Figure majeure de la vie théâtrale sous la Troisième République, Francisque Sarcey (1827-1899) acquiert, à mesure que paraissent ses chroniques du lundi dans le journal libéral et républicain Le Temps, une autorité et un prestige qui le placent, en cette période d’intense renouvellement des formes dramatiques et des pratiques scéniques, au cœur de tous les débats et de toutes les polémiques. Souvent virulents, ses adversaires, au premier rang desquels Emile Zola, Octave Mirbeau, Henry Becque, n’ont pas peu contribué à forger de lui l’image, sans doute un peu trop monolithique pour n’être pas réductrice, que « l’Oncle » a laissée dans l’histoire du théâtre : celle d’un porte-parole de l’opinion bourgeoise, que son dogmatisme étroit et borné a rendu hermétique aux frémissements de la modernité. Son culte de la « pièce bien faite » l’aurait ainsi rendu aveugle au « drame moderne » des naturalistes et des symbolistes, son goût pour la clarté française hostile aux brumes nordiques représentées par Maeterlinck, Ibsen, Strindberg, son souci de défendre l’intégrité du poème dramatique contre le « bric-à-brac » de la décoration vériste réticent vis-à-vis de la mise en scène naissante. A ce jour, une seule thèse (« Esthétique et dramaturgie dans l’œuvre critique de Francisque Sarcey », par Jean Hartweg, sous la direction de Jean-Thomas Nordmann, Université de Picardie, 2008) semble lui avoir été consacrée. L’influence considérable qui a pourtant été la sienne durant plus d’un quart de siècle, l’érudition et le talent dont témoignent ses chroniques joviales et spirituelles, le plaisir que leur lecture hebdomadaire a longtemps procuré à un public fidèle, méritent peut-être que soit réexaminée son immense production critique, dont les huit volumes des Quarante ans de théâtre recueillis par son gendre et successeur, Adolphe Brisson, en 1901-1902, ne constituent jamais qu’une anthologie.
A cet effet, plusieurs axes pourraient être envisagés :
- le « système », théorie et pratique : Sarcey prétend régler ses critiques sur le succès des pièces et définit son activité comme celle d’un « Mouton de Panurge », qui aurait pour tâche d’enregistrer et d’expliquer les réactions du public. Cette conception de la critique n’est-elle pas toutefois contredite par la réalité de ses chroniques où, le constat le cédant au dogme, le propos se fait parfois plus prescriptif que descriptif ?
- la poétique de la chronique : si le genre de la chronique a d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs études (voir, en particulier, les articles d’Olivier Bara et de Romain Piana dans Le Miel et le Fiel, la critique théâtrale en France au XIXe, sous la direction de Mariane Bury et Hélène Laplace-Claverie, PUPS, 2008), l’on pourrait s’interroger, à la suite d’Olivier Bara (voir son article dans La Civilisation du journal, sous la direction de Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Eve Thérenty, Alain Vaillant, Nouveau Monde Editions, 2011, pp. 1197-1200) sur le style propre à Sarcey, sur la manière dont la mise en scène de soi, les dialogues fictifs, les bons mots concourent chez lui à l’établissement d’une proximité entre le critique et le lecteur, au fondement du succès de son feuilleton.
- les rôles du critique : sur quels terrains s’exerce son influence ? Non seulement sur celui de l’écriture dramatique, mais également sur celui du choix des pièces créées, dont il recommande ou non le manuscrit aux directeurs de théâtre, sur celui de la mise en scène, des décors, des costumes (voir en particulier, le feuilleton de l’été 1883 [BNF, RT 12 205]) ou du jeu des acteurs (l’article que Julia Gros de Gasquet a consacré à Sarcey dans le collectif précédemment cité le montrait bien).
- l’approche diachronique : réparties sur plusieurs décennies, les chroniques de Sarcey, envisagées dans leur évolution, font apparaître chez lui un sens de la nuance, une capacité de reformulation voire de retournement de ses jugements pourtant réputés péremptoires et définitifs. On pourrait ainsi s’intéresser aux raisons qui motivent l’infléchissement de ses positions à l’égard de certains auteurs ou de certaines œuvres – qu’il s’en éloigne après les avoir soutenus ou qu’il les réhabilite après les avoir désavoués.
- le personnage littéraire : attaqué, critiqué, moqué, Sarcey donne lui-même lieu à toute une production critique, en devenant chez les écrivains qui lui sont hostiles l’objet de portraits et de parodies, qui vont de la satire sévère (Octave Mirbeau, Gens de théâtre, 1924) à la franche calomnie (Henry Becque, Souvenirs d’un auteur dramatique, 1895).
La publication des actes de cette journée d’études se fera en ligne, après accord du comité scientifique, sur le site « Médias 19 ».
Les propositions sont à renvoyer à mariannebouchardon@yahoo.fr avant le 31 octobre 2013.
A cet effet, plusieurs axes pourraient être envisagés :
- le « système », théorie et pratique : Sarcey prétend régler ses critiques sur le succès des pièces et définit son activité comme celle d’un « Mouton de Panurge », qui aurait pour tâche d’enregistrer et d’expliquer les réactions du public. Cette conception de la critique n’est-elle pas toutefois contredite par la réalité de ses chroniques où, le constat le cédant au dogme, le propos se fait parfois plus prescriptif que descriptif ?
- la poétique de la chronique : si le genre de la chronique a d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs études (voir, en particulier, les articles d’Olivier Bara et de Romain Piana dans Le Miel et le Fiel, la critique théâtrale en France au XIXe, sous la direction de Mariane Bury et Hélène Laplace-Claverie, PUPS, 2008), l’on pourrait s’interroger, à la suite d’Olivier Bara (voir son article dans La Civilisation du journal, sous la direction de Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Eve Thérenty, Alain Vaillant, Nouveau Monde Editions, 2011, pp. 1197-1200) sur le style propre à Sarcey, sur la manière dont la mise en scène de soi, les dialogues fictifs, les bons mots concourent chez lui à l’établissement d’une proximité entre le critique et le lecteur, au fondement du succès de son feuilleton.
- les rôles du critique : sur quels terrains s’exerce son influence ? Non seulement sur celui de l’écriture dramatique, mais également sur celui du choix des pièces créées, dont il recommande ou non le manuscrit aux directeurs de théâtre, sur celui de la mise en scène, des décors, des costumes (voir en particulier, le feuilleton de l’été 1883 [BNF, RT 12 205]) ou du jeu des acteurs (l’article que Julia Gros de Gasquet a consacré à Sarcey dans le collectif précédemment cité le montrait bien).
- l’approche diachronique : réparties sur plusieurs décennies, les chroniques de Sarcey, envisagées dans leur évolution, font apparaître chez lui un sens de la nuance, une capacité de reformulation voire de retournement de ses jugements pourtant réputés péremptoires et définitifs. On pourrait ainsi s’intéresser aux raisons qui motivent l’infléchissement de ses positions à l’égard de certains auteurs ou de certaines œuvres – qu’il s’en éloigne après les avoir soutenus ou qu’il les réhabilite après les avoir désavoués.
- le personnage littéraire : attaqué, critiqué, moqué, Sarcey donne lui-même lieu à toute une production critique, en devenant chez les écrivains qui lui sont hostiles l’objet de portraits et de parodies, qui vont de la satire sévère (Octave Mirbeau, Gens de théâtre, 1924) à la franche calomnie (Henry Becque, Souvenirs d’un auteur dramatique, 1895).
La publication des actes de cette journée d’études se fera en ligne, après accord du comité scientifique, sur le site « Médias 19 ».
Les propositions sont à renvoyer à mariannebouchardon@yahoo.fr avant le 31 octobre 2013.