin Gautron, Martine Staerk. Grâce à eux, commode et armoire, mais également balais, échelles et lampes prennent un aspect nouveau. La salle se mue en train fantôme ou en Tinguély sonore. Voire en Jardin des délices, plus désespéré encore que celui de Bianca Li l’an passé. Tout est transformé. Tout peut arriver.
Jubilatoire et hors normes. Un spectacle à voir absolument pour sa maîtrise extrême et sa radicale originalité.
Compte rendu par Noémie Courtès.
La biennale de danse du Val de Marne (25 compagnies, 11 créations, 50 représentations) se poursuit dans divers lieux jusqu’au 2 avril. Programme sur http://www.alabriqueterie.com/
Courte présentation de l’association L’immédiat : http://www.siparhasard.com/index.php?/les-spectacles/limmediat/
Entretien avec Camille Boitel : http://vimeo.com/13099606
Prochaines dates :
24 au 26 mars 2011 : MC2 - Grenoble (38)
31 mars au 3 avril 2011 : Les Subsistances - Lyon (69)
7 et 8 avril 2011 : Le Carré, scène nationale de Chateau Gontier (53)
5 au 7 mai 2011 : Festival franco-allemand Perspectives (ALL)
12 au 15 mai 2011 : Le Maillon, scène nationale de Strasbourg (67)
19 au 21 mai 2011 : La Comédie, scène nat. de Clermont Ferrand (63)
25 au 29 mai 2011 : Théâtre de Nice, centre dramatique national (06)
18 au 21 janvier 2012: Barbican theater - Londres (UK)