On s’est posés.
À l’écart. Dehors. Sur un muret.
Tout calmes. Anesthésiés par le silence. Il a allumé une clope et remis le briquet dans sa poche. ―
Ça faisait étrange d’être côte à côte sans déblatérer des morsures, l’ultra-violence comme un besoin impérieux, s’ignorant, sans avoir envie de se séparer tout à fait. Il regardait sur le côté comme indifférent, et moi je fixais le mur d’en face attendant que mes idées reprennent leur place dans le puzzle des émotions traversées.
Black out sur Matt éloigné fugitivement. ―
Soudain il s’est tourné penché. Près de mon oreille,
– T’en a pas marre de toute cette musique ? C’est de la daube.
Je n’avais plus trop la pêche, alors j’ai acquiescé et pour une fois j’ai eu envie de lui sourire.
– Je connais un endroit sympa... si ça te branche.
– Tu vois je préfèrerais aller pioncer…
– Nan… sérieux ?
– Ouais…
– T’es grave toi comme meuf, suffit que je te propose un truc sympa pour que tu te débines.
– Je me débine pas, je suis crevée, okay ? J’ai rien contre toi, à vrai dire tu m’indiffères, tu captes ?
– Okay. Pas de problème. Rassure-toi moi c’est pareil, je te supporte, sans plus, c’est réciproque la manière dont on peut à peine se blairer a-t-il lâché un brin ironique, comme se parlant à lui-même, observant précautionneusement ses mains pleines de grosses bagues bien hard.
– De toute façon j’ai bien vu que tu cherches qu’à brancher.
– Ah bon, parce que tu m’espionnais alors ? Je croyais que je t’intéressais pas…
D’un coup il a paru se décontracter, je sentais que ça le démangeait à l’intérieur de se foutre encore un peu de moi, alors j’ai pris les devants.
– Seulement de loin tu vois. Ce n’est pas de ma faute si t’arrêtes pas de t’infiltrer dans mon champ de vision. Faut croire que c’est la destinée ou je ne sais pas quoi dans le genre…
Il a esquissé un sourire en coin, se marrant tout seul, secouant la tête.
– Conneries tout ça. La « destinée », et voilà tout de suite les grands mots. Tu racontes vraiment n’importe quoi… J’y crois pas au hasard, à tous ces trucs-là, je crois en rien, même pas en Dieu. S’il existait ça se saurait… Allez viens on se casse je te ramène chez toi. J’en ai marre d’être là.
Il s’est levé. On a récupéré nos affaires et on s’est tirés. ―
La fraîcheur, comme un coup de fouet en plein visage, ça m’a un peu extirpé du semi-coma dans lequel je baignais depuis le début de la soirée, j’étais limite grelottante. Sa main toute chaude serrait la mienne, la brûlait. Il m’a conduite jusqu’à un scooter à moitié déglingué.
Il a dû le sentir que je ne flashais pas sur la bécane.
– D’accord c’est qu’un scoot’, mais c’est pratique pour se déplacer. Et puis en cas de lézard ça permet de pas se faire repérer.
– Je t’ai rien dit, pas la peine d’être agressif.
– Ouais mais je te vois arriver avec tes vannes. Je commence à te connaître. Dès que tu peux en placer une tu te gênes pas.
À mon tour de me marrer. Il a repris
– Bon alors, où est-ce que tu crèches ?
– Vers République, boulevard Richard Lenoir, tu connais ?
– Évidemment que je connais. Je suis né ici, j’ai grandi ici, j’habite ici, alors la capitale, ça va, je connais comme ma poche. Allez grimpe. Je te fais vraiment une fleur parce que ça m’est jamais arrivé de raccompagner une nana chez elle. C’est pas dans mes principes.
– Ah ouais ? D’où tu sors, de la famille Pierrafeu ?
– Bon t’arrête tout de suite où je te laisse là et tu te démerdes !
– Ça va, j’ai rien dit. Vraiment hyper susceptible comme mec. Bon, on va pas encore se prendre la tête.
– Alors mets-la en veilleuse le temps que je te reconduise.
Je me suis tue, soupirant j’ai pris place, bien accrochée à lui, j’aurais voulu lui dire qu’il n’était en définitive pas si chiant qu’il en avait l’air, awkward mais pas un mauvais fond, et ça finissait par me plaire assez d’être avec lui. /
Il a roulé comme un malade. Speedant, faisant l’idiot, zigzagant, grillant tous les feux.
Pourtant j’étais bien, le vent s’engouffrant dans mes cheveux, je me laissais porter par la nuit et les relents de vodka et de bière. /
À l’écart. Dehors. Sur un muret.
Tout calmes. Anesthésiés par le silence. Il a allumé une clope et remis le briquet dans sa poche. ―
Ça faisait étrange d’être côte à côte sans déblatérer des morsures, l’ultra-violence comme un besoin impérieux, s’ignorant, sans avoir envie de se séparer tout à fait. Il regardait sur le côté comme indifférent, et moi je fixais le mur d’en face attendant que mes idées reprennent leur place dans le puzzle des émotions traversées.
Black out sur Matt éloigné fugitivement. ―
Soudain il s’est tourné penché. Près de mon oreille,
– T’en a pas marre de toute cette musique ? C’est de la daube.
Je n’avais plus trop la pêche, alors j’ai acquiescé et pour une fois j’ai eu envie de lui sourire.
– Je connais un endroit sympa... si ça te branche.
– Tu vois je préfèrerais aller pioncer…
– Nan… sérieux ?
– Ouais…
– T’es grave toi comme meuf, suffit que je te propose un truc sympa pour que tu te débines.
– Je me débine pas, je suis crevée, okay ? J’ai rien contre toi, à vrai dire tu m’indiffères, tu captes ?
– Okay. Pas de problème. Rassure-toi moi c’est pareil, je te supporte, sans plus, c’est réciproque la manière dont on peut à peine se blairer a-t-il lâché un brin ironique, comme se parlant à lui-même, observant précautionneusement ses mains pleines de grosses bagues bien hard.
– De toute façon j’ai bien vu que tu cherches qu’à brancher.
– Ah bon, parce que tu m’espionnais alors ? Je croyais que je t’intéressais pas…
D’un coup il a paru se décontracter, je sentais que ça le démangeait à l’intérieur de se foutre encore un peu de moi, alors j’ai pris les devants.
– Seulement de loin tu vois. Ce n’est pas de ma faute si t’arrêtes pas de t’infiltrer dans mon champ de vision. Faut croire que c’est la destinée ou je ne sais pas quoi dans le genre…
Il a esquissé un sourire en coin, se marrant tout seul, secouant la tête.
– Conneries tout ça. La « destinée », et voilà tout de suite les grands mots. Tu racontes vraiment n’importe quoi… J’y crois pas au hasard, à tous ces trucs-là, je crois en rien, même pas en Dieu. S’il existait ça se saurait… Allez viens on se casse je te ramène chez toi. J’en ai marre d’être là.
Il s’est levé. On a récupéré nos affaires et on s’est tirés. ―
La fraîcheur, comme un coup de fouet en plein visage, ça m’a un peu extirpé du semi-coma dans lequel je baignais depuis le début de la soirée, j’étais limite grelottante. Sa main toute chaude serrait la mienne, la brûlait. Il m’a conduite jusqu’à un scooter à moitié déglingué.
Il a dû le sentir que je ne flashais pas sur la bécane.
– D’accord c’est qu’un scoot’, mais c’est pratique pour se déplacer. Et puis en cas de lézard ça permet de pas se faire repérer.
– Je t’ai rien dit, pas la peine d’être agressif.
– Ouais mais je te vois arriver avec tes vannes. Je commence à te connaître. Dès que tu peux en placer une tu te gênes pas.
À mon tour de me marrer. Il a repris
– Bon alors, où est-ce que tu crèches ?
– Vers République, boulevard Richard Lenoir, tu connais ?
– Évidemment que je connais. Je suis né ici, j’ai grandi ici, j’habite ici, alors la capitale, ça va, je connais comme ma poche. Allez grimpe. Je te fais vraiment une fleur parce que ça m’est jamais arrivé de raccompagner une nana chez elle. C’est pas dans mes principes.
– Ah ouais ? D’où tu sors, de la famille Pierrafeu ?
– Bon t’arrête tout de suite où je te laisse là et tu te démerdes !
– Ça va, j’ai rien dit. Vraiment hyper susceptible comme mec. Bon, on va pas encore se prendre la tête.
– Alors mets-la en veilleuse le temps que je te reconduise.
Je me suis tue, soupirant j’ai pris place, bien accrochée à lui, j’aurais voulu lui dire qu’il n’était en définitive pas si chiant qu’il en avait l’air, awkward mais pas un mauvais fond, et ça finissait par me plaire assez d’être avec lui. /
Il a roulé comme un malade. Speedant, faisant l’idiot, zigzagant, grillant tous les feux.
Pourtant j’étais bien, le vent s’engouffrant dans mes cheveux, je me laissais porter par la nuit et les relents de vodka et de bière. /
Un quart d’heure plus tard, terminée toute haine, on enterrait la hache de guerre tout défoncés à la coke. Première fois que j’en prenais et c’est peut-être pour cela que tout se passait à merveille.
Pressés, excités laissant échapper quelques éclats de rire, il avait suffi que l’on soit seuls tous les deux pour se décrisper et se révéler l’un à l’autre. Mes jambes mollissaient. Le matelas se dérobait, je m’enfonçais dans les ressorts. Ondulant en ma propre chair j’expérimentais le plaisir de me sentir vibrante.
Atmosphère mouvante.
Saccades.
Par vague.
Comme ces manèges qui transbahutent de leur force centrifuge, qui tirent en tous sens, plus de points d’appui, juste des secousses, les murs partaient en vrille, équilibre torpillé avec cette sensation de spirale ininterrompue, comme une entrée dans un espace virtuel à la matérialité liquide et glissante.
Bringuebalée.
Avec de brusques accélérations et décélérations.
Total désordre de la perception, mais je n’y pouvais rien, mon cerveau s’éparpillant en petits morceaux… Fermer les yeux ? Propulsée de plus belle, chahutée dans des rapides, je lâchais prise, sentiment de puissance décuplée. Fearless.
J’ai quitté l’obscurité sous mes paupières infinie.
Au dehors, son torse, ses épaules se fragmentaient tout tournoyants. Un miroir dansant. Disséminé, multiple, tout kaléidoscopique, psychédéliques ses boucles glissaient se déformaient pour aussitôt tourbillonner…
Éparpillement mêlé à une aspiration violente vers le sol.
Le décor vacillant, partait sur le côté…, cavalcade infernale, insensiblement il m’emportait. ―
– Mais qu’est-ce que…
– T’inquiète…
J’ai cherché à m’appuyer contre le rebord du lit. Rencontrant le vide, je me suis accrochée à lui. Il faut croire qu’il avait l’habitude de planer parce qu’il avait encore assez de force pour rester lucide, maintenant m’attirant contre lui, contre moi se pressant déjà nu.
Poussée en arrière.
J’avais envie de rire tout à coup.
Désinhibée.
Chienne perverse.
A.
...........d.r.
I. E. n.
Résistance.
Bubble-gum de corps.
Je m’esquivais, balle de ping-pong rebondissant sur tous les angles d’une table molle, mon feu cérébral dégoulinait par flaques brûlantes, et les émotions, surf silencieux le long de ma chair, se déversaient en une semi conscience teintée de pourpre, tandis que le désir me transissait, brut.
J’essayais de maintenir son corps contre moi. J’ai agrippé ses cheveux, les enroulant autour de mes doigts, emmêlée dans mon propre espace, dérivant sur une mer aux vagues soyeuses.
– Mais pourquoi…
– Vas-tu te laisser…
– Comment ça se fait que…
– Boucle-là.
Je me suis sentie retournée, renversée sur le côté, je partais dans tous les sens, les habits arrachés, tirés, une poupée de chiffons qu’on malmenait.
– Qu’est-ce que tu fous bordel, arrête de me tirer les cheveux !
Je me suis remise à rire, d’un rire saugrenu, argentin avec de petits gloussements de satisfaction.
Et puis ce baiser sauvage.
Lèvres suaves tout au long de mon désir.
De mon cou.
Et puis un frisson.
Le frisson le long de l’épine dorsale.
Il s’est mis à faire des sortes de cercles.
Concentré.
Pas un mot.
Alors j’ai senti que ça partait.
Qu’il m’emmenait.
(c) S. Chaouche/TFM 2017
Pressés, excités laissant échapper quelques éclats de rire, il avait suffi que l’on soit seuls tous les deux pour se décrisper et se révéler l’un à l’autre. Mes jambes mollissaient. Le matelas se dérobait, je m’enfonçais dans les ressorts. Ondulant en ma propre chair j’expérimentais le plaisir de me sentir vibrante.
Atmosphère mouvante.
Saccades.
Par vague.
Comme ces manèges qui transbahutent de leur force centrifuge, qui tirent en tous sens, plus de points d’appui, juste des secousses, les murs partaient en vrille, équilibre torpillé avec cette sensation de spirale ininterrompue, comme une entrée dans un espace virtuel à la matérialité liquide et glissante.
Bringuebalée.
Avec de brusques accélérations et décélérations.
Total désordre de la perception, mais je n’y pouvais rien, mon cerveau s’éparpillant en petits morceaux… Fermer les yeux ? Propulsée de plus belle, chahutée dans des rapides, je lâchais prise, sentiment de puissance décuplée. Fearless.
J’ai quitté l’obscurité sous mes paupières infinie.
Au dehors, son torse, ses épaules se fragmentaient tout tournoyants. Un miroir dansant. Disséminé, multiple, tout kaléidoscopique, psychédéliques ses boucles glissaient se déformaient pour aussitôt tourbillonner…
Éparpillement mêlé à une aspiration violente vers le sol.
Le décor vacillant, partait sur le côté…, cavalcade infernale, insensiblement il m’emportait. ―
– Mais qu’est-ce que…
– T’inquiète…
J’ai cherché à m’appuyer contre le rebord du lit. Rencontrant le vide, je me suis accrochée à lui. Il faut croire qu’il avait l’habitude de planer parce qu’il avait encore assez de force pour rester lucide, maintenant m’attirant contre lui, contre moi se pressant déjà nu.
Poussée en arrière.
J’avais envie de rire tout à coup.
Désinhibée.
Chienne perverse.
A.
...........d.r.
I. E. n.
Résistance.
Bubble-gum de corps.
Je m’esquivais, balle de ping-pong rebondissant sur tous les angles d’une table molle, mon feu cérébral dégoulinait par flaques brûlantes, et les émotions, surf silencieux le long de ma chair, se déversaient en une semi conscience teintée de pourpre, tandis que le désir me transissait, brut.
J’essayais de maintenir son corps contre moi. J’ai agrippé ses cheveux, les enroulant autour de mes doigts, emmêlée dans mon propre espace, dérivant sur une mer aux vagues soyeuses.
– Mais pourquoi…
– Vas-tu te laisser…
– Comment ça se fait que…
– Boucle-là.
Je me suis sentie retournée, renversée sur le côté, je partais dans tous les sens, les habits arrachés, tirés, une poupée de chiffons qu’on malmenait.
– Qu’est-ce que tu fous bordel, arrête de me tirer les cheveux !
Je me suis remise à rire, d’un rire saugrenu, argentin avec de petits gloussements de satisfaction.
Et puis ce baiser sauvage.
Lèvres suaves tout au long de mon désir.
De mon cou.
Et puis un frisson.
Le frisson le long de l’épine dorsale.
Il s’est mis à faire des sortes de cercles.
Concentré.
Pas un mot.
Alors j’ai senti que ça partait.
Qu’il m’emmenait.
(c) S. Chaouche/TFM 2017