TEXTE 1 : STEPHANE BRAUNSCHWEIG DIRECTEUR DU THEATRE NATIONAL DE STRASBOURG
« Il me semble que c’est d’abord un art de l’interprétation, avec une part d’artisanat, de savoir-faire, et une part de création. Comme le chef d’orchestre, le metteur en scène interprète une partition écrite qu’il fait jouer par un ensemble. Il faut donc d’abord savoir lire et questionner un texte. L’écriture scénique est, de mon point de vue, un délicat travail de palimpseste qui doit préserver la lisibilité du texte et en respecter l’objectivité, ce que le texte établit de lui-même comme données incontestables. L’art de la mise en scène consiste à cerner cette « objectivité » comme on déchiffre en musique, et ensuite à établir les marges d’interprétation qui ne sont pas infinies. Tous les points de vue sur un texte ne se valent pas ; il faut admettre qu’il y a des partis pris d’interprétation plus pertinents que d’autres. Bien sûr, on peut aussi délibérément « détourner » un texte, lui faire dire ce qu’il ne dit pas, tout cela est possible comme disait Vitez, « à condition de le savoir et de le dire. » Le problème n’est pas la fidélité au texte, mais il s’agit seulement de ne pas considérer le texte comme un pur prétexte. […] La mise en scène doit affirmer un point de vue, tout en laissant apparaître celui de l’auteur qui sert de référence. Et c’est dans cet écart que peut surgir le point de vue des spectateurs, creuser une place virtuelle pour le regard extérieur. […] La mise en scène, c’est aussi cette part de création qui se traduit – dans mon cas – dans la recherche scénographique et plastique, la tentative de transposer un univers textuel en univers spatial ou visuel, de trouver l’espace qui concentre la pièce comme en un seul mot, l’espace qui rend possible d’écrire avec des corps dans trois dimensions, et même dans quatre (car la dimension temporelle, rythmique est pour moi essentielle), l’espace qui rend possible l’écoute par les yeux. » (191-192)
TEXTE 2 : OLIVIER PY DIRECTEUR DU CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL ORLEANS-LOIRET-CENTRE
« Par essence la mise en scène n’appartient à personne puisqu’elle ne produit pas d’objet, au mieux elle suscite une interaction. Mettre en scène, c’est pour moi interroger la matière. […] Le plus souvent les metteurs en scène veulent imposer leur esthétique alors que c’est celle du texte qu’il faut révéler. » (223)
TEXTE 3 : CLAUDE STRATZ DIRECTEUR DU CONSERVATOIRE NATIONAL SUPERIEUR D’ART DRAMATIQUE
« Dans la plupart des cas, un metteur en scène c’est d’abord un interprète, celui qui a un point de vue sur un texte. Il est dans la position du chef d’orchestre qui dirige un ensemble à partir d’une partition. Il fédère tous les artisans d’un spectacle autour d’un projet, assure la cohérence de l’ensemble et permet que tous racontent la même histoire. Quand il s’agit de mettre en scène un texte du passé, il occupe en partie la place de l’auteur et définit les enjeux du texte à représenter. Il répond à des questions essentielles : pourquoi et comment ce texte ici et maintenant ? […] Mettre en scène ne requiert pas un savoir-faire précis, la mise en scène ne se résume pas à un ensemble de techniques. C’est un faisceau de qualités, de compétences très diverses, qui définit chaque metteur en scène. Les manières de mettre en scène sont très nombreuses : il y a des metteurs en scène directifs et d’autres qui ne le sont pas, ceux qui montrent et ceux qui ne montrent jamais, etc. Une qualité fondamentale, une condition pour mettre en scène, c’est la capacité de rassembler une équipe, de fédérer un groupe autour d’un projet. Un metteur en scène, c’est quelqu’un qui parle et que l’on écoute ? C’est un composé de qualités et de compétences bien spécifiques et c’est cela qui fait sa singularité. […] L’art de la mise en scène ne s’enseigne pas mais se transmet au contact d’autres metteurs en scène et chacun doit choisir ses maîtres, trouver ses modèles. » (232-233)
TEXTE 4 : JEAN-PIERRE VINCENT DIRECTEUR ARTISTIQUE DE LA COMPAGNIE STUDIO LIBRE
« L’art de la mise en scène existe, mais c’est un art de l’interprétation. On y met en œuvre une réelle créativité, mais il ne s’agit pas d’une création en soi. Cette interprétation peut avoir plus ou moins d’autonomie par rapport au projet originaire de l’auteur. Mais, pour moi, l’essentiel est dans l’éthique du rapport à l’œuvre, dont nous ne sommes que les passeurs. Passeurs actifs, certes, mais passeurs. Toute époque où la mise en scène prime sur le poème est une époque maniériste, une époque de seconde main. Les fondements de cet art ? […] une connaissance approfondie du plateau (ou désormais du lieu théâtral), de tous les métiers et de tous les arts-frères qui s’y pratiquent, un don inventif doublé d’une importante capacité d’autocritique, une capacité infatigable à former et à entretenir un groupe humain forcément centrifuge : l’inventivité tenant la main de la rigueur. (235)
QUESTIONS :
1/ Comment la mise en scène est-elle définie par ces metteurs en scène ?
2/ Que suggèrent Stéphane Braunschweig et Olivier Py lorsqu’ils évoquent le rapport entre texte et représentation ?
3/ Selon Claude Statz, quelle est la qualité principale du metteur en scène ?
4/ En quoi et quand la mise en scène ne reflète jamais véritablement l’œuvre ?
2/ Que suggèrent Stéphane Braunschweig et Olivier Py lorsqu’ils évoquent le rapport entre texte et représentation ?
3/ Selon Claude Statz, quelle est la qualité principale du metteur en scène ?
4/ En quoi et quand la mise en scène ne reflète jamais véritablement l’œuvre ?