S’intéresser au théâtre de Balzac, c’est faire valoir un pan de l’oeuvre qui semble irrémédiablement marginal – comme si le théâtre, éternel « parent pauvre », représentait un à-côté un peu honteux, et ne relevait pour le romancier que de la pure spéculation ou d’un caprice saugrenu. Peut‑être l’oeuvre dramatique gagne-t-elle, dès lors, à se voir réinscrite dans l’horizon plus vaste des tentatives dramatiques avortées des grands romanciers du XIXe siècle. Si en effet Balzac a rêvé de théâtre sans jamais devenir pleinement dramaturge, ni aux yeux de ses contemporains ni pour la postérité, son oeuvre théâtrale ne peut pas être comparée à celle de Stendhal, Flaubert ou Zola. D’abord parce que le théâtre de Balzac existe et s’impose comme une oeuvre véritable : sept pièces complètes (Cromwell, L’École des Ménages, Vautrin, Les Ressources de Quinola, Paméla Giraud, Mercadet ou Le Faiseur, La Marâtre), dont cinq furent jouées de son vivant, sans compter une vingtaine de fragments dramatiques – il n’y a là rien ni d’une ébauche, ni d’un ensemble mineur. Ensuite parce que, si hétérogènes et inégales qu’elles puissent paraître, toutes ces pièces sont intéressantes – Le Faiseur, même, se signalant comme un incontestable chef-d’oeuvre. Enfin, parce que jamais le théâtre ne quittera Balzac, bien au contraire : la correspondance le montre, à la fin de sa vie, délaissant le roman pour se consacrer à la scène et nourrissant l’ambition d’une réforme radicale du théâtre. On peut donc s’étonner de constater la persistance des préjugés que René Guise dénonçait déjà en 1969, et le peu d’études critiques que ce pan de l’oeuvre balzacienne suscite. Il s’agira dès lors aussi, pendant cette journée, d’interroger ce statut marginal du théâtre de Balzac, en cherchant à élucider ce qui motive le désintérêt relatif qu’il inspire et, surtout, en se demandant ce que recouvre la résistance manifeste à l’intégrer dans la logique des oeuvres complètes.
Pour mieux comprendre ce théâtre et en réévaluer l’importance, on s’attachera notamment à :
1) réinscrire Balzac dramaturge dans le champ littéraire contemporain
- en s’intéressant au dramaturge comme à l’un des « avatars » (J.-L. Diaz) de l’écrivain : quelles sont les modalités, les implications, les défaillances du scénario auctorial que suscite l’écriture dramatique ?
- en éclaircissant son positionnement : on étudiera dans cette perspective les relations de Balzac avec les acteurs du monde théâtral (dramaturges, critiques, directeurs de théâtre, acteurs…), les pratiques qui sont les siennes (notamment du point de vue financier : négociations de primes record, achats de billets pour contrôler les salles…), les admirations qu’il avoue, les répugnances qu’il professe, mais aussi les directions apparemment divergentes qu’emprunte une oeuvre dont la polygénéricité peut déstabiliser.
- en analysant la réception critique des pièces : Balzac est-il toujours considéré comme un romancier écrivant pour le théâtre, ou accède-t-il au statut de dramaturge ? à quels autres auteurs dramatiques est-il comparé ?
2) étudier les pièces, puisqu’en dépit de leur intérêt maintes fois proclamé, elles n’ont fait l’objet d’aucune étude systématique. On pourra s’intéresser en particulier :
- aux thèmes qui leur sont transversaux : les rapports sociaux, l’argent, la place des femmes, la folie, la justice, la paternité… autant de thèmes récurrents, qui permettent aussi de mesurer ponctuellement l’écart entre traitement théâtral et traitement romanesque.
- à la place et la fonction des références à l’actualité : toutes les pièces de Balzac sont ponctuées d’allusions historiques et politiques – il s’agirait de les élucider, d’en préciser le sens, d’en mesurer l’importance.
- à la théâtralité de ces pièces : comment Balzac conçoit-il le rapport entre le dialogue et la représentation ? Quelle est la fonction de l’omniprésente métaphore théâtrale ?
3) étudier l’histoire de la rédaction et de l’édition des pièces : Balzac commence son oeuvre d’auteur avec la rédaction d’une pièce (Cromwell) ; il la termine, ou presque, avec ses combats pour faire jouer ses pièces. Entre ces deux repères, Balzac écrit régulièrement pour le théâtre, des pièces entières ou des fragments, effort créateur qui apparaît peu à l’ombre des dizaines de récits ou de romans de La Comédie humaine. On peut s’interroger sur les périodes et les dates de rédaction, tout comme il faut faire le point sur la situation des éditions de ces pièces.
4) étudier l’histoire de leurs représentations : refus de la Comédie-Française, succès au théâtre de la Porte Saint-Martin, censures, acteurs, mises en scène…
5) étudier les adaptations de l’oeuvre romanesque : Balzac a régulièrement envisagé d’adapter son oeuvre au théâtre, beaucoup l’ont fait à sa place. Ces adaptations méritent, elles aussi, d’être étudiées plus systématiquement qu’elles ne l’ont été, parce qu’elles dessinent des lignes de partage génériques et permettent de mieux comprendre la spécificité de la théâtralité des romans.
6) définir une conception balzacienne du théâtre. L’étude interne peut permettre de dessiner en creux sinon une théorie, du moins une conception et une pratique du théâtre qui seraient spécifiques à Balzac. On pourra en particulier s’intéresser aux questions suivantes :
- y a-t-il un « langage dramatique » (P. Larthomas) balzacien ?
- quelles fonctions Balzac assigne-t-il à l’écriture théâtrale ? diffèrent-elles, et en quoi, de celles qu’il assigne à l’écriture romanesque ou à sa pratique journalistique ?
- comment définir le « vrai » dont Balzac fait le principe de la réforme qu’il entend mener au théâtre ? Dans quelle mesure les pièces et les fragments qu’il laisse gardent-ils des traces de cette ambition ? Quelle postérité pour ce théâtre ?
Ces axes ne sont pas exclusifs. La journée d’étude aura lieu le 29 juin 2013 à Paris. Toutes les propositions sont à envoyer avant le 15 janvier 2013 à Éric Bordas (eric.bordas@ens-lyon.fr) et à Agathe Novak-Lechevalier (agathelechevalier@hotmail.com).
Bibliographie indicative
Principales éditions du théâtre de Balzac :
Balzac, Théâtre, dans Oeuvres, t. 28-29, édition établie et présentée par Roland Chollet, Paris, Éditions Rencontres, distribué par Le Cercle du Bibliophile, 1962.
Balzac, Théâtre, dans Oeuvres complètes illustrées, t. 21, 22 et 23, édition établie et annotée par René Guise, Paris, Les Bibliophiles de l’Originale, 1969.
Balzac, Essais dramatiques dans Oeuvres diverses, t. I, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex avec la collaboration de Roland Chollet, René Guise et Nicole Mozet, 1990.
Éléments de bibliographie critique :
AMBRIERE Francis, « Balzac, homme de théâtre », Les Annales, n°110, décembre 1959.
ARMSTRONG, Anthony H., « Balzac et Marie Stuart », L’Année balzacienne, n°12, 1991, p. 432-440.
AUTRAND Michel, « Rire et humour dans Le Faiseur », L’Année balzacienne, PUF, 1999, p. 429-438.
BARA Olivier, « Balzac en vaudeville : manipulations et appropriations du roman par la scène parisienne des années 1830 », dans La Scène bâtarde entre Lumières et Romantisme, sous la direction de Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 91-109.
– « Le champ théâtral sous la Restauration : essais dramatiques et stratégies de conquête du jeune Balzac », Balzac avant Balzac, Claire Barel-Moisan et José-Luis Diaz (dir.), Christian Pirot, 2006, p. 123-138.
BARTHES Roland, « Vouloir nous brûle… », Essais critiques, Seuil, 1964 [1957], p. 90-93.
BERTHIER Patrick, « Balzac et Arnal, une citation retrouvée », L’Année balzacienne, 1985, p. 335-338.
– « Adieu au théâtre », L’Année balzacienne, n° 8, 1987, p. 41-57.
– « Le spectateur balzacien », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 279-299.
– « Balzac et le théâtre romantique », L’Année balzacienne, 2001/1, n°2, PUF, p. 7-30.
– « Balzac, de vaudevilles en (mélo)drames », Cahiers du centre de recherches interdisciplinaires sur les textes modernes, n°33, 2005.
BERTHIER Philippe, « La caverne dramatique », dans Le miroir et le chemin: l'univers romanesque de Pierre-Louis Rey, PSN, 2006.
BERTINI Mariolina, « Antony d’Alexandre Dumas dans Le Rendez-vous de Balzac : d’Adèle à Julie », L’Année balzacienne, 1998, p. 157-176.
BISMUT Roger, « Illusions perdues et Ruy Blas ou un aspect insoupçonné des relations entre Balzac et Victor Hugo », Les Lettres romanes [Louvain], 35, 1981, p. 235-245.
BODIN Thierry, « Paul de Molènes, Les Ressources de Quinola », Le Courrier balzacien, n°72, 1998, p. 20-35 [présentation de l’article de Paul de Molènes paru dans La Revue des Deux Mondes en 1842 »].
BOUILLON-MATEOS Christine, « Balzac et Frédérick Lemaître », L’Année balzacienne, 2001/1, n°2, PUF, p. 69-80.
BRUDO Annie, Le Langage en représentation : essai sur le théâtre de Balzac, Fasano, Schena editore, Paris, PUPS, 2004.
– « Les pièces inachevées du Théâtre de Balzac », Lingua, cultura e testo. Miscellanea di studi francesi in onore di Sergio Cigada, Enrica Galeazzi et Giuseppe Bernardelli (dir.), t. I, Milano, Vita e Pensieri, 2003, p. 139-152.
– « Langage et représentation dans Vautrin », L’Année balzacienne, n° 8, PUF, 1987, p. 311-324.
BRUNEL Pierre, « Balzac, de la première d’Hernani à la première de Robert le Diable, L’Année balzacienne, PUF, 1999, p. 189-202.
CASTAGNÈS Gilles, « Entre Musset et Beckett, Le Faiseur de Balzac : l’intertextualité en question », Nottingham French Studies, vol. 49, n°1, 2010.
CLAUDON Francis, « Balzac à l’opéra », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 375‑384.
DECKER Jacques de, « Balzac et le théâtre. Une attraction (presque) fatale », Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. LXXVII, 1999, p. 253-262.
DESCAVES Pierre, Balzac dramatiste, La Table ronde, 1960.
DICKINSON Linzy Erika, Theater in Balzac’s La Comédie humaine, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, « Faux Titre », 2000.
GOLDSMITH Helen H., « Waiting for Godeau », Forum, VIII, 1, Houston, 1972, p. 15-18.
GUISE René, « Un grand homme du roman à la scène ou les illusions reparaissantes de Balzac », étude parue en quatre livraisons pour L’Année balzacienne, 1966, p. 171-216 ; 1967, p. 177-214 ; 1968, p. 337-368 ; 1969, p. 247-280.
HAGGIS Donald R., « Beaumarchais and the early Balzac », Studies in XVIIIe century French literature, Exeter, 1975, p. 87-96.
HOWARTH, William Driver, « Balzac from Vautrin to Mercadet », dans Sublime and Grotesque : a Study of French Romantic Drama », Londres, Harrap, 1975.
HUBAT-BLANC Anne-Marie, « De la commedia au drame en passant par le roman », Le Français aujourd’hui, n° 126, 1999, p. 39-46.
KAMEYA, Noriaki, « Charles Barbara : Le Théâtre d’Orléans. Chronique sur la représentation de La Marâtre », L’Année balzacienne, n° 8, 1987, p. 410-414.
KRAKOVITCH Odile, « “Le plus refusé des auteurs dramatiques” ou les démêlés de Balzac avec la censure », L’Année balzacienne, n°15, PUF, 1994, p. 273-308.
LAFORGUE Pierre, « “Jeter sur la scène un personnage romanesque” : les avatars de Vautrin », La Tentation théâtrale des romanciers, SEDES, « Questions de littérature », 2002, p. 11-24.
– « Théâtre et théâtralité dans Le Faiseur de Balzac », Le Théâtre des romanciers, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 608, Les Belles Lettres, 1996, p. 15-29.
LASCAR, Alex, « Vautrin, du roman au théâtre », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 301-314.
LEFEVRE, Anne-Marie, « Satire sociale et création littéraire chez Balzac et chez Scribe : la mise en scène du personnage du médecin », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 347-374.
LEURIS, Claire, « Vautrin, un Balzac à découvrir », [CR de la mise en scène de Luc Dellisse], Revue générale, Bruxelles, janvier, p. 89-90.
MANSAU Andrée, « La figure de Philippe II vue par Stendhal et Balzac : du théâtre au roman », Une Liberté orageuse : Balzac, Stendhal. Moyen-Âge, Renaissance, Réforme, Eurédit, 2004, p. 389-398.
MICHELOT Isabelle, « Hospitalité jouée et jeux d’hospitalité de la scène à la loge dans le théâtre de Balzac », L’Hospitalité au théâtre, Alain Montandon (éd.), Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2003, p. 223-232.
– « Le rôle et la logique de l’emploi », Balzac et la crise des identités », E. Cullmann, J.-L. Diaz, B. Lyon-Caen (éd.), Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 2005, p. 41-53.
– « De l’essai à l’échec : les errances d’un rêveur de théâtre », Balzac avant Balzac, Claire Barel-Moisan et José-Luis Diaz (dir.), Christian Pirot, 2006, p. 109‑122.
– « Les linéaments d’une esthétique en creux. Balzac et le compte-rendu de théâtre », L’Année balzacienne, 1/2006, n°7, p. 257-273.
– « L’adaptation de Balzac au théâtre : la quadrature du “four” ? », L’Année balzacienne, 2011/1, n°12, PUF, p. 383-399.
MILATCHITCH Douchan V., Le Théâtre de Honoré de Balzac, Hachette, 1930.
OSHITA Yoshie, « Balzac et le théâtre de boulevard : une étude sur Léa ou la soeur du soldat », Bulletin, vol. XII, n°13, Université d’Okinawa, 1985.
– Balzac et le théâtre, thèse soutenue à l’université Paris-XII, déposée à la Maison de Balzac, 1997.
– « L’imaginaire mélodramatique dans l’oeuvre de Balzac », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 315-329.
– « Sur L’École des ménages », Équinoxe, revue internationale d’études françaises, n° 19, Kyoto, Rinsen Book Co., 2000.
– « L’École des ménages de Balzac : du premier scénario aux représentations modernes », Culture and Society, vol. 4, n°1, Okinawa, Okinawa International University, 2000.
– « L’adaptation théâtrale des romans de Balzac », Balzac, loin de nous, près de nous, Société japonaise d’études balzaciennes, Tokyo, Éditions Surugadai-Shuppan, 2001.
– « La Marâtre d’Honoré de Balzac : de la conception de la pièce aux représentations », article paru en quatre livraisons dans Okinawa International University Society of Scientific Research, Okinawa, Okinawa International University, vol. 8, n° 1, December 2004, 1-39 ; ibid., vol. 9, n° 1, December 2005, 1-111 ; ibid., vol. 14, n° 1, December 2010, 1-32.
PRUNER Francis, « Le Père Goriot au Théâtre libre », Revue des sciences humaines, octobre-décembre 1961.
QUENTIN Martine, « Conversation entre onze heures et minuit : mise en scène de Gilbert Tsaï, MC 93, Bobigny », Le Courrier balzacien, n°63, 2e trimestre, 1996, p. 38-39.
RHODES S.A., « From Godeau to Godot », The French Review, 36, n°3, American Association of Teachers of French, p. 260-265. Voir aussi Addendum, French Review, n°4 (février 1963), p. 351 et Note de John Fletcher, French Review, vol. 37, n°1 (octobre 1963), p. 78-80.
ROBARDEY-EPSTEIN Sylviane, « Balzac, Hugo et le théâtre : de Cromwell à Glapieu », Résonances de la recherche. Festskrift till Sigbrit Swahn, Uppsala, Acta Universitatis Uppsaliensis, 1999, p. 355-365.
SAÏDAH Jean-Pierre, « Balzac et le théâtre, un rendez-vous manqué ? », dans Alfred de Vigny, un souffle dramatique, Eidolôn, n°51, Talence, Université de Bordeaux III, 1998, p. 25-38.
SARMENT Jacqueline, Le Spectacle et la fête au temps de Balzac, Maison de Balzac, catalogue d’exposition, 1979.
TABARANT Adolphe, « Adaptation théâtrale de Le Père Goriot », Revue des sciences humaines, octobre-décembre 1961.
VANONCINI André, « Le théâtre de Balzac : triomphe et crise d’une esthétique de l’identification », dans Honoré de Balzac. Oeuvres et critiques, XI, 3, Richard Beilharz (dir.), Paris, J-M. Place, Tübingen, G. Narr Verlag, 1986, p. 297-311.
YON Jean-Claude, « Balzac et Scribe. Scènes de la vie théâtrale », L’Année balzacienne, n° 20, 1999, p. 439-450.
« Balzac et le théâtre », Revue d’Histoire du Théâtre, Publications de la Société d’Histoire du Théâtre, n° 4, 1950, p. 395-423.
Responsable : Eric Bordas, Agathe Novak-Lechevalier
Source: Fabula.org
Pour mieux comprendre ce théâtre et en réévaluer l’importance, on s’attachera notamment à :
1) réinscrire Balzac dramaturge dans le champ littéraire contemporain
- en s’intéressant au dramaturge comme à l’un des « avatars » (J.-L. Diaz) de l’écrivain : quelles sont les modalités, les implications, les défaillances du scénario auctorial que suscite l’écriture dramatique ?
- en éclaircissant son positionnement : on étudiera dans cette perspective les relations de Balzac avec les acteurs du monde théâtral (dramaturges, critiques, directeurs de théâtre, acteurs…), les pratiques qui sont les siennes (notamment du point de vue financier : négociations de primes record, achats de billets pour contrôler les salles…), les admirations qu’il avoue, les répugnances qu’il professe, mais aussi les directions apparemment divergentes qu’emprunte une oeuvre dont la polygénéricité peut déstabiliser.
- en analysant la réception critique des pièces : Balzac est-il toujours considéré comme un romancier écrivant pour le théâtre, ou accède-t-il au statut de dramaturge ? à quels autres auteurs dramatiques est-il comparé ?
2) étudier les pièces, puisqu’en dépit de leur intérêt maintes fois proclamé, elles n’ont fait l’objet d’aucune étude systématique. On pourra s’intéresser en particulier :
- aux thèmes qui leur sont transversaux : les rapports sociaux, l’argent, la place des femmes, la folie, la justice, la paternité… autant de thèmes récurrents, qui permettent aussi de mesurer ponctuellement l’écart entre traitement théâtral et traitement romanesque.
- à la place et la fonction des références à l’actualité : toutes les pièces de Balzac sont ponctuées d’allusions historiques et politiques – il s’agirait de les élucider, d’en préciser le sens, d’en mesurer l’importance.
- à la théâtralité de ces pièces : comment Balzac conçoit-il le rapport entre le dialogue et la représentation ? Quelle est la fonction de l’omniprésente métaphore théâtrale ?
3) étudier l’histoire de la rédaction et de l’édition des pièces : Balzac commence son oeuvre d’auteur avec la rédaction d’une pièce (Cromwell) ; il la termine, ou presque, avec ses combats pour faire jouer ses pièces. Entre ces deux repères, Balzac écrit régulièrement pour le théâtre, des pièces entières ou des fragments, effort créateur qui apparaît peu à l’ombre des dizaines de récits ou de romans de La Comédie humaine. On peut s’interroger sur les périodes et les dates de rédaction, tout comme il faut faire le point sur la situation des éditions de ces pièces.
4) étudier l’histoire de leurs représentations : refus de la Comédie-Française, succès au théâtre de la Porte Saint-Martin, censures, acteurs, mises en scène…
5) étudier les adaptations de l’oeuvre romanesque : Balzac a régulièrement envisagé d’adapter son oeuvre au théâtre, beaucoup l’ont fait à sa place. Ces adaptations méritent, elles aussi, d’être étudiées plus systématiquement qu’elles ne l’ont été, parce qu’elles dessinent des lignes de partage génériques et permettent de mieux comprendre la spécificité de la théâtralité des romans.
6) définir une conception balzacienne du théâtre. L’étude interne peut permettre de dessiner en creux sinon une théorie, du moins une conception et une pratique du théâtre qui seraient spécifiques à Balzac. On pourra en particulier s’intéresser aux questions suivantes :
- y a-t-il un « langage dramatique » (P. Larthomas) balzacien ?
- quelles fonctions Balzac assigne-t-il à l’écriture théâtrale ? diffèrent-elles, et en quoi, de celles qu’il assigne à l’écriture romanesque ou à sa pratique journalistique ?
- comment définir le « vrai » dont Balzac fait le principe de la réforme qu’il entend mener au théâtre ? Dans quelle mesure les pièces et les fragments qu’il laisse gardent-ils des traces de cette ambition ? Quelle postérité pour ce théâtre ?
Ces axes ne sont pas exclusifs. La journée d’étude aura lieu le 29 juin 2013 à Paris. Toutes les propositions sont à envoyer avant le 15 janvier 2013 à Éric Bordas (eric.bordas@ens-lyon.fr) et à Agathe Novak-Lechevalier (agathelechevalier@hotmail.com).
Bibliographie indicative
Principales éditions du théâtre de Balzac :
Balzac, Théâtre, dans Oeuvres, t. 28-29, édition établie et présentée par Roland Chollet, Paris, Éditions Rencontres, distribué par Le Cercle du Bibliophile, 1962.
Balzac, Théâtre, dans Oeuvres complètes illustrées, t. 21, 22 et 23, édition établie et annotée par René Guise, Paris, Les Bibliophiles de l’Originale, 1969.
Balzac, Essais dramatiques dans Oeuvres diverses, t. I, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex avec la collaboration de Roland Chollet, René Guise et Nicole Mozet, 1990.
Éléments de bibliographie critique :
AMBRIERE Francis, « Balzac, homme de théâtre », Les Annales, n°110, décembre 1959.
ARMSTRONG, Anthony H., « Balzac et Marie Stuart », L’Année balzacienne, n°12, 1991, p. 432-440.
AUTRAND Michel, « Rire et humour dans Le Faiseur », L’Année balzacienne, PUF, 1999, p. 429-438.
BARA Olivier, « Balzac en vaudeville : manipulations et appropriations du roman par la scène parisienne des années 1830 », dans La Scène bâtarde entre Lumières et Romantisme, sous la direction de Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 91-109.
– « Le champ théâtral sous la Restauration : essais dramatiques et stratégies de conquête du jeune Balzac », Balzac avant Balzac, Claire Barel-Moisan et José-Luis Diaz (dir.), Christian Pirot, 2006, p. 123-138.
BARTHES Roland, « Vouloir nous brûle… », Essais critiques, Seuil, 1964 [1957], p. 90-93.
BERTHIER Patrick, « Balzac et Arnal, une citation retrouvée », L’Année balzacienne, 1985, p. 335-338.
– « Adieu au théâtre », L’Année balzacienne, n° 8, 1987, p. 41-57.
– « Le spectateur balzacien », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 279-299.
– « Balzac et le théâtre romantique », L’Année balzacienne, 2001/1, n°2, PUF, p. 7-30.
– « Balzac, de vaudevilles en (mélo)drames », Cahiers du centre de recherches interdisciplinaires sur les textes modernes, n°33, 2005.
BERTHIER Philippe, « La caverne dramatique », dans Le miroir et le chemin: l'univers romanesque de Pierre-Louis Rey, PSN, 2006.
BERTINI Mariolina, « Antony d’Alexandre Dumas dans Le Rendez-vous de Balzac : d’Adèle à Julie », L’Année balzacienne, 1998, p. 157-176.
BISMUT Roger, « Illusions perdues et Ruy Blas ou un aspect insoupçonné des relations entre Balzac et Victor Hugo », Les Lettres romanes [Louvain], 35, 1981, p. 235-245.
BODIN Thierry, « Paul de Molènes, Les Ressources de Quinola », Le Courrier balzacien, n°72, 1998, p. 20-35 [présentation de l’article de Paul de Molènes paru dans La Revue des Deux Mondes en 1842 »].
BOUILLON-MATEOS Christine, « Balzac et Frédérick Lemaître », L’Année balzacienne, 2001/1, n°2, PUF, p. 69-80.
BRUDO Annie, Le Langage en représentation : essai sur le théâtre de Balzac, Fasano, Schena editore, Paris, PUPS, 2004.
– « Les pièces inachevées du Théâtre de Balzac », Lingua, cultura e testo. Miscellanea di studi francesi in onore di Sergio Cigada, Enrica Galeazzi et Giuseppe Bernardelli (dir.), t. I, Milano, Vita e Pensieri, 2003, p. 139-152.
– « Langage et représentation dans Vautrin », L’Année balzacienne, n° 8, PUF, 1987, p. 311-324.
BRUNEL Pierre, « Balzac, de la première d’Hernani à la première de Robert le Diable, L’Année balzacienne, PUF, 1999, p. 189-202.
CASTAGNÈS Gilles, « Entre Musset et Beckett, Le Faiseur de Balzac : l’intertextualité en question », Nottingham French Studies, vol. 49, n°1, 2010.
CLAUDON Francis, « Balzac à l’opéra », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 375‑384.
DECKER Jacques de, « Balzac et le théâtre. Une attraction (presque) fatale », Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. LXXVII, 1999, p. 253-262.
DESCAVES Pierre, Balzac dramatiste, La Table ronde, 1960.
DICKINSON Linzy Erika, Theater in Balzac’s La Comédie humaine, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, « Faux Titre », 2000.
GOLDSMITH Helen H., « Waiting for Godeau », Forum, VIII, 1, Houston, 1972, p. 15-18.
GUISE René, « Un grand homme du roman à la scène ou les illusions reparaissantes de Balzac », étude parue en quatre livraisons pour L’Année balzacienne, 1966, p. 171-216 ; 1967, p. 177-214 ; 1968, p. 337-368 ; 1969, p. 247-280.
HAGGIS Donald R., « Beaumarchais and the early Balzac », Studies in XVIIIe century French literature, Exeter, 1975, p. 87-96.
HOWARTH, William Driver, « Balzac from Vautrin to Mercadet », dans Sublime and Grotesque : a Study of French Romantic Drama », Londres, Harrap, 1975.
HUBAT-BLANC Anne-Marie, « De la commedia au drame en passant par le roman », Le Français aujourd’hui, n° 126, 1999, p. 39-46.
KAMEYA, Noriaki, « Charles Barbara : Le Théâtre d’Orléans. Chronique sur la représentation de La Marâtre », L’Année balzacienne, n° 8, 1987, p. 410-414.
KRAKOVITCH Odile, « “Le plus refusé des auteurs dramatiques” ou les démêlés de Balzac avec la censure », L’Année balzacienne, n°15, PUF, 1994, p. 273-308.
LAFORGUE Pierre, « “Jeter sur la scène un personnage romanesque” : les avatars de Vautrin », La Tentation théâtrale des romanciers, SEDES, « Questions de littérature », 2002, p. 11-24.
– « Théâtre et théâtralité dans Le Faiseur de Balzac », Le Théâtre des romanciers, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 608, Les Belles Lettres, 1996, p. 15-29.
LASCAR, Alex, « Vautrin, du roman au théâtre », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 301-314.
LEFEVRE, Anne-Marie, « Satire sociale et création littéraire chez Balzac et chez Scribe : la mise en scène du personnage du médecin », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 347-374.
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Responsable : Eric Bordas, Agathe Novak-Lechevalier
Source: Fabula.org