Sceau des notaires du Chatelet (c) Archives Nationales
A l’occasion des 80 ans de l’inauguration du « Minutier central » (l’organe de collecte obligatoire des registres notariaux en France), et alors que se poursuit la grogne contre le projet d’une Maison de l’Histoire de France qui rognerait l’espace dévolu à ce même minutier, les Archives nationales inaugurent une exposition sur « Cinq siècles d’archives notariales à Paris ».
A partir de documents exceptionnels (dont le,registre d’un « notarius » gênois de 1154, le plus ancien au monde, prêté par les archives gênoises), mais aussi tableaux, caricatures, costumes (dont celui du notaire de « Doit-on le dire ? » de Labiche, prêté par la Comédie-française et confronté à un extrait vidéo de la même pièce), gravures (où l’on apprend que l’infâme notaire des Mystères de Paris s’appelle Ferrand) et objets divers, l’exposition retrace l’histoire d’une profession de plus en plus reconnue en France depuis le XIIIe siècle et de tout temps moquée à la scène. Elle présente également toute la palette des actes officiels enregistrés (au sens propre) qui tissent la vie des particuliers, de leur naissance à leur inventaire après décès (voire à leur exécution, lorsque le notaire se sert des marges comme d’un journal), en passant par leur contrat de mariage (sont exposés celui de Molière et celui de Racine) : la dernière partie de l’exposition est un abécédaire de ces actes où l’on peut voir la signature de Balzac et de Hugo, mais aussi un contrat passé entre Donneau de Visé et Thomas Corneille à propos du Mercure ou encore le compte de tutelle de Baudelaire etc.
Alors que les documents présentés pourraient être profondément ennuyeux dans leur sécheresse juridique (et dans leur jargon), les commissaires ont réussi la gageure de rendre leur lecture étonnante voire amusante ; en tout cas intéressante. L’histoire s’y lit en effet comme dans un roman, que ce soit l’invention du 1er janvier en 1565 ou l’officialisation du français comme langue nationale grâce à l’obligation faite par François Ier de rédiger les actes notariés dans cette langue pour plus de clarté à partir de 1539 et l’édit de Villers-Cotterêts.
Le pari de proposer un aperçu de l’office des notaires d’hier et d’aujourd’hui (jusqu’à la certification électronique des actes grâce à des documents créés pour la chambre syndicale des notaires), de montrer la spécificité des minutes (reflet matériel de la vie quotidienne dans tous ses aspects) et d’exposer l’usage qui en est fait par les chercheurs (une étagère de monographies en est ici le gage) est pleinement réussi : la visite est tout à fait enrichissante. Le souci de didactisme est même flagrant : les notices sont claires et lisibles, la présentation électronique soignée et diversifiée. Les archivistes ont poussé le soin jusqu’à se transformer eux-mêmes en acteurs, dans une reconstitution en 3D de la signature d’un contrat de mariage de 1579, présenté en regard (la 2D eût probablement suffi à notre extase interactive sans aller jusque là…).
Les 20 millions de minutes conservées à ce jour (représentant 20 000 m linéaires d’archives publiques et privées) font donc bonne figure et devraient réconcilier les curieux avec ce fond certes consultable par tout un chacun, mais qui prend ici un relief inusité, et surtout reprend vie à être commenté avec autant d’enthousiasme communicatif.
Compte rendu par Noémie Courtès
Paris, Archives nationale de France, Hôtel de Soubise, jusqu’au 16 juillet 2012.
Informations, diaporama et dates des conférences :
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/conferences-expo-minutes.pdf
Catalogue (très richement illustré et commenté) : Des minutes qui font l’histoire. Cinq siècles d’archives notariales à Paris, Paris, Archives nationales/Somogy éditions d’art, 2012, 208 p. (32 euros)
Conférences gratuites à 17h (40 min, suivie de la visite commentée de l’exposition) :
3 mai 2012
Sylvie Clair, directrice des Archives municipales de Marseille, conservateur en chef du patrimoine
Les notulae de Giraud Amalric (1248), notaire à Marseille au temps des croisades
mercredi 9 mai 2012
Me Alain Moreau, notaire honoraire, président de l’IIHN-Le Gnomon et de la Société des amis des archives
La loi du 25 Ventôse an XI (16 mars 1803) ou la refondation du notariat
24 mai 2012
Me Rémi Corpechot, notaire à Paris, et Philippe Bertholet, professeur agrégé
François Romain Brichard, notaire à Paris (1776-1794), et sa clientèle, un notaire dans la tourmente révolutionnaire
30 mai 2012
Jean-Claude Yon, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin
« Ah quel tourment d’être notaire ! » : le notariat chez Offenbach
7 juin 2012
Michel Lichtle, maître de conférences honoraire à l’université de Paris Sorbonne
Balzac et les notaires
14 juin 2012
Patrice Cauderlier, maître de conférences honoraire à l’université de Bourgogne
Un « notarios » en Thébaïde au VIe siècle de notre ère : Dioscore d’Aphroditô
20 juin 2012
Michel Melot, conservateur général honoraire des bibliothèques
Honoré Daumier et les notaires
mercredi 27 juin 2012
Paola Caroli, directrice de l’Archivio di Stato di Genova
Le registre du notaire Giovanni Scriba (1154-1164), plus ancien registre en papier
conservé en Europe, et les archives notariales de la cité-Etat de Gênes au Moyen-Âge
28 juin 2012
Philippe Martin, professeur d’histoire moderne à l’université de Lyon II
Histoire du livre et actes notariés
Et aussi le 19 mai 2012, dans le cadre de la Nuit des musées, ouverture de l’exposition jusqu’à minuit, avec différentes animations, et des propositions de conférences par :
A 15 heures. Olivier Poncet, professeur à l’Ecole des chartes
Rabelais chez le notaire. Le Formulaire drolatique de Benoît Du Troncy, notaire lyonnais à l’époque des Guerres de religion.
A 16 heures. Nicolas Lyon-Caen, chercheur au CNRS, et Joël Poivre, conservateur en chef au Minutier central (Archives nationales)
L’acte d’appel contre la bulle Unigenitus, ou les jansénistes chez leur notaire
A 20 heures. Michel Ollion, conservateur en chef au Minutier central (Archives nationales)
Présence du diable dans les actes des notaires de Paris ? A propos d’un acte signé d’Henri III
A 21 heures. Jean-Yves Sarazin, conservateur en chef des bibliothèques, Bibliothèque nationale de France
A 22 heures. Vincent Bouat, conservateur au Minutier central (Archives nationales)
Le notaire perverti : la figure de Ferrand dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue
A partir de documents exceptionnels (dont le,registre d’un « notarius » gênois de 1154, le plus ancien au monde, prêté par les archives gênoises), mais aussi tableaux, caricatures, costumes (dont celui du notaire de « Doit-on le dire ? » de Labiche, prêté par la Comédie-française et confronté à un extrait vidéo de la même pièce), gravures (où l’on apprend que l’infâme notaire des Mystères de Paris s’appelle Ferrand) et objets divers, l’exposition retrace l’histoire d’une profession de plus en plus reconnue en France depuis le XIIIe siècle et de tout temps moquée à la scène. Elle présente également toute la palette des actes officiels enregistrés (au sens propre) qui tissent la vie des particuliers, de leur naissance à leur inventaire après décès (voire à leur exécution, lorsque le notaire se sert des marges comme d’un journal), en passant par leur contrat de mariage (sont exposés celui de Molière et celui de Racine) : la dernière partie de l’exposition est un abécédaire de ces actes où l’on peut voir la signature de Balzac et de Hugo, mais aussi un contrat passé entre Donneau de Visé et Thomas Corneille à propos du Mercure ou encore le compte de tutelle de Baudelaire etc.
Alors que les documents présentés pourraient être profondément ennuyeux dans leur sécheresse juridique (et dans leur jargon), les commissaires ont réussi la gageure de rendre leur lecture étonnante voire amusante ; en tout cas intéressante. L’histoire s’y lit en effet comme dans un roman, que ce soit l’invention du 1er janvier en 1565 ou l’officialisation du français comme langue nationale grâce à l’obligation faite par François Ier de rédiger les actes notariés dans cette langue pour plus de clarté à partir de 1539 et l’édit de Villers-Cotterêts.
Le pari de proposer un aperçu de l’office des notaires d’hier et d’aujourd’hui (jusqu’à la certification électronique des actes grâce à des documents créés pour la chambre syndicale des notaires), de montrer la spécificité des minutes (reflet matériel de la vie quotidienne dans tous ses aspects) et d’exposer l’usage qui en est fait par les chercheurs (une étagère de monographies en est ici le gage) est pleinement réussi : la visite est tout à fait enrichissante. Le souci de didactisme est même flagrant : les notices sont claires et lisibles, la présentation électronique soignée et diversifiée. Les archivistes ont poussé le soin jusqu’à se transformer eux-mêmes en acteurs, dans une reconstitution en 3D de la signature d’un contrat de mariage de 1579, présenté en regard (la 2D eût probablement suffi à notre extase interactive sans aller jusque là…).
Les 20 millions de minutes conservées à ce jour (représentant 20 000 m linéaires d’archives publiques et privées) font donc bonne figure et devraient réconcilier les curieux avec ce fond certes consultable par tout un chacun, mais qui prend ici un relief inusité, et surtout reprend vie à être commenté avec autant d’enthousiasme communicatif.
Compte rendu par Noémie Courtès
Paris, Archives nationale de France, Hôtel de Soubise, jusqu’au 16 juillet 2012.
Informations, diaporama et dates des conférences :
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/conferences-expo-minutes.pdf
Catalogue (très richement illustré et commenté) : Des minutes qui font l’histoire. Cinq siècles d’archives notariales à Paris, Paris, Archives nationales/Somogy éditions d’art, 2012, 208 p. (32 euros)
Conférences gratuites à 17h (40 min, suivie de la visite commentée de l’exposition) :
3 mai 2012
Sylvie Clair, directrice des Archives municipales de Marseille, conservateur en chef du patrimoine
Les notulae de Giraud Amalric (1248), notaire à Marseille au temps des croisades
mercredi 9 mai 2012
Me Alain Moreau, notaire honoraire, président de l’IIHN-Le Gnomon et de la Société des amis des archives
La loi du 25 Ventôse an XI (16 mars 1803) ou la refondation du notariat
24 mai 2012
Me Rémi Corpechot, notaire à Paris, et Philippe Bertholet, professeur agrégé
François Romain Brichard, notaire à Paris (1776-1794), et sa clientèle, un notaire dans la tourmente révolutionnaire
30 mai 2012
Jean-Claude Yon, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin
« Ah quel tourment d’être notaire ! » : le notariat chez Offenbach
7 juin 2012
Michel Lichtle, maître de conférences honoraire à l’université de Paris Sorbonne
Balzac et les notaires
14 juin 2012
Patrice Cauderlier, maître de conférences honoraire à l’université de Bourgogne
Un « notarios » en Thébaïde au VIe siècle de notre ère : Dioscore d’Aphroditô
20 juin 2012
Michel Melot, conservateur général honoraire des bibliothèques
Honoré Daumier et les notaires
mercredi 27 juin 2012
Paola Caroli, directrice de l’Archivio di Stato di Genova
Le registre du notaire Giovanni Scriba (1154-1164), plus ancien registre en papier
conservé en Europe, et les archives notariales de la cité-Etat de Gênes au Moyen-Âge
28 juin 2012
Philippe Martin, professeur d’histoire moderne à l’université de Lyon II
Histoire du livre et actes notariés
Et aussi le 19 mai 2012, dans le cadre de la Nuit des musées, ouverture de l’exposition jusqu’à minuit, avec différentes animations, et des propositions de conférences par :
A 15 heures. Olivier Poncet, professeur à l’Ecole des chartes
Rabelais chez le notaire. Le Formulaire drolatique de Benoît Du Troncy, notaire lyonnais à l’époque des Guerres de religion.
A 16 heures. Nicolas Lyon-Caen, chercheur au CNRS, et Joël Poivre, conservateur en chef au Minutier central (Archives nationales)
L’acte d’appel contre la bulle Unigenitus, ou les jansénistes chez leur notaire
A 20 heures. Michel Ollion, conservateur en chef au Minutier central (Archives nationales)
Présence du diable dans les actes des notaires de Paris ? A propos d’un acte signé d’Henri III
A 21 heures. Jean-Yves Sarazin, conservateur en chef des bibliothèques, Bibliothèque nationale de France
A 22 heures. Vincent Bouat, conservateur au Minutier central (Archives nationales)
Le notaire perverti : la figure de Ferrand dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue