Giovanna Baccelli by Thomas Gainsborough, exhibited 1782 © Tate, London 2011
Ava Gardner disait qu’une « actrice ne s’appartient plus. Elle appartient à tous ceux qui la contemplent ». Raison de plus lorsque l’on a fait la gloire du théâtre des XVIIe et XVIIIe siècles et que le portrait a seul survécu à la personne. « Monstresses » sacrées, déesses mutines, séduisantes garçonnes ou grandes prêtresses du tragique…Gill Perry et Lucy Peltz nous font découvrir l’univers du théâtral britannique, à travers la portraiture de la féminité, de la popularité, de la séduction - voire de l’équivocité lorsqu’un homme vient se glisser subrepticement sous les traits d’une dame à fort embonpoint (portrait de Henri Angelo en Mrs Cole…). Travestis et travesties se croisent donc, jouent au chat et à la souris, certaines pièces étant basées, tout comme dans le premier XVIIe siècle français, sur les déguisements et sur l’ambiguïté des genres. Ainsi la gravure de Miss Brazen just Breecht s’affublant d’une culotte cramoisie, de même que le portrait de Mrs Jordan en jeune officier dans le rôle d’Hippolyta témoignent de la métamorphose de la femme en éphèbe mais aussi du plaisir à brouiller les genres théâtraux et les codes picturaux. Les peintres ne manquèrent pas en effet de privilégier et même d’accentuer le caractère féminin de l'actrice, tantôt présentée comme une égérie à la pose hiératique, tantôt comme une enchanteresse sensuelle mi-femelle mi-sirène ou comme une catin raffinée et sophistiquée.
Elizabeth Inchbald Attributed to John Hoppner, 1789-95 Private Collection
Cinq salles ont été aménagées. La première est dévolue aux actrices du XVIIe siècle et en particulier à l’érotique, pour ne pas dire sulfureuse, Nell Gwynn qui débuta à Covent Garden en 1664, âgée seulement de quatorze ans et qui devint plus tard la maîtresse de Charles II. Nonchalamment assise, la poitrine offerte au regard du spectateur, l’actrice peinte par Simon Verelst souligne le lien entre théâtre et libertinage, fréquemment dénoncé à l’époque mais aussi l’irréductible charme de la reine de théâtre. Ici l’impudicité et l’intimité de l’actrice sont bien entendu délibérément mises en scène et a fortiori, théâtralisées. L’art du portrait se voulait une forme de publicité exacerbant la renommée (qu’elle soit positive ou négative), la peinture se déclinant très souvent en gravures, diffusées et vendues aux amateurs de théâtre et aux adorateurs de la belle demoiselle.
On ne saura probablement jamais si les peintres se faisaient ou non les chantres de la philosophie du portrait « aux défauts atténués », embellissant leurs modèles et transcendant leur talent d’un coup de pinceau. Il n’en reste pas moins que les portraits de Mme Robinson dans Perdita par John Hoppner (1782), de Mrs Prue dans Love for love par Sir Joshua Reynolds (1771), celui d'Elizabeth Inchbald attribué à John Hoppner (1789-95) ou celui, tardif de Sarah Siddons par Sir Thomas Lawrence (1804) sont de toute beauté.
Quel était le vrai visage de l’actrice, de cette figure recouverte parfois d’une épaisse couche de blanc et rehaussée de rouge garance comme le suggère le portrait de Giovanna Baccelli par Thomas Gainsborough (1782) dont les joues sont presque couleur framboise ? Le portrait mythique de Sarah Siddons en muse tragique, par Sir Joshua Reynolds (1784), dont la taille démesurée impressionnera le spectateur, révèle de manière particulièrement claire l’utilisation du maquillage : la carnation naturelle des bras, tranche avec la pâleur excessive du visage et du cou. La coloration sombre des paupières, les cernes gris marron sous les yeux, témoignent de l’utilisation de fards et de poudres, et visent à donner à l’auguste déesse un aspect mélancolique et morne. On peut ainsi imaginer la manière dont l’actrice pouvait se fabriquer un « masque », se "faire un visage" pour la scène. On notera, en outre, la légère touche de rouge sur la lèvre inférieure.
On ne saura probablement jamais si les peintres se faisaient ou non les chantres de la philosophie du portrait « aux défauts atténués », embellissant leurs modèles et transcendant leur talent d’un coup de pinceau. Il n’en reste pas moins que les portraits de Mme Robinson dans Perdita par John Hoppner (1782), de Mrs Prue dans Love for love par Sir Joshua Reynolds (1771), celui d'Elizabeth Inchbald attribué à John Hoppner (1789-95) ou celui, tardif de Sarah Siddons par Sir Thomas Lawrence (1804) sont de toute beauté.
Quel était le vrai visage de l’actrice, de cette figure recouverte parfois d’une épaisse couche de blanc et rehaussée de rouge garance comme le suggère le portrait de Giovanna Baccelli par Thomas Gainsborough (1782) dont les joues sont presque couleur framboise ? Le portrait mythique de Sarah Siddons en muse tragique, par Sir Joshua Reynolds (1784), dont la taille démesurée impressionnera le spectateur, révèle de manière particulièrement claire l’utilisation du maquillage : la carnation naturelle des bras, tranche avec la pâleur excessive du visage et du cou. La coloration sombre des paupières, les cernes gris marron sous les yeux, témoignent de l’utilisation de fards et de poudres, et visent à donner à l’auguste déesse un aspect mélancolique et morne. On peut ainsi imaginer la manière dont l’actrice pouvait se fabriquer un « masque », se "faire un visage" pour la scène. On notera, en outre, la légère touche de rouge sur la lèvre inférieure.
Sarah Siddons as the Tragic Muse Studio of Sir Joshua Reynolds, 1784 ©Cobbe Collection, Hatchlands Park
D’une manière générale l’exposition apporte bien plus qu’un regard éclairé sur les célébrités du temps. La mode et la somptuosité des costumes, le décor, certains aspects commerciaux de l’entreprise théâtrale sont mis en valeur (William Smith as Hamlet and Elizabeth Hopkins as Gertrude dans Hamlet, par James Roberts, 1777-8, Frances Abington, Thomas King, John Palmer et William Smith dans The School for Scandal par James Roberts, 1777). La gravure de William Hogarth intitulée Strolling Actresses dressing in a Barn (1738) fourmille de détails : accessoires (sceptres, couronnes), éléments scénographiques (rouleau pour faire des vagues, char tiré par un dragon ailé qui rappelle d’ailleurs la mise en scène de Médée), mais aussi certaines pratiques cruelles du temps (chat à qui l’on coupe la queue pour recueillir du sang qui sera utilisé pour le spectacle tragique).
On ne peut donc que louer Gill Perry et Lucy Peltz d'avoir su faire revivre ces actrices d’exception à travers cette série de portraits et d'avoir permis au spectateur de saisir une part de la vie de celles-ci. L'exposition est magnifique.
Compte rendu par Sabine Chaouche.
L’exposition consacrée aux premières actrices anglaises se tient actuellement à la National Portrait Gallery à Londres jusqu’au 8 janvier prochain.
Tickets: £11.
Tarif réduit: £10 / £9
http://www.thefrenchmag.com/Exhibition-THE-FIRST-ACTRESSES-NELL-GWYN-TO-SARAH-SIDDONS-National-Portrait-Gallery-London_a355.html
Acknowledgements: many thanks to Neil Evans from the National Portrait Gallery who kindly provided the images and press kit.
On ne peut donc que louer Gill Perry et Lucy Peltz d'avoir su faire revivre ces actrices d’exception à travers cette série de portraits et d'avoir permis au spectateur de saisir une part de la vie de celles-ci. L'exposition est magnifique.
Compte rendu par Sabine Chaouche.
L’exposition consacrée aux premières actrices anglaises se tient actuellement à la National Portrait Gallery à Londres jusqu’au 8 janvier prochain.
Tickets: £11.
Tarif réduit: £10 / £9
http://www.thefrenchmag.com/Exhibition-THE-FIRST-ACTRESSES-NELL-GWYN-TO-SARAH-SIDDONS-National-Portrait-Gallery-London_a355.html
Acknowledgements: many thanks to Neil Evans from the National Portrait Gallery who kindly provided the images and press kit.