« Mon anglais est mauvais. Mon français est mauvais. La photographie est ma seule langue. » disait ce photographe hongrois installé d’abord en France à partir de 1925, puis à New York de 1936 à sa mort en 1985.
Le musée du Jeu de Paume offre à ce photographe célèbre mais moins connu en France du grand public que ses contemporains Brassaï, Man Ray ou Cartier-Bresson, une rétrospective éclairante sur son parcours d’artisan en exil perpétuel. Un parcours de sa Hongrie natale à ses derniers Polaroïds en couleur lorsqu’il a quatre-vingts ans, en passant par les livres et les reportages photographiques qui ont assis sa réputation dans diverses revues illustrées. Un parcours d’une saisissante simplicité, avec des vues d’une telle originalité qu’on y a vu du surréalisme (La Fourchette, 1928), souvent non-conformistes (les Distorsions, ces nus réalisés à l’aide de deux miroirs déformants), d’une grande économie de moyens (ces innombrables photographies prises des toits vue de sa fenêtre pendant toute sa carrière), d’une grande intimité aussi parfois (les derniers Polaroïds révèlent la présence-absence obsédante de son épouse morte).
La présentation révèle en outre l’importance pour Kertész du cadrage : comme Rembrandt avec ses gravures qui évoluaient au fil des tirages, il retravaille ses négatifs jusqu’à créer de nouvelles compositions en les recadrant de nombreuses fois, comme si c’étaient des photos nouvelles et non une série créée à partir d’une ou deux œuvres. Deux de ces séries frappent dans l’exposition : le portrait de couple avec sa femme dont il disparaît progressivement ; l’enchevêtrement de cheminées qui finit par créer un Chambord américain artificiel.
On y voit également son travail obsessionnel sur les ombres, au point qu’il est presque absent de son autoportrait de 1927…
L’exposition met en outre l’accent sur l’importance pour Kertész de la redécouverte dans les années 1960 de négatifs qu’il avait laissés en France avant-guerre et que le photographe a réutilisés et retravaillés pour leur faire prendre un nouveau départ (ce qui explique la date étonnante de certains des tirages accrochés).
Ce panorama permet enfin au néophyte de mettre davantage d’émotion et des souvenirs personnels autour d’autres clichés forcément connus (Le Nageur sous l’eau, Le Petit Chien, Les Voyeurs du cirque) en lui offrant une rétrospective sensible et documentée, agréablement mise en scène et vraiment saisissante.
Paris, Musée du Jeu de Paume, jusqu’au 6 février 2011.
Compte rendu de Noémie Courtès.
Le musée du Jeu de Paume offre à ce photographe célèbre mais moins connu en France du grand public que ses contemporains Brassaï, Man Ray ou Cartier-Bresson, une rétrospective éclairante sur son parcours d’artisan en exil perpétuel. Un parcours de sa Hongrie natale à ses derniers Polaroïds en couleur lorsqu’il a quatre-vingts ans, en passant par les livres et les reportages photographiques qui ont assis sa réputation dans diverses revues illustrées. Un parcours d’une saisissante simplicité, avec des vues d’une telle originalité qu’on y a vu du surréalisme (La Fourchette, 1928), souvent non-conformistes (les Distorsions, ces nus réalisés à l’aide de deux miroirs déformants), d’une grande économie de moyens (ces innombrables photographies prises des toits vue de sa fenêtre pendant toute sa carrière), d’une grande intimité aussi parfois (les derniers Polaroïds révèlent la présence-absence obsédante de son épouse morte).
La présentation révèle en outre l’importance pour Kertész du cadrage : comme Rembrandt avec ses gravures qui évoluaient au fil des tirages, il retravaille ses négatifs jusqu’à créer de nouvelles compositions en les recadrant de nombreuses fois, comme si c’étaient des photos nouvelles et non une série créée à partir d’une ou deux œuvres. Deux de ces séries frappent dans l’exposition : le portrait de couple avec sa femme dont il disparaît progressivement ; l’enchevêtrement de cheminées qui finit par créer un Chambord américain artificiel.
On y voit également son travail obsessionnel sur les ombres, au point qu’il est presque absent de son autoportrait de 1927…
L’exposition met en outre l’accent sur l’importance pour Kertész de la redécouverte dans les années 1960 de négatifs qu’il avait laissés en France avant-guerre et que le photographe a réutilisés et retravaillés pour leur faire prendre un nouveau départ (ce qui explique la date étonnante de certains des tirages accrochés).
Ce panorama permet enfin au néophyte de mettre davantage d’émotion et des souvenirs personnels autour d’autres clichés forcément connus (Le Nageur sous l’eau, Le Petit Chien, Les Voyeurs du cirque) en lui offrant une rétrospective sensible et documentée, agréablement mise en scène et vraiment saisissante.
Paris, Musée du Jeu de Paume, jusqu’au 6 février 2011.
Compte rendu de Noémie Courtès.